Le Traité des semences ébranlé par la gangrène de la biopiraterie
Communiqué de presse de la Via Campesina
(Harare, le 15 Octobre 2015) Après une semaine de laborieux débats au siège de la FAO à Rome, l’Organe Directeur du Traité international des Semences (1) dans sa sixième session a du choisir vendredi 9 octobre entre la peste et le choléra : accepter le fait accompli d’« arrangements de sa gouvernance » pour le moins irréguliers ou s’enfoncer dans une crise ouverte.
Pour éviter l’éclatement immédiat, il a validé :
– l’engagement de son secrétariat dans le programme Divseek qui organise la biopiraterie au niveau mondial. DivSeek (2) est une initiative pour séquencer les génomes de toutes les variétés déposées dans les banques de gènes. Ce programme vise en effet la publication électronique d’informations génétiques sur les semences confiées aux banques de gènes dont le Traité a la responsabilité, sans aucune interdiction de les breveter et sans aucune obligation de partage des avantages, en violation des règles fondatrices du Traité ;
– une résolution qui laisse les agriculteurs sans aucun moyen de défense face à cette violation de leurs droits pourtant inscrits dans le Traité. Les brevets sur les informations génétiques publiées par Divseek vont en effet interdire aux agriculteurs de continuer à cultiver les semences qu’ils ont gracieusement données aux collections dont le Traité a la responsabilité ;
– un contrat de son secrétaire général renouvelé en catimini en violation de ses propres règles de fonctionnement.
Depuis la signature en 1992 de la Convention sur la Diversité Biologique, l’industrie semencière a accumulé une énorme dette en puisant dans l’immense réservoir de semences paysannes collectées dans tous les champs du monde sans partager les bénéfices qu’elle en retire. En 2013 à Oman, l’Organe directeur du Traité a sommée l’industrie semencière de trouver une solution équitable. Deux après, aucun progrès n’a été fait. Au contraire, l’industrie organise avec Divseek un nouveau pillage destiné à laisser échapper toutes les semences sous forme dématérialisée hors de l’autorité du Traité, afin de pouvoir les breveter sans entrave.
La Via Campesina attend des nombreux gouvernements, qui ont découvert à Rome ces détournements inadmissibles des objectifs du Traité, une vive réaction destinée à le remettre dans la bonne direction. La Via Campesina espère que la prochaine consultation sur les droits des agriculteurs (article 9 du Traité) organisée en 2016 par l’Indonésie fera de ces droits une priorité garantissant la souveraineté alimentaire contre le vol des semences par les droits de propriété industrielle de l’industrie.
Contacts pour la presse :
Guy Kastler : +33 6 03 94 57 21
Ivan Mammana : +39 34 07 80 13 99 (ES-EN-FR-IT)
1) Traité International sur les ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture
2) Divseek est un programme international qui veut décortiquer les séquences génétiques des ressources contenues dans les banques de gènes pour les publier sur des bases de données électroniques. Les brevets déposés sur des séquences génétiques permettent l’appropriation de toutes les plantes qui contiennent ces séquences et expriment un caractère qui leur est lié