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8 Mars : les femmes de La Via Campesina en action dans le monde entier

Du 8 au 28 mars, des centaines d’actions sont menées dans le monde entier pour commémorer la “Journée internationale des luttes des femmes travailleuses” ; ce jour-là, les femmes des campagnes et de la ville ont dénoncé la violence structurelle du capitalisme et du patriarcat par des marches, saisies foncières, foires, débats, études et journées de mobilisation.

Sous le mot d’ordre «Pour la dignité des femmes, luttons uni.e.s contre l’exploitation et l’oppression du capitalisme et du patriarcat !», le mouvement international, La Via Campesina a appelé cette année à unifier les actions de lutte et de résistance dans les territoires.

Dans son communiqué, La Via Campesina a déclaré : “Nous restons fermement attaché.e.s à notre mission de germer l’espoir et la libération des femmes de la campagne et des villes partout dans le monde. Nous nous unissons donc dans un esprit de fraternité avec toutes les femmes de la Grève Internationale des Femmes, qui vise à démontrer que le travail des femmes est un facteur clé pour la subsistance et la reproduction de la vie et de l’économie mondiale”. De même, elle a affirmé que “Ce n’est qu’avec l’organisation sociale, la formation et l’étude politique, en unité avec d’autres organisations féministes et de travailleuses, que nous pourrons mener notre lutte pour une vie digne pour femmes et hommes.”.

Ce qui suit est un résumé de certaines des actions menées par nos organisations membres en cette journée de mobilisation mondiale.

Amérique latine

Au Brésil, des manifestations sont organisées dans tout le pays ; à São Paulo, 50 000 femmes se sont rassemblées sur l’avenue Paulista. D’importantes mobilisations ont également eu lieu à Porto Alegre, Rio de Janeiro, Recife, Fortaleza, Salvador. Sous le slogan “Pour la vie des femmes, nous sommes toutes Marielle”, des milliers de femmes sont descendues dans la rue pour protester contre le démantèlement de la sécurité sociale, l’augmentation du féminicide et les revers du gouvernement Bolsonaro, en plus de célébrer l’héritage de la militante féministe Marielle Franco.

Des femmes ont bloqué les rails du train de Vale à Mina Gerais.

Le 14 mars 2019, le jour où l’assassinat de Marielle Franco a commémoré une année d’impunité, les femmes du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) et du Mouvement national pour la souveraineté dans les mines (MAM) ont rendu hommage à la mémoire de cette combattante, et avec le blocage des voies ferrées de la compagnie Vale, et ont clôturé cette journée de lutte en dénonçant les crimes sociaux et environnementaux dans Mariana et Brumadinho, dans l’État de Mina Gerais.

“Nous voulons que les gens comprennent que le problème n’est pas les barrages, mais le modèle d’exploitation minière, qui donne tout à l’étranger, principalement à la Chine, pour la seule motivation du bénéfice. Le Brésil se retrouve avec du travail précaire, de la contamination, de la boue et un manque d’eau”, a dénoncé María Julia, du Mouvement national pour la souveraineté dans les mines.

Ces mobilisations ont également été rejointes par le Mouvement des petits agriculteurs – MPA, le Mouvement des femmes paysannes – MMC et le Mouvement des personnes affectées par les barrages, MAB.

Pour leur part, les femmes honduriennes ont organisé des actions directes devant le Ministère de la justice ; dans ce pays, plus de 6 000 personnes ont été poursuivies pour des conflits liés à l’accès à la terre. On estime que 1700 sont des femmes. Voir galerie.

Les organisations de La Via Campesina et d’autres organisations ont dénoncé la criminalisation alarmante qui trouve son expression la plus atroce dans les meurtres. Au cours des 9 dernières années, environ 120 militant.e.s agraires et paysan.ne.s ont été assassiné.e.s pour avoir défendu leurs terres. La plupart des crimes restent impunis : on assiste à plus de violence, plus de criminalisation des femmes qui défendent leurs droits dans les campagnes, ont affirmé les femmes, qui ont utilisé des images de Berta Cáceres pour se souvenir aussi de sa lutte.

En Colombie, les femmes de la Coordination Nationale Agraire, CNA, ont tenu une réunion à Cauca, un territoire où la violence et la persécution de l’État sont viles. Dans cet espace, les femmes ont exigé que le génocide et les processus judiciaires contre les dirigeant.e.s populaires, indigènes, paysannes et paysans cessent ; que la défense de la vie, de la paix et du territoire n’impliquent pas la mort et l’exil ou la prison, mais au contraire qu’il donne lieu à une reconnaissance sociale et politique comme citoyenneté d’un pays en voie de démocratisation.

Pendant ce temps, dans les rues principales du centre du Guatemala, la voix des femmes a été entendue, demandant justice aux autorités pour les milliers de femmes dont la vie a été ôtée, et dont de nombreuses affaires restent impunies. Dans ce pays, selon les données du ministère public jusqu’en novembre 2018, le nombre moyen de femmes victimes de violence physique, économique, psychologique et sexuelle était de 119 par jour.

