Vingt-cinq ans de conviction et d’engagement pour la souveraineté alimentaire : Célébrer la diversité, la résilience et notre volonté de transformer la société
En cette année 2021, nous célébrons 25 ans d’efforts et d’actions menées par les paysan⋅ne⋅s dans nos communautés pour faire de la souveraineté alimentaire une réalité, une alternative pour résister au modèle capitaliste. Cette vision de la relation à la nature et à l’autre pratiquée harmonieusement depuis des milliers d’années a été mise en mots par La Via Campesina et ses alliés lors du Sommet mondial de l’alimentation à Rome en 1996. Nous avons défini la “souveraineté alimentaire” comme le droit des personnes à produire de manière autonome des aliments sains, nutritifs, adaptés au climat et à la culture, en utilisant les ressources locales et par des moyens agroécologiques, principalement pour répondre aux besoins alimentaires locaux de leurs communautés.
En guise de célébration, nous publions notre première affiche officielle d’une série qui explorera les différentes dimensions de la souveraineté alimentaire, telles que définies lors du Sommet de 1996.
Télécharger les affiches en haute résolution ici (Le lien expire le 26 septembre 2021)
Depuis son lancement il y a 25 ans à Rome, la définition de la souveraineté alimentaire s’est élargie (déclaration de Cuba et déclaration de Nyéléni en 2007) pour refléter les intérêts de nombreux groupes vulnérables et souvent négligés. En 2007, lors du forum de Nyeleni au Mali, la définition a été élargie et structurée en six piliers clés :
“La souveraineté alimentaire est le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite par des méthodes écologiquement saines et durables, et leur droit de définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. Elle place celles et ceux qui produisent, distribuent et consomment les aliments au cœur des systèmes et des politiques alimentaires plutôt que de répondre aux exigences des marchés et des entreprises. Elle défend les intérêts et l’inclusion de la prochaine génération. Elle propose une stratégie pour résister et démanteler le régime commercial et alimentaire actuel de l’agrobusiness, ainsi que des orientations pour des systèmes alimentaires, agricoles, pastoraux et de pêche déterminés par les producteur⋅rice⋅s locaux. La souveraineté alimentaire donne la priorité aux économies et aux marchés locaux et nationaux et donne du pouvoir à l’agriculture, à la pêche artisanale et aux pâturages dirigés par les paysan⋅ne⋅s et leurs familles, ainsi qu’à la production, la distribution et la consommation d’aliments sur la base de la durabilité environnementale, sociale et économique. La souveraineté alimentaire promeut un commerce transparent qui garantit un revenu équitable à tous les peuples et le droit des consommateur⋅rice⋅s à contrôler leur alimentation et leur nutrition. Elle garantit que les droits d’utilisation et de gestion de nos terres, territoires, eaux, semences, bétail et biodiversité sont entre les mains de celles et ceux d’entre nous qui produisent des aliments. La souveraineté alimentaire implique de nouvelles relations sociales exemptes d’oppression et d’inégalité entre les hommes et les femmes, les peuples, les groupes raciaux, les classes sociales et les générations.”
La souveraineté alimentaire a donc eu des répercussions importantes sur les politiques publiques, reprises par de nombreuses organisations et institutions telles que les organes des Nations unies (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture [FAO], Fonds international de développement agricole [FIDA], Conseil des droits de l’homme [CDH], etc.) Certains gouvernements l’ont inclus dans leurs politiques et d’autres dans leurs constitutions.
Malgré ces avancées majeures, les architectes de l’agriculture industrielle poussent à nouveau vers des méthodes de culture plus destructrices et extractives.
Contrer l’emprise des multinationales et se mobiliser pour une alternative populaire
Le prochain Sommet des systèmes alimentaires de l’ONU illustre bien que les multinationales ont accéléré leur prise de contrôle des institutions multilatérales, utilisant la pandémie de la COVID-19 et l’augmentation de l’insécurité alimentaire pour faire valoir leurs intérêts centrés sur le profit. Les organisateurs du Sommet des systèmes alimentaires de l’ONU, depuis sa conception en 2019, ont mis de côté le rôle des mouvements paysans et autochtones dans la définition des contenus de ce Sommet.
En conséquence, La Via Campesina a rejoint des dizaines d’autres mouvements sociaux pour dénoncer et boycotter ce Sommet qui est censé se dérouler en notre nom, mais avec l’objectif de nous détruire !
La Via Campesina s’associera également à d’autres membres de la société civile pour organiser un contre-sommet d’ici la fin du mois de juillet 2021 – afin de présenter les véritables alternatives qui émergent de nos expériences dans nos territoires. La bataille pour l’avenir de l’alimentation est devenue conflictuelle, nous, les paysan⋅ne⋅s et allié⋅e⋅s, devons revisiter, renouveler le droit à la souveraineté alimentaire tout en assurant sa continuité.
Dans les prochains jours, La Via Campesina enverra également une note d’orientation à tous nos membres, élaborant les différentes manières dont nous pouvons rejoindre les mobilisations du contre-sommet qui sont prévues dans la dernière semaine de juillet. Il sera important de joindre nos efforts pour définir la transformation que nous recherchons et les voies pour y parvenir.
Le Futur que nous voulons
Nous devons mieux lier le droit à la souveraineté alimentaire à la mise en œuvre des droits revendiqués dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysan⋅ne⋅s et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP), tout en clarifiant les différentes interprétations qui ont été faites de ce droit depuis 1996 pour marquer la ligne rouge et les différences avec les utilisations détournées qui en ont été faites – que ce soit par les gouvernements, les forces d’extrême droite ou certaines ONG. Les 25 prochaines années sont importantes pour renforcer les systèmes alimentaires localisés essentiels à la lutte contre la faim et au refroidissement de la planète, préserver la biodiversité et respecter les droits des paysan⋅ne⋅s et des travailleur⋅se⋅s. La pandémie de la COVID-19 nous a montré l’importance et la résilience des systèmes alimentaires locaux qui ont prémuni de nombreuses personnes de la faim et de la famine. Ainsi, nous continuons à faire pression pour une stratégie de transformation radicale vers un système alimentaire juste et décent pour toutes et tous, un système alimentaire qui reconnaisse les besoins des peuples, donne priorité à la dignité des personnes, respecte la nature, place les personnes au-dessus des profits et résiste à la mainmise des multinationales. Il est maintenant temps de changer de modèle agricole et alimentaire et de construire des sociétés nouvelles.
#PasDeFuturSansSouverainetéAlimentaire
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