RENCONTRE REGIONALE DE LA VIA CAMPESINA AFRICA

MADAGASCAR, du 14 au 17 mai 2008 – DECLARATION FINALE

“CRISE MONDIALE DE L’ALIMENTATION”

Du 14 au 17 mai 2008, 40 délégués et déléguées d’organisations paysannes de différents pays d’Afrique[1] ont tenu à Antananarivo une réunion régionale pour débattre de plusieurs sujets en lien avec la vie des paysans et petits agriculteurs et de leurs organisations dans la région. Ces organisations partagent la vision du mouvement international paysan La Via Campesina.

Au cours de la rencontre, nous avons débattu de la situation socio-économique de la région, de la construction d’alliances avec d’autres mouvements et institutions sur le continent africain, de stratégies pour lutter contre les politiques néolibérales imposées à l’Afrique, de comment faire croître le nombre d’organisations paysannes membres de Via Campesina, et nous avons accueilli de nouveaux membres au sein de la région Afrique. Nous avons aussi travaillé à notre préparation pour la 5e conférence internationale de la Via Campesina, qui se tiendra en Octobre de cette année au Mozambique.

La question de la crise alimentaire a été une préoccupation particulière pour nous. Les prix sur le marché mondial des denrées alimentaires sont en hausse. Les familles pauvres, en particulier dans les zones urbaines pauvres, voient leur budget alimentaire augmenter et ne peuvent plus se permettre d’acheter le minimum nécessaire pour vivre. La faim en Afrique n’est pas un problème nouveau. Bien que les petits paysans et les bergers dans les zones rurales d’Afrique aient développé différentes manières de faire face au problème, surtout après l’introduction par la Banque mondiale et le FMI de politiques destructrices qui ont sapé la production alimentaire locale, la libéralisation des échanges a entraîné ce qui revient à une situation de guerre contre les petits producteurs. Les paysans se sont trouvé obligés à mettre en œuvre une production industrielle pour les corporations transnationales, et à acheter leur nourriture sur le marché mondial. Les paysans et les petits producteurs ne tirent aucun bienfait des prix élevés.  Nous produisons de la nourriture mais les bénéfices des récoltes nous échappent souvent : ils reviennent d’emblée aux créanciers, aux entreprises d’intrants agricoles ou directement aux négociants ou aux unités de transformation.

Au cours des 20 ou 30 dernières années, la Banque mondiale et le Fond Monétaire International (FMI) ont obligé les pays à diminuer leurs investissements dans la production alimentaire et à réduire leur soutien aux paysans et petits producteurs. Plus récemment l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a obligé à la libéralisation du commerce international, ouvrant la voie aux corporations transnationales, qui retirent leurs marchés aux petits producteurs. De plus, l’expansion des entreprises d’agrocarburant nous fait prévoir que la terre destinée à la production de nourriture va petit à petit disparaître, et des pays en Afrique transforment des milliers d’hectares destinés à l’agriculture en des soi-disant zones de développement économiques, urbanisations et infrastructures.

L’accaparation actuelle des terres par les compagnies transnationales et autres spéculateurs expulsera des millions de paysans qui iront grossir les rangs des affamés et des pauvres dans les bidonvilles des grandes villes.  De plus, le continent subit des sécheresses et des inondations plus sévères qu’auparavant, causées par les changements climatiques globaux. Ce sont là de sérieuses menaces pour les zones tant rurales qu’urbaines.

Il s’agit ici d’évolutions préoccupantes qui exigent un changement actif et urgent ! Nous, représentants des paysans et petits agriculteurs en Afrique, exigeons un changement fondamental dans l’approche de la production alimentaire et des marchés agricoles.

Nos gouvernements doivent prendre des engagements politiques à long terme, afin de reconstruire les économies alimentaires nationales. Une priorité absolue doit être donnée à la production alimentaire domestique, afin de diminuer la dépendance sur le marché international. Les paysans et petits producteurs devraient être encouragés grâce à de meilleurs prix pour leurs productions, et des marchés stables à produire des aliments pour leur propre consommation et celle de leurs communautés. Les familles sans terre des zones rurales et urbaines doivent avoir accès à la terre, aux semences et à l’eau pour produire leur nourriture. Ceci signifie des investissements plus importants dans la production paysanne et familiale pour les marchés locaux.

Des mesures de stabilisation doivent aussi être prises sur le plan international. Des réserves internationales doivent être constituées et un mécanisme d’intervention doit être mis en place pour stabiliser les prix sur les marchés internationaux à un niveau raisonnable. Les pays exportateurs doivent accepter des règles internationales pour contrôler les quantités qu’ils peuvent mettre sur le marché, afin de mettre fin au dumping. Le droit à la mise en place de contrôles des importations, des programmes pour soutenir les consommateurs les plus pauvres, à mettre en œuvre une réforme agraire et à investir dans la production alimentaire paysanne et familiale doit être totalement respecté et soutenu au niveau international.

La réponse à la Crise alimentaire globale se trouve entre les mains des paysans et petits producteurs. Les organisations paysannes de la Via Campesina Afrique sont convaincues que les paysans et les petits producteurs peuvent nourrir l’Afrique. Nous devons être au cœur de la solution. Avec une volonté politique suffisante et la mise en œuvre de politiques adaptées, plus de paysans et paysannes, petits producteurs et productrices, produiront facilement des aliments en quantité suffisante pour nourrir la population croissante. La situation actuelle est la preuve que des changements sont nécessaires.

 L’heure de la Souveraineté alimentaire est venue !

 Globalisons la lutte! Globalisons l’espoir !

 


[1] [1] CPM – Madagascar, PPN – Niger, COPACO-PRP – RDCongo, MVIWATA – Tanzanie, UNAC – Mozambique, CNOP – Mali, CNCR – Sénégal, CNOP – Congo, LPM – Afrique du Sud, CORDAF – RDC, CORDAP – Cameroun