2024 | Bulletin d’info de juin : L’actu des organisations membres de LVC dans le monde entier
Le mois de juin a été riche en mobilisations et en luttes des peuples des campagnes. La paysannerie mondiale est retournée dans la rue avec les mouvements sociaux pour exiger la paix, le respect de la démocratie et des engagements électoraux, la justice sociale et une véritable promotion de l’agriculture à petite échelle. La dignité des peuples des campagnes s’est également traduite par la continuité des processus de formation en agroécologie paysanne et l’approfondissement des luttes pour la souveraineté alimentaire, un espoir que l’humanité porte encore.
Commençons par la Bolivie, où une tentative de coup d’État militaire, le 26 juin dernier, a été neutralisée par la mobilisation populaire des paysan·nes, des peuples autochtones et des travailleur·euses, qui se sont rassemblés dans le centre de La Paz pour soutenir l’ordre démocratique dirigé par le gouvernement actuel de Luis Arce. Bien que la tentative de coup d’État ait été rapidement réduite, les efforts des groupes de droite latino-américains pour stopper l’avancée des secteurs progressistes de la région demeurent latents, comme dénoncé dans un communiqué du CLOC – Via Campesina.
En Europe, suite aux élections du Parlement européen, ECVC (European Coordination Via Campesina, pour son acronyme anglais) a alerté sur la fragilité de la démocratie et les attentes de la paysannerie après des mois de mobilisation pour des prix justes, le respect des droits paysans et l’arrêt de la déréglementation des OGM. Les nouvelles autorités doivent promouvoir la transition agroécologique, renforcer l’accès aux politiques de subvention et encourager la continuité intergénérationnelle. ECVC s’inquiète également du soutien croissant de l’extrême droite et de son discours raciste, xénophobe et sectaire sur le travail des migrant·es dans l’agrobusiness.
En Argentine, le 12 juin sur la Place du Congrès, les organisations paysannes, syndicats, femmes et étudiants se sont mobilisés contre la Loi sur les Bases, approuvée par le Sénat, qui approfondit le modèle d’exploitation de la nature avec des conséquences environnementales, sociales et sanitaires. Les multinationales, déjà bénéficiaires de nombreux avantages en termes de rentabilité et de manque de contrôles, ont célébré cette mesure. Les rues de Buenos Aires ont été le scénario d’une répression excessive, tandis que le gouvernement de Milei persiste à faire de l’extractivisme une politique d’État.
Une situation très complexe se manifeste également au Pérou, où la semaine dernière, les organisations paysannes membres de LVC ont rejoint la Marche nationale contre les récents changements législatifs promus par le Congrès de la République et le gouvernement. Ces projets, connus sous le nom de Loi bâillon, impliquent le harcèlement des organisations de la société civile, la destruction de l’Amazonie, l’impunité pour les crimes contre l’humanité, ainsi que des lois violant les droits individuels et collectifs des peuples autochtones. La mobilisation s’est déroulée devant le Palais de Justice de Lima, réunissant l’ensemble du mouvement social au Pérou, y compris des collectifs, des organisations de la société civile et des organisations de peuples autochtones, près de deux ans après l’entrée en fonction du gouvernement actuel de Dina Boluarte.
En Thaïlande, le 18 juin, plus de 300 membres de la North Lampang Farmers Federation se sont rassemblés à la mairie de la province pour protester contre les inspections menées par le département des forêts sur des parcelles communautaires pratiquant l’agriculture itinérante. Ces inspections inopinées, qui ont débuté le 13 juin à Ban Khun On Pattana, dans le district de Ngaw, ont suscité des inquiétudes quant à d’éventuelles confiscations de terres. Les manifestant·es ont demandé aux autorités de mettre fin à ces inspections et à engager un dialogue pour protéger leurs pratiques agricoles traditionnelles. Malgré les premières assurances données par les fonctionnaires, les manifestants ont jugé les réponses insatisfaisantes et prévoient d’étendre leurs actions à l’échelle nationale.
Au Portugal, les organisations paysannes ont exprimé leur inquiétude quant au non-respect de la promesse électorale d’intégrer les directions régionales de l’agriculture au ministère de l’agriculture. Cette mesure permettrait à la politique nationale de promouvoir de manière systématique la production agricole et forestière à petite échelle dans le pays. Elles demandent aussi que les politiques de la PAC soient plus accessibles et ne portent pas atteinte aux droits paysans.
Depuis le 18 juin, au Maroc, les producteurs du lait “Jouda” et de ses dérivés, membres du bureau syndical des travailleurs de l’Agence Sla de la coopérative “Copac”, sont en grève de la faim. Cette action vise à protester contre le retard de la direction à résoudre leurs problèmes et à les empêcher d’exercer leurs droits.
