Procès-verbal de la réunion des femmes de la Vía Campesina du 18 au 21 octobre 2006 – Galice
L’importance de l’éducation, la participation dans les organisations paysannes, la reconnaissance des femmes au niveau des lois sont des conditions de base pour obtenir l’égalité.
Nous devons faire attention aux valeurs que nous transmettons, car celles-ci peuvent être des valeurs machistes imperceptibles en terme de religion, de moyens de communication, du travail de la femme. Ce sont les femmes qui doivent établir ce qu ‘elles désirent et non les hommes.
Intervention de Sergia Galvan, féministe de la République dominicaine, portant sur les différents courants féministes
Le féminisme, s’érigeant depuis un peu plus de 300 ans, constitue l’un des mouvements sociaux qui a atteint le plus haut niveau de consolidation et de développement en un temps relativement court. C’est le mouvement qui a obtenu le plus grand nombre de victoires et qui a le plus apporté aux femmes, tant au niveau privé que public. Gravissant les sphères, il a affronté et remis en question la connaissance, l’Etat et les structures sociales, le patriarcat, la religion, l’éthique, la morale, les corps et le sexe des femmes, les mettant en rapport avec l’inégalité qu’affrontent celles-ci dans la société.
La majeure partie des auteurs femmes identifie trois périodes, dénommées vagues de féminisme.
• Première Vague depuis 1678, où l’on assiste à la naissance du premier féminisme, avec un agenda minime, qui manifeste le désir d’égalité et d’émancipation, revendique l’accès au savoir et l’obtention d’une certaine marge de liberté.
• Deuxième Vague : le féminisme libéral suffragiste ou néo-féminisme, qui se développe pendant les années 60 – 70. Le féminisme radical apparaît avec une forte position de rejet du patriarcat. Deux tendances fermes de féminisme apparaissent : celle de la différence, se basant sur la différence sexuelle et cherchant à approfondir l’essence féminine, et celle de l’égalité, établissant la reconnaissance d’espaces d’égalité et dont les priorités sont les droits politiques, civils et à l’éducation.
• La troisième Vague apparaît dans les années 80-90 sous le nom de féminisme culturel. L’Eco féminisme (féminisme lesbien) engendre un débat important sur la prostitution pornographique et le libertinage ; les postures élitistes, universalistes, racistes, hétérosexuelles peu ouvertes à la pluralité sont critiquées.
• Quatrième Vague : le féminisme transsexuel. Ses priorités sont les droits culturels, sexuels et reproductifs.
Il ne s’agit pas là d’une évolution, mais de différentes perspectives approfondissant une même problématique.
Le féminisme a commencé à prendre forme en Amérique latine et aux Caraïbes dans les années 70, grâce à la multiplication de collectifs et groupes de femmes. Ces organisations étaient constituées en majeure partie de femmes de classe moyenne et de classe haute, n’ayant aucun contact avec la réalité des femmes de faibles ressources économiques.
La célébration de la première Conférence Mondiale de la Femme, s’étant tenue en 1976 au Mexique, a été à l’origine de la Décennie de la femme, qui a contribué à inclure la condition et les besoins des femmes dans l’agenda public des gouvernements, ainsi qu’au niveau international.
A partir de là, l’approche des femmes quant à leur développement a été composée de trois points :
• L’équité
• La lutte contre la pauvreté
• L’attribution à la femme de fonctions plus efficaces au niveau de la famille, de la production et de la participation aux affaires de la communauté, afin de pouvoir faire face aux conséquences dues aux différents changements.
Le féminisme a le mérite d’avoir mis en relief les potentiels des femmes en terme de production et d’avoir attiré efficacement l’attention des autorités nationales et internationales sur le rôle de la femme, sa contribution au développement et ses besoins.
Dans les années 80, le mouvement des femmes paysannes réclame que son agenda soit inclus dans celui du mouvement féministe. C’est le début d’un changement dans son approche concernant l’équité entre les genres. Et l’accent est mis sur l’égalité des chances.
