Les paysans africains partagent leurs luttes à la VIIème conférence internationale de La Via Campesina
(Derio, 21 Juillet 2017) «C’est impressionnant de voir à quel point nos luttes sont connectées.» Avec un visage laissant transparaître son enthousiasme et son empressement, Nicolette Cupido ne peut dissimuler ses émotions. Elle est heureuse pour deux raisons. C’est la première fois qu’elle participe à une conférence internationale des mouvements paysans comme celui qui se déroule à Derio, dans les environs de Bilbao, au Pays Basque. Et son organisation en Afrique du Sud, la Réforme Agraire pour la Souveraineté Alimentaire (FSC), fait partie des quelques nouveaux membres à rejoindre cette année La Via Campesina.
Coordinatrice auprès des communautés et membre du FSC, Nicolette s’engage dans la production d’aliments, chez elle comme dans les jardins communautaires de Moorreesburg un village de la province de Western Cape, à quelques 120 kilomètre du Cap. Elle cultive une grande diversité de légumes, c’est ainsi qu’elle contribue à la construction de la souveraineté alimentaire. «Je plante des tomates, des oignons, des betteraves, des choux et des carottes. La lutte pour la souveraineté alimentaire doit être concrète, aussi» déclare-t-elle.
Comme Nicolette, une vingtaine de paysans africains sont venus du Mozambique, du Niger, du Zimbabwe, du Mali, du Sénégal représenter leurs mouvements à la conférence. Celle-ci se déroule tandis que l’Afrique vit un moment difficile, a indiqué Ibrahima Coulibaly, de la Coordination Nationale des Organisations Paysannes (CNOP) du Mali. Presque partout l’élite et les multinationales s’efforcent de s’accaparer et de contrôler les moyens de subsistance des populations, comme la terre, les ressources minières, les semences et l’eau. Ces ressources naturelles sont de plus en plus privatisées, à cause de la multitude d’accords d’investissement et des politiques guidées par les nouvelles approches institutionnelles, imposée au continent par les puissances occidentales et les institutions de Bretton Woods comme la Banque Mondiale ou le FMI. «La démocratie est attaquée. La répression des protestations et les assassinats de leaders politiques augmentent, mais nous devons continuer à construire des alternatives» a déclaré Coulibaly.
Elizabeth Mpofu, du Forum des petits paysans agroécologiques du Zimbabwe (ZIMSOFF) est une paysanne qui a accédé à la terre après avoir pris part à l’occupation radicale des terres, qui a provoqué le premier train de réforme agraire au Zimbabwe, au début des années 2000. Selon elle, la construction d’alternatives passe par l’action directe. «J’étais une femme sans terre. Avec courage et détermination nous nous sommes levés et nous avons agis. Maintenant j’ai une terre et je pratique l’agroécologie.»
Les relations entre l’état, le pouvoir corporatif et la paysannerie ont toujours été ceux de l’exploitation. Ceci sous-tend la question agraire en Afrique. Comme certains chercheurs l’ont démontré, ces relations ont été coercitives. La perception que l’Afrique est un territoire sous-exploité et donc disponible pour l’investissement agricole à grande échelle a encore cours auprès des gouvernement occidentaux et des investisseurs étrangers.
La paysannerie africaine a cependant toujours résisté à l’avancée du capitalisme dans ses campagnes. «L’Afrique nous a enseigné plusieurs siècles de luttes et de résistances» a remarqué Eberto Diaz, leader paysan de Colombie, membre de la FENSUAGRO (Federación Nacional Sindical Unitaria Agropecuaria), lors de la séance d’ouverture de la VIIème conférence de La Via Campesina. Elizabeth Mpofu partage la même conviction : «Je pense que nos luttes, passées comme actuelles, peuvent inspirer nos camarades d’autres pays.»
Domingos Buramo, du Syndicat Paysan du Mozambique (UNAC), a rapporté à la conférence l’expérience des paysans du Mozambique et du reste de la société civile dans leur lutte contre l’accaparement de terres et les projets d’investissement de grande envergure au Mozambique. Il a mentionné la résistance contre ProSavana, un de ces projets agricoles géants, pour montrer à quel point les luttes articulées peuvent être transformatrices. «A présent le gouvernement change de point de vue, grâce à notre travail. Ce sont toutes nos sociétés que nous pouvons changer.»
En Afrique du Sud, les sans-terre s’engagent dans différentes sortes de protestations pour accéder à la terre, à l’eau et aux différentes bien communs. «Nous entreprenons diverses actions sociales, comme des marches de protestation, des piquets de grèves, des sit-in et même des occupations de terres», déclare Tieho Mofokeng, du Mouvement des Peuples Sans Terre (MLP), de Free State en Afrique du Sud.
L’Afrique – comprenant également le Maghreb – dernier continent à rejoindre La Via Campesina. Depuis 2004, le nombre des organisations africaines à venir grandir le mouvement n’a fait qu’augmenter. Les mouvements africains considèrent leur adhésion au grand mouvement paysan comme un processus stratégique d’amplification de leurs luttes et un renforcement de l’internationalisme.
La conférence internationale de La Via Campesina est l’espace décisionnel le plus haut et le plus important du mouvement.
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