En Galice, Espagne, des représentant·es du Sindicato Labrego ont demandé à l’organe de la réserve de biosphère de Miño la reconnaissance de l’agriculture agroécologique comme un secteur stratégique dans le plan d’action pour la prochaine décennie. Iels ont souligné la contradiction entre la promotion de la préservation de cet espace naturel crucial et le soutien à des projets industriels tels que parcs éoliens, installations photovoltaïques et exploitations minières, qui menacent les zones rurales. Les organisations paysannes galiciennes appellent les institutions à résoudre le problème du manque de terres agricoles et à faciliter l’intégration de nouveaux exploitants intéressés.
En Amérique centrale, la CLOC – Via Campesina a exprimé sa solidarité avec le Comité d’Unité Paysanne – CUC du Guatemala, face à la violence structurelle persistante subie par les communautés paysannes et autochtones, ainsi qu’à la persécution, la criminalisation et l’assassinat des défenseurs des droits paysans. Nous déplorons une fois de plus que les organisations rurales de ce pays soient endeuillées par des agressions odieuses et la perte de leurs militant·es, des actes visant à intimider les familles organisées. Nous appelons l’État à mener les enquêtes nécessaires et à condamner les responsables du meurtre de José Alberto Domingo ainsi que de l’attentat contre la vie de nos camarades Marcelo et Gustavo Yaxón le 5 juin.
Dans les Caraïbes, des organisations dominicaines ont protesté le 21 juin contre la construction du barrage de Monte Grande. Les 460 familles touchées par ce projet ont exigé du gouvernement qu’il respecte ses engagements, notamment la livraison de 30 zones de terre de qualité avec irrigation et l’achèvement du centre-ville, des promesses qui auraient dû être tenues il y a cinq mois. Elles ont appelé le Président de la République à prendre des mesures urgentes pour résoudre ces problèmes, et les autorités de la province d’Azua à assumer leur responsabilité dans la représentation et la gestion des besoins des communautés.
En République dominicaine également, les participantes à la VIe École continentale des femmes de la CLOC – Via Campesina, venues de 18 pays latino-américains ainsi que les déléguées des organisations membres du Canada et des États-Unis, ont exprimé leur vive préoccupation et leur désapprobation face à la situation actuelle du gouvernement haïtien. Elles ont également critiqué la récente décision du gouvernement dominicain de restreindre, sans justification, la participation des déléguées haïtiennes à l’école. Elles ont dénoncé la crise alarmante en Haïti, aggravée par les interventions étrangères et l’ingérence internationale, qui exacerbent la violence, l’insécurité et la précarité dans le pays, affectant gravement les communautés paysannes et surtout les femmes. Ces crises sont le résultat des politiques néolibérales et de la logique impérialiste qui exploitent et contrôlent le peuple haïtien.
En Afrique du sud et de l’est, au Zimbabwe, ZIMSOFF défend activement les droits et les besoins des petit·es exploitant·es agricoles, notamment dans les domaines des droits paysans, de la justice climatique, du genre et de l’agroécologie paysanne. Le 16 mai, ZIMSOFF a participé au lancement du groupe de travail sur le genre et le changement climatique, où il a présenté diverses semences et aliments traditionnels conservés par les paysan·nes. Ces semences constituent la base de la résilience face aux effets du changement climatique. La ministre des Affaires féminines, du Développement communautaire et des Petites et Moyennes Entreprises, des fonctionnaires des Nations unies, ainsi que la Commission pour l’égalité des sexes et la société civile ont assisté à cet événement.
Au Honduras, les organisations de La Via Campesina ont dénoncé la négligence structurelle et les scandales de corruption qui continuent de nuire aux villages ruraux. L’affaire Pandora a été révélée, mettant en lumière le détournement de plus de 282 millions de lempiras destinés à renforcer l’agriculture du pays. Ces fonds ont été utilisés pour financer les campagnes politiques du Parti national et du Parti libéral en 2013. Les organisations paysannes demandent à être reconnues comme victimes de cette fraude, afin d’obtenir justice et réparations, et pour éviter que de telles situations se reproduisent. En plus du vol de ressources, ce détournement a entravé le développement de milliers de paysan·nes, privant les jeunes et les femmes rurales des bénéfices promis qui ne sont jamais parvenus aux communautés.
En Asie du Sud-Est, l’Agence nationale indonésienne pour l’alimentation (Badan Pangan Nasional RI) a récemment publié de nouvelles politiques concernant le prix d’achat gouvernemental. L’Union des paysans indonésiens (SPI) a averti que cette annonce était tardive, la principale saison de récolte du riz étant déjà terminée. Elle a également souligné que les prix annoncés ne couvraient pas les coûts de production dans de nombreuses régions. Bien que le SPI apprécie l’engagement du gouvernement dans la gestion du commerce du riz, il demande une mise à jour plus complète et plus adaptée des politiques de prix pour répondre aux besoins des agriculteurs.
