Les droits des paysans enfin reconnus
Publié le 28 Septembre 2018 par Joel Depommier dans la Gauchebdo
Cette semaine, après six années de délibération, le Conseil des droits humains de l’ONU a adopté une Déclaration sur les droits des paysans, avant ratification en décembre par l’assemblée générale de l’ONU.
La bataille aura été rude entre un Sud favorable à l’initiative et un Nord – notamment l’UE – qui s’y opposait, à l’exception notable de la Suisse. Que prévoit le texte pour le milliard de personnes qui travaillent dans l’agriculture, la pêche ou le pastoralisme? Tout d’abord, un droit à la terre, qui définira l’accès, l’usage et la gestion à cette ressource vitale. Cela impliquera un droit à être protégé contre les déplacements forcés, contre la pollution et contre la destruction des ressources hydriques. Le texte propose aussi un droit aux semences (notamment leur vente et leur réutilisation) et à la biodiversité. «En développant leurs propres semences, les agriculteurs construisent un système plus résilient et plus soutenable, capable d’alimenter la population malgré le changement climatique», note ainsi le syndicat mondial paysan, La Via Campesina, un des fers de lance du projet. Le texte reconnaît enfin le droit à la souveraineté alimentaire, à des conditions de vie décentes et des droits collectifs, permettant au secteur de se regrouper en association ou l’élimination des discriminations contre les femmes.
Un long et fastidieux processus
Le chemin aura été long, comme le rappelle Melik Özden, directeur du CETIM, basé à Genève. «En 2001, une organisation indonésienne, membre de La Via Campesina avait lancé l’idée d’une telle Déclaration, finalement adoptée en 2008 à Djakarta par l’organisation après de longues discussions internes. A cette date, avec l’aide du CETIM, La Via Campesina a alors introduit le dossier au Conseil des droits humains de l’ONU, dont un conseil consultatif a rendu un rapport d’experts en 2012. Un groupe de travail intergouvernemental, sous présidence bolivienne, a alors été chargé de rédiger un texte. En avril 2018, à l’occasion de sa 5ème et dernière session de travail, le groupe a finalisé la Déclaration .
Cette fin de semaine, la session plénière du Conseil des droits humains de l’ONU a enfin approuvé le projet, avant une adoption finale, probablement en décembre, par l’Assemblée générale de l’ONU», précise l’activiste. «Cette Déclaration constitue une base solide pour relever les défis qui se posent actuellement la paysannerie africaine». Elle «peut empêcher de nombreuses discriminations et violations de leurs droits humains et garantir en même temps la souveraineté alimentaire, préserver la biodiversité et freiner les changements climatiques», a expliqué Ndiakhate Fall, paysans sénégalais et représentant de la coordination africaine de La Via Campesina à l’agence de presse alternative, Inter press service (IPS).
Quel sera son véritable impact? «Cette Déclaration va devenir une référence internationale et onusienne. Elle pourrait servir de feuille de route pour changer les paradigmes sur l’alimentation ou la protection des ressources. Les Etats sont censés l’appliquer, car plusieurs articles du texte concernent leurs obligations. Bien entendu, il est important que les mouvements de base se mobilisent aussi pour en exiger l’application, afin de changer les lois nationales», conclut Melik Özden