Les paysans sans droits ?
Communiqué commun : ECVC, Confédération Paysanne et autres organisations françaises
Les 26 et 27 juin prochains, les 47 membres du Conseil des Droits de l’Homme – dont la France – réunis à Genève pour sa vingt-sixième session, examineront une résolution permettant ou non la poursuite d’un processus engagé à l’ONU pour défendre les Droits des paysans.
C’est un résultat positif de l’Année Internationale de l’Agriculture Familiale décrétée par les Nations Unies en 2014, que d’avoir très largement mis en lumière les bienfaits, mais aussi les difficultés des plus de 2 milliards de petits producteurs agricoles de la planète. Les paysannes et paysans fournissent 70% de l’alimentation des populations alors qu’ils n’utilisent qu’un quart des terres arables, tout en contribuant à l’emploi, aux paysages, au maintien de la biodiversité et à l’utilisation durable des ressources.
Pourtant, dans un monde de plus en plus globalisé, et face à un empire agro-alimentaire agressif, la situation paysanne est difficile. Sur les 840 millions de personnes souffrant de la faim, 80% se concentrent en zone rurale ; non pas que la paysannerie génère automatiquement la pauvreté, mais du fait d’un accès insuffisant aux ressources productives.
En Europe, les difficultés multiples s’expriment dans les crises sectorielles récurrentes et l’incapacité de dégager un revenu décent pour de nombreux producteurs. Il en résulte une chute de 20% du nombre d’exploitations sur les 10 dernières années en Europe. Ici mais aussi en Inde et ailleurs, on déplore de nombreux suicides. Les ruraux sont soumis à de multiples discriminations, ainsi qu’à une forte dévalorisation et auto-dévalorisation.
Depuis plus de 12 ans, la Via Campesina – mouvement paysan international représentant plus de 160 organisations – est mobilisée face aux nombreux cas de violation des droits des paysannes et paysans : emprisonnement ou assassinat de militants, accaparement de terres, expropriations forcées pour des exploitations minières ou des projets de cultures industrielles, difficultés d’accès à l’eau ou à l’utilisation des semences traditionnelles, déficit de statut et de protection sociale, empêchement d’accès aux marchés, etc. Les atteintes à la réalisation du droit à l’alimentation en zone rurale sont nombreuses. Avec le soutien de la Confédération paysanne et de plusieurs ONG, comme en France le CFSI, Solidarité, CCFD-Terre Solidaire, Peuples Solidaires, Oxfam, Foi et Justice, les paysans, ainsi que les sans-terre, les pêcheurs et autres ruraux ont cherché le moyen de faire protéger leurs droits au sein des institutions internationales…
En 2010, le Conseil des Droits de l’Homme a mandaté son Comité consultatif pour conduire une étude sur la situation paysanne. Présentée il y a deux ans, elle a mené en septembre 2012 à l’adoption d’une résolution créant un « groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée », pour élaborer une Déclaration sur les Droits des paysans et autres personnes travaillant en zone rurale. Ce groupe de travail, présidé par la Bolivie, s’est réuni en juillet 2013 permettant l’expression du soutien de nombreux représentants des Etats présents, mais aussi les réserves notamment de pays industrialisés, arguant en particulier de l’absence de nécessité de ce nouvel outil, alors qu’existent des droits universels disponibles pour tous. Pourtant, comme le déclarait déjà en 2012 Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies pour le Droit à l’alimentation, « l’adoption d’une Déclaration sur les Droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales augmenterait la visibilité sur les droits qui sont déjà reconnus en droit international, et aiderait à reconnaître de nouveaux droits, tels que les droits à la terre, aux semences, et à l’indemnisation pour les pertes dues à des subventions alimentaires accordées aux agriculteurs des autres pays ».
Du 10 au 26 juin à Genève, les 47 membres du Conseil des Droits de l’homme examinent une nouvelle résolution pour la « Promotion et la protection des droits humains des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales » permettant de reconduire le mandat d’animation d’un groupe de travail pour l’élaboration d’une déclaration sur la base d’un nouveau texte, tenant compte des contributions exprimées par les Etats.
Un consensus international s’exprime aujourd’hui pour reconnaître le rôle indispensable des paysannes et paysans pour la sécurité alimentaire, la protection de l’environnement et l’emploi, dans un contexte de changement climatique, alors que la faim et la pauvreté rurale restent le scandale du 21ème siècle. Gageons que le gouvernement français, promoteur de l’Année Internationale de l’Agriculture Familiale et membre du Conseil des Droits de l’Homme, apportera son soutien à l’élaboration de cet outil essentiel de protection des populations rurales ce 26 et 27 juin à Genève.
Contacts presse:
Geneviève Savigny (06 25 55 16 87) – ECVC
Claude Cellier (06 83 18 51 54) – Confédération Paysanne
Pascal Erard (06 72 08 83 96) – CFSI
Jacques Berthelot – Solidarité
Caroline Doremus-Mege – CCFD-Terre Solidaire
Michel Grandmougin – Peuples Solidaires
Clara Jamart – Oxfam France
Foi et Justice