OMC et agriculture : La tournée des crimelles
(Genève, le 1 décembre 2009) Alors que les journalistes s’ennuient dans une ministérielle sans enjeu, les délégués (hommes et femmes) de la Via Campesina ont enchaîné les actions de protestations contre l’OMC et ses alliés.
La journée a commencé de bonne heure puisque nous avions décidé de bloquer l’entrée des voitures du bâtiment de l’OMC. Accompagnés de quelques délégués de la caravane « climat et justice sociale » et de Genevois, nous avons pris la sécurité par surprise et nous nous sommes assis face aux grilles de l’OMC pendant près d’une heure. Nous voulions par cette action rappeler que chaque jour dans ce bâtiment des centaines de personnes travaillent contre les intérêts des paysans du monde entier. Nous avons terminé cette action par une minute de silence en mémoire de notre compagnon de lutte Lee. Puis tournant le dos à l’OMC, nous sommes remontés en direction de l’ONU.
A 10 heures, 4 délégués (2 hommes et 2 femmes) ont ensuite tenu une conférence de presse sous la tente en face au lieu où se déroule la conférence ministérielle de l’OMC. Marta Cecilia Ventura, de la CONIC Guatemala a expliqué les impacts des accords de l’OMC sur le pillage des ressources des peuples indigènes. Toru Wada de Noumiren a démontré que la libéralisation des échanges a fortement augmenté la fragilité du Japon puisque ce pays produit moins de 40% de son alimentation. Il a conclu par l’absolue nécessité pour le Japon de redévelopper la production locale. Claude Girod de la Confédération Paysanne, en utilisant l’exemple de la production laitière a expliqué l’impact des politiques de l’OMC sur la baisse des prix payés aux producteurs. Yudhvir Singh s’est exprimé sur la situation dramatique des paysans indiens qui en raison de leur endettement sont poussés au suicide. « En Inde, l’agriculture fait partie intégrante de notre culture, ce n’est pas une question commerciale » a t-il ajouté.
Vers 13 heures, nous avons invité les Genevois et les journalistes à nous rejoindre pour une visite guidée des criminelles qui agissent dans le secteur de l’agriculture et de l’alimentation dans la ville de Genève. Trois tracteurs ont parcouru la ville avec dans leur remorque la délégation de la Via Campesina, des délégués de la caravane et des journalistes. Ce cortège joyeux, bigarré et multiculturel a scandé des slogans contre l’OMC et la privatisation des biens communs dans de nombreuses langues. Les Genevois l’ont regardé passer avec sympathie et amusement. Nous avons fait trois arrêts. Le premier devant Bunge, une des plus grande compagnie agroalimentaire du monde et le plus grand transformateur mondial de soja. A notre arrivée, la compagnie avait soigneusement masqué son enseigne avec une feuille de papier afin d’éviter toute photographie de notre manifestation devant son siège compromettre son image. Le deuxième arrêt s’est tenu devant Cargill, où Javiera Ruli a présenté les pratiques légales et illégales de cette multinationale en Amérique du Sud ainsi que le fait que Cargill soit un des promoteurs actifs de la table ronde pour un soja durable. Le troisième arrêt s’est fait devant un supermarché Migros où UNITERRE a présenté la responsabilité des multinationales dans la disparition des paysans en Suisse. Un délégué indien a aussi expliqué les luttes menées actuellement en Inde contre l’expansion des supermarchés, qui condamnent les moyens de subsistance de nombreux petits vendeurs de rue.
Lors de ces trois étapes, nous avons offert à ces multinationales une botte de paille car c’est bientôt la seule chose qui restera de l’agriculture paysanne en Europe si la libéralisation de l’agriculture n’est pas stoppée et si ces compagnies continuent impunément leurs pratiques scandaleuses.
Nous avons terminé notre tour sur une petite ferme maraîchère à proximité de Genève, bien loin de la réalité de ces multinationales. Lors de cette étape, il s’agissait pour nous de prouver que la souveraineté alimentaire n’est pas seulement une idée mais qu’elle peut bel et bien se conquérir au quotidien lorsque producteurs, productrices, consommateurs et consommatrices travaillent la main dans la main.