En Asie du Sud, ainsi que dans d’autres régions du monde, les jeunes paysan·nes continuent de valoriser l’agriculture comme un moyen de subsistance et une source d’opportunités. En Inde, l’association des agriculteurs de l’État de Karnataka (KRRS) et Hasiru Sene ont récemment organisé le deuxième camp de leadership pour les jeunes agriculteur·rices. Ce camp, qui s’est déroulé dans le district de Shimoga, avait pour objectif de revitaliser Hasiru Sene et d’établir une organisation de jeunesse paysanne axée sur la préservation de l’agriculture, avec pour slogan “Notre mouvement pour sauver l’agriculture”. Le camp a abordé divers sujets, notamment l’histoire de l’association depuis sa création en 1980, les défis rencontrés par les jeunes dans le domaine agricole et les solutions pour y faire face.
Le 5 juin, en Ouganda, ESAFF a célébré la Journée mondiale de l’environnement à l’école secondaire moderne St. Joseph Naama, située dans le district de Mityana. En plus de planter des arbres, ESAFF Ouganda a semé des graines de connaissances et de responsabilité parmi les élèves grâce à des clubs d’agroécologie, une initiative visant à promouvoir l’agroécologie paysanne chez les jeunes et à ouvrir la voie à un avenir durable. Cette journée a également marqué le lancement de la deuxième édition du concours de poèmes scolaires Agroecology 2024, encourageant ainsi les élèves à exprimer leur compréhension de l’agroécologie paysanne à travers la poésie.
Le dimanche 23 juin, l’association “Un million de femmes rurales et sans terre” de Tunisie a organisé à Zaghouan une session de formation sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). Cette initiative a également permis d’établir une branche régionale de l’association dans le gouvernorat de Zaghouan, suite à la participation active de la paysannerie locale.
Au Sénégal, grâce à la formation dispensée par le Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux (CNCR) dans le cadre du projet PADAER II, la Cellule de Veille Citoyenne (CVC) est désormais prête à mettre en œuvre efficacement les mécanismes de gestion des plaintes pour les entreprises agricoles. Les producteurs comprennent maintenant non seulement le processus de gestion des plaintes, mais aussi les avantages qu’il peut apporter. La CNCR demande la mise à disposition de ressources substantielles pour assurer le bon fonctionnement de ce mécanisme, notamment pour garantir la mobilité des membres impliqués dans le traitement des plaintes.
Pour améliorer la visibilité et la gestion du pastoralisme au Togo, la Coordination togolaise des organisations paysannes et des producteurs agricoles (CTOP), en collaboration avec le Réseau des organisations paysannes de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), a organisé un atelier de formation à Tsevié du 6 mai au 7 juin 2024. Cet atelier visait à renforcer les compétences en plaidoyer et en défense des politiques publiques en faveur des éleveurs de la région et du pays. À la suite de cet atelier, le ROPPA, via la plateforme nationale CTOP, prévoit de rencontrer le Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et du Développement rural pour mettre en œuvre des initiatives dans le domaine pastoral.
En Mauritanie, l’Union des agriculteurs, représentée par son secrétaire général et plusieurs membres de son bureau exécutif, ainsi que l’organisation Mundubat, avec son coordinateur général et son coordinateur de projet, ont effectué une visite à la coopérative Al-Najah à Mesila, village de Rgeiba 1, dans la section Dar al-Baraka. M. Antonio Montoro, coordinateur général, a exprimé son admiration pour le travail considérable accompli par les femmes de la coopérative malgré des conditions difficiles, soulignant leur détermination à contribuer à l’autosuffisance et à la souveraineté alimentaire.
Enfin, au Sri Lanka, MONLAR a organisé une consultation régionale avec des organisations de la région Asie-Pacifique qui soutiennent le mouvement mondial pour la souveraineté alimentaire en vue de préparer le 3e Forum global Nyéléni en 2025. Des représentant·s de 13 pays ont participé aux discussions concernant les petit·es agriculteur·rices, les pêcheur·euses, les éleveur·euses, les peuples autochtones, les femmes, les jeunes, les travailleur·euses, les consommateur·rices et les personnes de diverses identités de genre dans la région. Ils ont également visité un centre de vente de produits ruraux géré par des producteur·rices et entrepreneurs ruraux à Palatuwa, Matara, encourageant ainsi la souveraineté alimentaire par la promotion de produits environnementaux locaux dans leur communauté.
Si nous avons manqué des mises à jour importantes, veuillez envoyer les liens à communications@viacampesina.org afin que nous puissions les inclure dans la prochaine édition. Nous n’incluons que les mises à jour des membres de La Via Campesina. Pour une mise à jour complète des différentes initiatives de juin 2024, veuillez consulter notre site web. Vous pouvez également trouver les éditions précédentes de notre bulletin d’information sur notre site web. En outre, des versions condensées de notre bulletin d’information sont disponibles en podcast sur Spotify.
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