Mali : Les peuples ont aussi une voix
Déclaration du Sommet des Peuples à l’occasion du sommet Afrique France
(Bamako, 14 janvier 2017) Nous, Peuples d’Afrique et d’Europe, convergence des sans voix, représentant plus d’un milliard de personnes, réunie du 10 au 12 janvier 2017 à la Pyramide du Souvenir de Bamako, symbole de résistance, interpellons par cette déclaration tous les chefs d’Etats et autres dirigeants présents au Sommet Afrique France, afin qu’ils prennent en compte nos préoccupations et propositions, gages de la paix, de la sécurité et de la prospérité partagée.
Nous tenons à rappeler par cette déclaration qui n’est que la continuité d’idéaux ancestraux à l’exemple de la charte de Kouroukanfouga initiée par Soundjata Keita, fondateur de l’Empire du Mali, qui, déjà en 1222 avait écrit sur ces terres une première charte des droits humains et de la vie.
Celle-ci stipulait entre autres :
« Toute vie étant une vie, Tout tort causé à une vie exige réparation. Par conséquent, Que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin, Que nul ne cause du tort à son prochain, Que nul ne martyrise son semblable… »
Convaincus qu’en construisant ensemble le passé, on peut se tourner vers l’avenir, nous vous adressons, comme à toutes les oreilles qui veulent bien nous écouter, cette déclaration qui devrait être reprise dans les conclusions de votre sommet.
Nous, mouvements sociaux et citoyens, avons des principes qui nous lient et sont le socle de nos luttes basées sur : le respect, la promotion des droits humains et des biens communs.
Aujourd’hui nous sommes convaincus que des solutions existent et doivent être mise en œuvre immédiatement :
1. Au niveau des droits humains
‐ Protéger les droits humains, arrêter la criminalisation des défenseurs de droits humains notamment ceux et celles qui défendent les biens communs et la violence contre les communautés.
2. Au niveau de la souveraineté alimentaire, du foncier, des ressources naturelles
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Stopper immédiatement tout accaparement de terres, d’espaces publics, de démolitions de zone d’habitations, de spéculation foncière tant dans l’urbain, le péri-urbain que dans le rural pour vivre dans la paix et la sécurité
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Respecter et appliquer les droits fonciers collectifs coutumiers des communautés y compris dans les terres aménagées par l’Etat en redonnant la place légitime aux autorités coutumières pour la reconnaissance, l’attribution et la gestion des terres en toute équité et impartialité
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Sécuriser les espaces villageois et les terres familiales y compris, les forêts classées et non classées, les cours d’eaux, les espaces sylvopastoraux, les lieux de cultes et les droits d’usages y afférents,
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Prendre en compte le droit permanent des femmes et des jeunes ruraux à la terre
Par rapport aux zones extractives
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Avoir une transparence totale sur les contrats avec des études d’impacts environnementales et sociétales fiables, en impliquant les populations
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Répartir les revenus de l’exploitation des ressources minières à 50% pour le pays dont une partie reversée aux communautés locales
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Dédommager les populations locales et restaurer les zones dégradées y compris la dépollution des sites après leur exploitation
Par rapport aux zones urbaines
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Préserver et sécuriser les espaces publics tels que les marchés, les espaces verts, les cimetières, les espaces nourriciers tels que les jardins, les eaux…tout en impliquant les populations
Par rapport à l’agriculture, socle de nos économies
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Appliquer le principe de la souveraineté alimentaire avec la promotion de l’agriculture familiale basée sur l’agroécologie paysanne.
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Préserver les droits des agriculteurs sur les semences paysannes en appliquant le traité TIRPAA (Art.9), le principe de précaution du protocole de Cartagena pour empêcher l’introduction des OGM dans l’agriculture et l’alimentation y compris les OGM issus des nouvelles biotechnologies et en interdisant le biopiratage de nos savoirs et de nos semences paysannes.
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Augmenter et concrétiser les 10% de l’accord de Maputo pour l’agriculture, les 30% des accords de Praia pour le pastoralisme et orienter ses fonds pour soutenir l’agriculture familiale basée sur l’agroécologie paysanne et non à l’agrobusiness.