Que reste-t-il au mouvement des femmes féministes paysannes, qui fait face à un contexte globalisé, néolibéral, qui nous vole notre vie, nos semences, ce qui nous appartient, le naturel pour faire place au transgénique ? Les féministes paysannes lutteront pour une transformation culturelle, économique et politique réelle.
Intervention d’Irene de Leon sur le féminisme de l’égalité et le féminisme de la différence
Le féminisme de la différence
Le féminisme de la différence rend les inégalités naturelles. Il ne perçoit pas que la différence est une construction historique, étant donné que rendre les inégalités naturelles est une manière de les justifier (comme les différences de races, créées par le colonialisme et justifiées par l’impérialisme).
Nous avons la vision d’un monde né de la diversité et pour cette raison, nous sommes en faveur d’un féminisme de l’égalité.
Le féminisme paysan
Il y a peu de temps que le rôle des femmes paysannes est reconnu au sein des organisations paysannes, dans le développement de l’agriculture, de la biodiversité, et de l’alimentation. Mais actuellement, les transnationales essaient de s’approprier le savoir des femmes, en utilisant le système de brevets pour privatiser cette connaissance. Pour cette raison, les femmes doivent lutter contre les transnationales.
Pour les femmes, la souveraineté alimentaire est nécessaire afin d’obtenir un monde sans discrimination, où elles peuvent être considérées en tant qu’êtres humains
Le concept de souveraineté alimentaire a été utilisé comme une grande alternative politique afin d’obtenir l’égalité.
Les féministes participeront d’une part à la construction du mouvement et de la pensée des femmes paysannes. D’autre part, elles donneront de nouvelles dimensions au féminisme, grâce par exemple à la reconnaissance du savoir des femmes concernant la biodiversité.
Un documentaire vidéo a été projeté, portant sur les femmes de la Vía Campesina et dans lequel apparaît le besoin d’intégration et les contributions des femmes, tant au niveau de la réforme agraire, qu’au niveau de la souveraineté alimentaire. Lors des deux campagnes, le besoin de réaliser un travail idéologique permanent et de défendre les droits des femmes jusqu’à obtenir l’égalité des genres, a été clairement démontré.
Une minute de silence a été dédiée à la compagne Loiva du Brésil, qui est apparue dans la vidéo et qui vient de décéder.
Questions et commentaires
Question : Dans cet espace sont mis en relief la marche à suivre pour que le travail des paysannes se fasse connaître, ainsi que les stratégies pour intégrer les femmes aux organisations et donner de l’élan à leur lutte et aux droits de propriété.
Réponse : Il faut développer les organisations, lutter pour la réforme au niveau légal, pour établir des quotas, des lois de parité, soutenir et encourager le leadership des femmes grâce à la qualification, la mobilisation, la formation, la solidarité nationale et internationale, les articulations intersectorielles contre la globalisation et le capitalisme, la mise en relation des différentes causes, des idées, des luttes, etc.
Il faut lutter contre les accords encourageant la brevetage et l’appropriation de la biodiversité.
Commentaire : Nous n’avons pas besoin de justifier nos droits : nous sommes des êtres humains, ce qui est suffisant pour légitimer nos droits.
Réponse : Beaucoup de femmes se sentent coupables de remettre en question les privilèges des hommes. Pour cette raison, nous avons aussi besoin de reconnaître parfois les contributions des femmes à l’humanité.
Intervention de Miriam Nobre concernant la Marche mondiale des femmes
En 1995, une marche mondiale des femmes a été organisée au Québec sous le nom de Pain et Rose. Lors de cette marche, les femmes ont obtenu que les salaires soient augmentés et ont revendiqué les droits des travailleuses et travailleurs. Suite à cette marche, elles ont assumé l’internationalisation de leur lutte. Et c’est ainsi qu’en l’an 2000, elles ont organisé une session à grande échelle et se sont renforcées en tant que mouvement international.
La marche mondiale des femmes représente un processus de construction qui se structure dans un agenda afin de fonder la réflexion des femmes. La marche représente une base matérielle, présentant les valeurs des femmes et constituant une force pour affronter le système. Elle se compose actuellement de 68 organisations nationales.
