Le Sommet mondial sur le développement durable (SMDD) s’avère être “Doha+10” et non “Rio+10”

Comuniqué

Le Sommet sur la Terre qui a eu lieu à Rio de Janeiro (Brésil) en 1992 devait être le point de départ d’un changement de politique de la part de tous les pays du monde, afin de garantir la durabilité pour les générations futures. Cependant, dix ans après, aucun changement positif n’est visible. L’exploitation des ressources naturelles et la destruction de l’environnement continuent. L’accès aux moyens de production est devenu plus difficile. La privatisation et la concentration des terres ont entraîné une hausse de la pauvreté, la mise à mal de la sûreté alimentaire aux niveaux local et national, ainsi que l’augmentation de la violence à l’égard des paysans qui revendiquent leurs droits. Les politiques "néo-libérales" ne sont pas compatibles avec l’utilisation durable des ressources.

A l’issue de la quatrième réunion préparatoire des gouvernements, qui s’est tenue à Bali (Indonésie), Vía Campesina en vient à la conclusion que le SMDD s’avère être "Doha + 10" (mois) et non "Rio + 10" (années). Sous l’effet de la forte pression de l’industrie et de quelques gouvernements, le Sommet s’en remet complètement à l’OMC et considère que sa principale responsabilité est d’assurer la mise en œuvre pleine et entière de l’accord de Doha. Dans la déclaration du Président, le modèle de "développement tiré par les exportations et orienté vers la croissance" reste intact.
La phase préparatoire comprenait notamment le soi-disant "dialogue entre les parties prenantes". Ce processus, destiné à représenter la société civile, ne semble pas avoir eu une quelconque influence sur l’issue du Sommet. Cela s’est avéré être un moyen efficace pour faire taire les voix qui s’opposent aux politiques néolibérales actuelles, en obligeant les mouvements sociaux à entrer dans un système de consensus qui exclut toute possibilité d’exprimer nos points de vue et nos propositions. Une contribution réelle et efficace des groupes de la société civile qui ne soutiennent pas les politiques néo-libérales, reste sans être prise en compte.
Vía Campesina appelle les mouvements sociaux à affirmer clairement leur position avant et pendant le Sommet.
L’agriculture ne peut être durable que si les éléments suivants sont réunis :
   la souveraineté alimentaire des populations, c’est-à-dire le droit de définir ses politiques agricole et alimentaire, l’arrêt du dumping vers les pays tiers et la consultation en bonne et due forme des paysans, hommes et femmes ;
   la garantie de l’accès aux moyens de production et la suppression des monopoles en la matière ;
   une véritable réforme agraire. La politique de la Banque mondiale consistant à mettre en œuvre une réforme agraire commerciale doit être rejetée ;
   des prix justes sur les marchés agricoles ;
   des mesures pour stopper le développement de l’agriculture et de la production de viande de type industriel ;
   la protection par l’Etat des droits des paysans et des agriculteurs sont protégés ;
   l’OMC hors de l’agriculture. Cette organisation n’est nullement intéressée par la réduction de la pauvreté ou l’utilisation durable des ressources. Ses principaux objectifs sont de réglementer les échanges au profit des sociétés transnationales et des gouvernements de certains pays développés. Aussi, tout effort pour intégrer le programme de travail de l’OMC dans le SMDD, ou toute volonté de présenter les politiques commerciales néolibérales comme des solutions pour obtenir plus de durabilité doit être catégoriquement rejeté.
En ce qui concerne les ressources génétiques, nos réitérons les exigences que nous avons exprimées lors de la réunion COP-6 et du Sommet de la FAO : 1) Une interdiction totale des technologies de type "Terminator" (c’est-à-dire la production de semences stériles) et autres technologies de rstriction de l’utilisation génétique, qui contrôlent les caractéristiques des plantes et des animaux. 2) Une étude – menée par la FAO – sur la contamination transgénique dans les banques génétiques internationales et sur la contamination génétique dans les centres travaillant sur la diversité, ainsi que l’application de mesures concrètes pour éviter cette contamination. 3) Des mesures concrètes aux niveaux national et international pour une abolition totale des brevets sur les organismes vivants. La FAO doit interdire aux centres du GCRAI (Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale) de déposer des brevets sur les ressources génétiques, leurs éléments et leurs composants.
Nous appelons nos gouvernements à soumettre un programme visant une véritable durabilité, et non un texte qui ouvre la voie à un renforcement du libre-échange et à la privatisation des ressources naturelles et des biens publics.
Vía Campesina tient à exprimer son soutien sans réserve aux actions et mobilisations prévues par les paysans et sans-terre pour le Sommet qui se tiendra en Afrique du Sud, et indique qu’elle sera présente avec une importante délégation afin de faire entendre la voix des paysans !
Mondialisons l’espoir, mondialisons la lutte ! Pas de durabilité sans accès à la terre pour les sans-terre !