Au Salvador, le 8 mars, des féministes membres du Forum national de la santé, de la Fédération démocratique internationale des femmes et de La Via Campesina du Salvador sont descendues dans la rue et ont marché ensemble pour exiger leur droit de vivre à l’abri de toute forme de discrimination et de violence. “Les femmes et les filles continuent d’être confrontées à des niveaux élevés de violence sexiste. Selon l’enquête sur la violence, 7 femmes sur 10 au Salvador ont subi au moins une situation de violence dans leur vie “, ont-elles dévoilé dans leur déclaration. Depuis le début de l’année, 59 femmes ont été assassinées dans le pays et, en 2018, 2203 cas de violence sexuelle ont été signalés, principalement contre des filles et des jeunes femmes.

De même, la Fédération nationale des femmes paysannes, artisanales, indigènes, autochtones et salariées du Pérou, FENMUCARINAP, a participé à une manifestation devant le Ministère du travail à Lima pour dénoncer les conditions de travail précaires des femmes paysannes. Regardez la galerie ici.

En République dominicaine, cette journée a été accueillie avec des revers politiques et législatifs, ainsi que de graves violations de nos droits humains. “Dans cet endroit, nous sommes plus de 5 millions de femmes, nous sommes plus de la moitié de la population, nous sommes des citoyennes qui, par notre travail, par notre force, par notre corps, par notre vie, nous rendons ce pays grand et honorable. Cependant, notre histoire n’est ni reconnue ni racontée “, ont-ils conclu.

Les membres du MNCI à Santiago del Estero ont participé à la marche

En Argentine il y a eu aussi de grandes marches, la lutte pour la légalisation de l’avortement est un étendard dans le mouvement féministe des villes et des campagnes, les chiffons verts gagnent de plus en plus de partisans à l’échelle mondiale. Le Movimiento Nacional Campesino Indígena, MNCI, a également mené des actions à Buenos Aires, les compañeras du quartier Esteban Echeverría construisent un féminisme populaire où le gouvernement répond avec plus de brutalité. A Jujuy, des discussions-débats et des activités récréatives ont eu lieu avec la participation de paysannes. De même, des paysannes indigènes de la campagne et d’autres quartiers de Santiago del Estero ont organisé une rencontre dans le centre sportif pour échanger sur leurs luttes et leurs défis en tant que femmes luttant contre le patriarcat et sur la signification du féminisme paysan et populaire. A Mendoza, des milliers de paysannes ont organisé un sit-in. Voir la galerie de photos.

Eu Haïti, l’organisation paysanne MPA a organisé une réunion sur le rôle des femmes dans la création d’une société plus juste et équitable. Les femmes du MPA ont rappelé le grand rôle joué par les femmes en Haïti et dans le monde dans la défense de la dignité et la lutte contre l’exploitation et l’oppression, dans l’ombre d’un système patriarcal et machiste. Ils ont confirmé l’engagement de la MPA à lutter avec les femmes rurales pour leur plein accès aux ressources naturelles.

Au continent nord-américain, au Canada, les agricultrices organisées sous l’étendard du Syndicat national des cultivateurs (SNC) ont publié un communiqué de presse demandant la pleine reconnaissance du travail des femmes en agriculture, en pêche et en pastoralisme dans le monde entier comme des contributions précieuses et nécessaires au bien-être de la société.

Europe

L’Europe a également connu de puissantes mobilisations, dans des villes comme Bilbao, Barcelone, Istanbul, Paris.

A Lugo, en Espagne, les femmes du Sindicato Labrego Gallego sont descendues dans la rue avec leurs alliées, soulignant l’importance de partager leur point de vue en tant que femmes et paysannes, deux secteurs traditionnellement victimes de discrimination. Ainsi, María Ferreiro a expliqué que le #8Mars “était lié à la grève du travail, des conditions de travail et des consommateurs”, trois questions très centrales dans l’agenda du syndicat.

En Andalousie, l’Union andalouse des travailleurs, SOC-SAT a mis un accent particulier sur la tentative de vider ce jour de son sens militant, de le déconnecter du mouvement ouvrier et de son importance en termes de défense de la lutte des femmes pour leurs droits sociaux et de travail. Face à la montée de l’ultra-droite en Andalousie, l’Union a clairement indiqué qu’elle ne permettrait pas un seul pas en arrière en matière de droits à l’égalité, qu’elle ne permettrait pas que les femmes continuent à être victimes d’un système judiciaire patriarcal où le fascisme le plus réactionnaire est en liberté et qu’elle ne permettrait plus l’atteinte aux droits et à la dignité des femmes migrantes qui travaillent comme saisonnières dans des villes comme Huelva et Almeria.

En France, la Confédération Paysanne a réaffirmé, par des déclarations, sa lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines, la promotion et la défense des valeurs féministes, le refus des stéréotypes de genre et du système patriarcal. La Confédération paysanne a publié un bulletin pour la compréhension de l’histoire du féminisme, de l’activité des paysannes en France et d’autres articles, avec des histoires remarquables sur les luttes des femmes de la Confédération et de la Via Campesina.