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Promouvoir nos systèmes alimentaires locaux sains, garant d’une nutrition adéquate en encourageant le « produire et consommer local », en développant et multipliant les unités de transformation, les marchés locaux, nationaux et sous régionaux.
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Soutenir la déclaration des droits des paysans et paysannes et des travailleurs en zone rurale, actuellement en négociation aux Nations Unies (ONU).
3. Au niveau gouvernance, démocratie
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Renforcer la redevabilité et la transparence économique et financière qui passent notamment par des règles fiscales fortes, la fin de l’opacité des relations commerciales et rendre public les différents budgets ;
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Elaborer des lois nationales et régionales qui protègent nos droits en s’appuyant sur des textes basés sur les droits humains (Charte africaine des droits de l’homme et des peuples des PIDESC, Directives de gouvernance foncière, Directive contraignante sur la responsabilité des multinationales …) ;
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Avoir des élections crédibles, transparentes et apaisées en respectant les résultats des urnes ;
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Revoir la position des Etats via leurs parlements sur les enjeux des Accords de Partenariats Economiques (APE) pour ne pas les ratifier et au contraire construire avec les peuples une intégration effective régionale ;
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Créer des espaces de dialogue politique et social pour une gouvernance juste, inclusive et équitable ;
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Créer une monnaie africaine, gérée par les africains ;
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Abolir les dettes illégitimes et illégales ;
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Refuser l’implantation des bases militaire étrangères dans nos pays.
4. Au niveau du droit à la mobilité
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Respecter le droit à la libre circulation, notamment les conventions internationales sur les droits des migrants.
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Refuser le diktat de l’Europe sur les politiques migratoires et l’extension des frontières européennes au-delà de l’Europe et concevoir une politique migratoire africaine en adéquation avec les réalités socio- économico – culturelles du continent.
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Respecter l’Article13 de la déclaration universelle des droits de l’homme et ratifier les conventions relatives aux droits des travailleurs
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Refuser les accords de réadmission et l’utilisation des laisser-passer pour faciliter l’expulsion des migrants
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Réviser l’Article 13 de l’accord de Cotonou qui instrumentalise l’aide publique au développement à la gestion des flux migratoires.
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Refuser l’externalisation des frontières européennes et leur militarisation dans nos pays.
5. Au niveau des femmes et jeunes
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Respecter l’équité et les droits pour les femmes et les jeunes
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Développer des dynamiques rurales, justes et équitables pour éviter l’exode massif des jeunes notamment des filles ;
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Renforcer leurs capacités par des formations qualifiantes et appropriées pour des emplois dignes et une autonomisation pour toutes et tous, car ils/elles sont les forces de l’avenir ;
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Faire appliquer les droits du travail pour les aides ménagères en ratifiant la convention 189 de l’OIT ;
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Assurer un système social qui permet de bien se soigner et d’avoir des retraites décentes, en plus d’assurer aux jeunes l’accès à plus d’emplois.
Spécifiquement au Président Français
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L’arrêt du dispositif économique et financier du Franc CFA.
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L’arrêt de l’extension des frontières européenne par l’installation des bases militaires étrangères en Afrique.
Nous vous demandons de soutenir nos processus de construction pour un monde meilleur, un monde basé sur le respect mutuel, la justice sociale et environnementale, l’équité, la solidarité et l’harmonie avec et entre les peuples.
Enfin, nous ne pouvons plus accepter que notre présent et l’avenir de nos enfants soient compromis par des décisions politiques inappropriées.
Fait à Bamako le 12 janvier 2017
Les Signataires : Plateforme nationale CGLTE AO (CMAT, COASP, BEDE, COFERSA, ADDAD Mali, CRSC Kayes,…), Caritas / Tournons la page, Acord, FOSC, AME, Djéré ben/Magrheb Sahel, Bloc “debout sur la Françafrique”, Ensemble nous sommes un peuple, MIRAU, CRSC de Kayes, CIMAD, RAI, CAJAS, Groupe des patriotes du Mali, LOGINA – TOUNKANRAKE, AMRK, UFF-Benin, AMDH Mauritanie, OIP-RCI, No Vox Afrique