Notre point commun réside dans le fait que nous sommes des femmes de groupes de la base, disposées à mettre en œuvre un travail commun. Nous sommes toutes des femmes féministes parce que nous adoptons l’idée que les femmes peuvent obtenir et construire ce qu’elles désirent dans leurs vies.
Il nous semble important de reprendre le débat sur la logistique car il représente la participation des paysannes.
Nous prenons part à la lutte contre la mondialisation, parce que nous croyons que nous devons changer le monde afin de pouvoir changer le monde des femmes. Et changer la situation des femmes est une condition indispensable au changement des structures sociales.
Par conséquent, nous organiserons des espaces de concertation en partenariat avec d’autres groupes de femmes et d’hommes.
Le plan d’action jusqu’en 2010 inclut des thèmes tels que :
• La démilitarisation
• La violence contre les femmes
• La précarisation du travail des femmes
• Les biens communs (la privatisation de l’eau et la souveraineté alimentaire)
En tant que femmes citadines et rurales, nous consommons des produits industrialisés ; nous pouvons sortir de la consommation forcenée.
Et le pouvoir médical de se vexer: dans cette course effrénée à la capitalisation des diètes, nous essayons de prendre des médicaments pour éviter de grossir. Pour lutter contre ce pouvoir, nous devons récupérer l’intégrité de notre corps.
Présentation des groupes de travail portant sur les femmes paysannes et le féminisme :
Beaucoup de femmes expriment leur ignorance quant au sens profond du concept de féminisme; mais concernant la lutte du féminisme contre les discriminations, la violence, le patriarcat et pour l’égalité, toutes les femmes comprennent qu’il s’agit de leur propre lutte. Beaucoup de femmes avaient l’impression que le féminisme était un thème concernant les villes. Il était donc difficile pour les femmes paysannes de s’intégrer aux groupes féministes.
Le féminisme en milieu rural est très mal perçu et interprété comme étant un sujet réservé à la bourgeoisie.
A présent, nous sommes conscientes qu’il n’y a pas de différence entre les femmes rurales et les citadines, que toutes sont victimes de violences et de discriminations, que la différence est due au manque d’accès aux services ; désormais nous devons nous unir et travailler ensemble afin de défendre nos droits.
La contribution des femmes paysannes au féminisme réside dans sa diversité. Nous sommes des femmes indigènes, noires, travailleuses, productrices et sans terres.
Le mouvement féministe a besoin d’inclure dans son agenda les requêtes des femmes paysannes, telles que le droit à l’alimentation, la défense de la biodiversité, la lutte contre l’altération des semences et du milieu ambiant.
Ce que nous ont apporté ces jours de débat concernant le féminisme :
Ces jours de débat nous ont donné l’opportunité de pouvoir comprendre ce qu’est le féminisme et nous ont donné les outils pour pouvoir parler avec les femmes de nos organisations. Nous ne voulons pas écraser les hommes, mais seulement défendre nos droits et accéder à d’autres sphères.
L’éducation est nécessaire pour que continuent ces espaces de formation
Après cinquante ans de féminisme, il est fondamental d’en parler entre femmes paysannes. Nous devons enrichir ce concept en milieu rural, que tous et toutes puissent se revendiquer féministes, que les femmes soient soutenues dans leur lutte et dans leur action, dans les réflexions en milieu rural.
Se pose maintenant la question de la façon de mener ce débat auprès des femmes de nos organisations et aux hommes faisant partie d’organisations mixtes. Deux jours ne sont pas suffisants. Nous devons avancer et organiser davantage de réunions au niveau national, régional et international.
Le point le plus important est ce qu’ont apporté les femmes paysannes au féminisme.
Le féminisme a beaucoup apporté à la lutte en milieu rural et vice versa. Nous avons un défi à relever afin de revendiquer nos droits dans n’importe quel contexte.
Nous conclurons toutes en réaffirmant nos sentiments féministes que nous exprimons dans notre lutte quotidienne.