Kit d’ECVC sur l’accaparement des terres et l’accès à la terre en Europe
Comment sommes-nous arrivés à l’adoption du rapport d’initiative sur l’accès des agriculteur-rices aux terres en Europe
La concentration et l’accaparement des terres connaissent une hausse fulgurante dans toute l’Europe. Malgré que leurs compétences en matière de politique agricole, d’utilisation des terres et de sécurité alimentaire soient clairement définies, l’UE et nombre de ses États membres réduisent les terres agricoles à une marchandise comme une autre. Résultat des courses, la concentration et l’accaparement des terres ont mené à une situation où 2,7 % des exploitations agricoles (de plus de 100 ha) contrôlent 50 % des terres arables.
Toutefois, la plupart du travail agricole et de la production sont effectués dans des petites et très petites exploitations. L’Europe compte 12 millions d’exploitations, avec 25 millions de personnes actives dans la production agricole. 69 % de ces exploitation ont une superficie inférieure à 5 ha et la taille moyenne est de 14,2 ha. Ces petites exploitations sont un pilier essentiel de la production alimentaire, l’emploi rural et la protection de l’environnement.
En ignorant le rôle fondamental des paysan-ne-s, l’UE a encouragé des politiques foncières directes et indirectes aux niveaux européen et national réduisant les terres à une simple marchandise à vendre au plus offrant. Les fonds publics ont fait le lit de la concentration des terres par le biais de subsides alloués dans le cadre de la Politique agricole commune sous la forme de paiements directs ; octroyés en fonction du nombre d’hectares, les grands propriétaires fonciers ont fini par en sortir gagnants et les inégalités accentuées.
L’absence d’une réglementation foncière européenne claire et équitable a également facilité l’accaparement de terres à travers le Vieux Continent, désormais consacrées à la production énergétique, la production de matières premières pour l’industrie alimentaire, l’extraction, le développement d’infrastructures et d’autres activités commerciales au détriment de notre sécurité alimentaire.
Partout en Europe, des mouvements sociaux et paysans s’opposent fermement à la concentration et l’accaparement des terres aux niveaux local et national. La Coordination européenne Via Campesina (ECVC) [note en bas de page], aux côtés de l’alliance « Hands on the Land » [note en bas de page], d’autres producteur-rice-s et organisations de la société civile (note en bas de page avec le lien de la pétition), s’est mobilisée à différents niveaux pour unir les luttes locales autour de la terre et mettre la question foncière sur la table des institutions européennes.
La mobilisation politique aux niveaux local, national et transnational a abouti à l’adoption du rapport d’initiative intitulé « L’état des lieux de la concentration agricole dans l’Union européenne: comment faciliter l’accès des agriculteurs aux terres? ». Ce rapport est le fruit d’un long processus initié en 2012 et constitue à la fois une victoire et un point de départ pour les organisations paysannes de petite échelle.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
LIGNE DU TEMPS:
2012 : la Coordination européenne Via Campesina (ECVC) commence à se mobiliser pour élaborer une stratégie européenne sur la question foncière et établir des liens entre les luttes existantes autour de la terre en Europe. ECVC, aux côtés du réseau « Hands on the Land »[1], commence alors à rassembler un ensemble de preuves sur la concentration et l’accaparement des terres en Europe.
2013 : ECVC et le réseau « Hands off the Land » ont publié un rapport unique intitulé : « La concentration foncière, l’accaparement de terres et les luttes des peuples en Europe » montrant – sur la base d’études de cas réalisées dans 12 pays – que l’accaparement des terres et l’accès à la terre sont devenus des problèmes critiques en Europe.
2015 : une pétition est soumise au Parlement européen pour demander que les terres agricoles soient gérées comme notre richesse commune.
2015 : le Comité économique et social de l’UE a également rédigé un avis intitulé « L’accaparement des terres: une sonnette d’alarme pour l’Europe et une menace imminente pour l’agriculture familiale ».
2015 : la même année, le Parlement européen a demandé au TNI de réaliser une étude afin d’évaluer l’ampleur du phénomène de l’accaparement des terres dans l’UE. Ce rapport a par la suite été débattu au sein de la Commission de l’agriculture et du développement rural (COMAGRI).
2016 : La question foncière est au centre des discussions. Grâce à la pression de l’opinion publique et au travail de certains eurodéputés attachés la cause foncière, le Parlement européen (PE) a finalement décidé d’agir et a lancé un projet de rapport d’initiative (INI) sur la concentration foncière et l’accès à la terre dans l’UE.
2016 : les membres d’ECVC élaborent leur propre définition de l’accaparement des terres pour faire la lumière sur la dimension du phénomène en Europe. Cette définition a ensuite été partagée entre les membres de Nyéléni Europe[2]
2017 : le Parlement européen a adopté un rapport d’initiative sur « l’état des lieux de la concentration agricole dans l’Union européenne: comment faciliter l’accès des agriculteurs aux terres? ».
Autres documents utiles :
- La terre aux mains d’une minorité: Infographies
- L’accaparement des terres et la concentration foncière en Europe, Résumé de recherche, TNI et HOTL, 2016.
- Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, Comité de la sécurité alimentaire mondiale, FAO.
- Manuel Populaire des Directives pour la Gouvernance des Terres, Pêches et Forêts.
[1]« Hands on the Land pour la Souveraineté alimentaire » est une campagne menée collectivement par 16 partenaires, comprenant des mouvements paysans et sociaux, des ONG de développement et environnementales, des organisations de défense des droits humains et des activistes du secteur de la recherche. Nous cherchons à sensibiliser le public à propos de l’utilisation et la gouvernance de la terre, de l’eau et d’autres ressources naturelles et leurs effets sur la concrétisation du droit à l’alimentation et à la souveraineté alimentaire. Pour plus d’information : https://handsontheland.net
[2] Nyéléni Europe est le plus grand mouvement international pour la souveraineté alimentaire en Europe. Il vise à construire des stratégies communes afin de réorganiser la structure actuelle de notre société autour de l’alimentation et de l’agriculture. Pour plus d’information: https://nyelenieurope.net/nyeleni-movement