France : La signature du CETA entraînera la destruction de notre agriculture
Lettre ouverte de la Confédération Paysanne au président de la République Française
(Bagnolet, le 17 octobre 2016) La signature du CETA entraînera la destruction de notre agriculture, la Confédération, paysanne demande expressément au Président de la République de ne pas donner son aval à la signature de ce traité.
Monsieur le Président de la République,
Votre gouvernement s’apprête à donner son aval à la signature de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA). Vous allez donc sacrifier l’agriculture en échange de l’accès aux marchés publics canadiens des services. Que faut-il donc faire pour que soit reconnue la profondeur de la crise que connaît déjà l’agriculture française et, surtout, la nature de ses causes ? Les paysannes, les paysans et les territoires ruraux qu’ils font vivre importent-ils si peu à vos yeux, pour que vous ratifiiez un accord qui aliène plus encore notre agriculture aux marchés internationaux ?
C’est le cas en particulier de la production française de viande bovine : son orientation exportatrice cause une crise structurelle, en soumettant les paysans à une volatilité des prix qui ne permet ni de vivre au quotidien, ni d’envisager l’avenir. Il en est de même en élevage porcin, même si la situation s’est provisoirement améliorée. L’accord avec le Canada, en permettant l’importation de dizaines de milliers de tonnes de viande sans droit de douane, dégradera plus encore la situation de ces productions : il poussera de nouveaux paysans à la faillite et accroîtra la pression à l’industrialisation.
Ratifier CETA, c’est choisir la politique du pire pour notre élevage. La qualifier de “diplomatie des terroirs” – un mantra cher à Mathias Fekl, en charge du dossier au sein du gouvernement – ne change pas grand-chose aux yeux des paysans, si ce n’est l’impression d’être trompés en plus d’être abandonnés au chaos de la dérégulation.
Monsieur le Président, savez-vous que 50% des surfaces en céréales en France sont issues de semences de ferme ? Vous pouvez donc imaginer combien de paysannes et paysans seraient soumis au chapitre du CETA sur la propriété intellectuelle qui permettra de poursuivre un agriculteur sur la base d’un simple soupçon de contrefaçon !
Par ailleurs, nombre de menaces qui pèsent sur notre agriculture et notre alimentation n’apparaissent pas explicitement dans l’accord, c’est toute la perversité du CETA et des accords de libre-échange dits de “nouvelle génération”. On peut les qualifier d’accords “vivants” : ils créent des outils et des espaces institutionnels nouveaux, tel le mécanisme d’arbitrage des différends investisseurs-Etat ou le forum de coopération règlementaire. A l’instant de la ratification, ce sont des boites vides. Une fois actifs, ces dispositifs au service des firmes multinationales seront le siège du contournement systématique des processus démocratiques par lesquels s’expriment les préférences collectives. OGM, pesticides, mesures d’hygiène… c’est désormais loin de l’espace public que ces sujets seront tranchés.
Sur la plupart de ces sujets, le gouvernement reste silencieux, profitant des débats sur les indications géographiques pour dissimuler la catastrophe annoncée. Les paysans sont, en effet, censés se contenter de la “protection” sur le marché canadien de quelques indications géographiques (10% d’entre elles). Or, ce sont justement ces productions qui, pour beaucoup, s’en sortent en cette période de crise, car elles maîtrisent les volumes produits, à l’instar du Comté. On mettrait donc en danger ces productions, liées aux territoires et la qualité des produits, pour une prétendue « vocation exportatrice » ?
C’est donc bien un accord provoquant l’industrialisation de l’agriculture, des pertes d’emploi, la disparition des savoir-faire locaux, et la dégradation de notre santé et de notre environnement auquel vous vous apprêtez à donner votre aval. Les citoyens d’Europe n’ont rien à y gagner, seules les multinationales en bénéficieraient. Pour nous, paysannes et paysans, ce serait une condamnation à survivre encore dans ce système qui nous détruit.
Nous avons besoin d’un changement de cap, nous avons besoin que l’agriculture serve à faire vivre ses travailleurs et à nourrir nos concitoyens avec une alimentation de qualité, nous avons besoin d’un avenir qui ne soit pas soumis aux prétendues vertus du commerce international. Il est de votre devoir de stopper la signature du CETA, et tous les accords de libre-échange en cours qui se négocient sur les mêmes bases et sont liées les uns aux autres !
Monsieur le Président, nous nous tenons à votre disposition pour de plus amples informations et, dans l’attente, vous prions de bien vouloir agréer nos salutations respectueuses.
Laurent Pinatel
Porte parole de la Confédération Paysanne