En Roumanie, qui compte le plus de paysan.ne.s en Europe, les femmes de l’organisation Eco Ruralis ont contredit, via communiqué, les statistiques officielles qui avancent que seulement un tiers des travailleur.se.s de l’agriculture sont des femmes. “Nous savons qu’il ne peut être vrai que les femmes représentent moins de 50% des personnes impliquées dans la production et la transformation des aliments. En ce 8 mars, nous vous invitons à reconnaître le rôle des femmes en Roumanie et dans le monde entier dans la production agroécologique de produits alimentaires. Leur travail est l’avenir de la planète.”

Arna (Région arabe et Nord de l’Afrique)

En Palestine, les femmes ont montré leur lutte et leur résistance, une centaine de femmes de l’UWAC de divers villages de Cisjordanie ont déclaré leur solidarité avec les femmes palestiniennes qui souffrent avec leurs familles, quotidiennement, la politique d’occupation du gouvernement qui veut les déporter, détruire et confisquer leurs fermes.

Ahlam Echtiah de LVC Palestine a déclaré : “La célébration du 8 mars dans cette région est une véritable célébration de la journée de la femme, avec des femmes qui représentent un exemple de résistance à l’occupation de leurs terres.

Au Maroc, l’organisation des femmes du le secteur agricole, affiliée à la Fédération nationale du secteur agricole, a organisé des réunions sur les droits des femmes. Au cours du mois de mars, 11 rencontres sont organisées dans différentes régions, réunissant les femmes selon leur activité : paysannes, travailleuses agricoles, ingénieurs agronomes, femmes rurales et urbaines.

L’organisation de femmes FNSA a également participé à un débat télévisé face à face à un représentant du gouvernement marocain sur la situation des travailleurs agricoles marocains dans le sud de l’Espagne qui travaillent dans des conditions inhumaines exposées au harcèlement sexuel, dans l’indifférence et le déni du gouvernement marocain, qui organise lui-même le voyage de ces travailleurs en Espagne.

En Tunisie, l’organisation “Million de femmes rurales”, en coopération avec la section locale du syndicat des travailleurs de la région de “Tuburba” et le syndicat régional de la région de “Manouba”, a organisé une manifestation de masse sous le slogan “Nous luttons contre l’exploitation, l’oppression et l’occupation”, qui a réuni un groupe de femmes activistes et paysannes. La réunion s’est caractérisée, comme d’habitude, par la précision et la richesse de leurs interventions. La rencontre était un hommage aux paysannes et militantes de la région de Manouba.

Asie

Au Japon, des paysans membres de Nouminren ont participé à une marche de solidarité devant le Japan Education Center, également pour commémorer le 40e anniversaire du Traité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Vidéo.

Au Timor-Leste, les paysannes de MOKATIL ont organisé un marché paysan et exposé des messages de solidarité pour commémorer la Journée internationale des femmes travailleuses.

Les femmes de Srilanka, membres de MONLAR, ont fait campagne contre les entreprises de microfinance spéculatives qui ont piégé les communautés dans un profond endettement. Plusieurs centaines de femmes, dont des paysannes et des ouvrières rurales, ont manifesté à Vavuniya, un village de la province de Srilanka, au nord du pays.

Au Pakistan, dans le district de Toba Tek Singh, dans la province pakistanaise du Punjab, des paysannes et paysans et des femmes travaillant dans des briqueteries ont organisé une marche de solidarité pour commémorer cette journée. Ils se sont souvenues d’Asma Jehangir, militante des droits des femmes au Pakistan et proche alliée des mouvements paysans, dont le militantisme a aidé, entre autres, à lutter contre la criminalisation des mouvements paysans.

En Corée du Sud, des paysannes membres de la Korean Peasant Women’s Association (KWPA) ont organisé une conférence sur le féminisme, dans laquelle des militantes ont expliqué leur longue lutte contre le patriarcat, comment elles ont créé leur propre espace au sein du mouvement paysan en Corée. Des membres de la Ligue paysanne coréenne ont également participé à une action commune à Jeju et à Séoul.

Afrique

En Tanzanie, l’ESAFF a publié un communiqué de presse intitulé ” Uganda’s disadvantaged rural women, who are small-scale farmers “, appelant le gouvernement à assurer un climat inclusif qui place les considérations d’égalité des sexes et les voix des femmes au premier plan de l’autonomisation économique, de l’élaboration des politiques et de la gestion du changement climatique, car c’est le seul moyen viable de parvenir à un monde meilleur et équilibré.

Au Kenya, la Ligue paysanne kenyane s’est mobilisée par le biais d’une action massive sur Twitter pour la vie et la dignité des femmes.

Au Mali, le CNOP, organisation membre de La Via Campesina, a participé à plusieurs réunions, dont l’assemblée générale des communautés de Kamale, qui a réuni 15 villages de la région. Les femmes du CNOP ont rencontré des femmes chefs coutumières et ont échangé des informations sur les cadres juridiques et consultatifs qui garantissent davantage de droits et de protection aux femmes, notamment en termes d’accès à la terre.

Pour la vie et la dignité des femmes, luttons ensemble contre l’exploitation et l’oppression du système capitaliste et patriarcal !