La justice au service des peuples, et non des multinationales
(Genève, le 26 octobre 2017) Une délégation de La Via Campesina a participé à la semaine de mobilisation des peuples et à la 3ème sessions de négociations à l’ONU pour un traité contraignant sur les multinationales et les droits humains, à Genève. Judite Santos, militante du MST, a présenté deux points – concernant l’accès à la justice et la participation des mouvements sociaux – de cet important projet de traité international, lors d’un événement parallèle organisé par la Campagne globale pour démanteler le pouvoir des multinationales.
Voici sa présentation:
Je suis Judite, du MST Brésil – La Via Campesina international
Le MST est un mouvement social qui lutte pour la terre, contre les transnationales de l’agroalimentaire, pour la défense du territoire, de la souveraineté et de la vie.
L’objectif principal des sociétés transnationales est d’accroître leurs profits en prenant le contrôle des actifs naturels et en exploitant la main-d’œuvre bon marché des travailleurs pauvres dans le monde. Dans le système capitaliste tout devient marchandise.
Elles recherchent de gains faramineux par l’exportation et la vente des biens de la nature, transformés en marchandises.
Pour asseoir leur pouvoir, elles font pression sur les gouvernements pour changer la législation des pays, comme c’est le cas chez moi au Brésil avec le gouvernement putschiste. Elles privatisent notre pétrole, nos minéraux, notre eau et notre biodiversité. Même l’oxygène est privatisé par les crédits carbone.
Nous voulons également dénoncer le capital financier international. Car ce sont les banques internationales avec leur argent sale et irresponsable qui viennent dans nos pays et financent l’expansion des STN. Il est également nécessaire de contrôler les actions du capital financier à travers le monde.
Le MST rejoint toutes les revendications du monde pour construire un traité contraignant qui régule les actions des sociétés transnationales. Ce traité doit être participatif et collectif pour exprimer véritablement la voix des peuples du monde.
Dans la proposition faite par la Campagne, nous insistons sur le fait que le traité doit prendre en considération les communautés affectées. Celles-ci doivent avoir le droit à :
L’information: les grands monopoles de la communication sont au service des transnationales, ils sont financés pour ignorer les informations concernant les violations des droits de l’homme et pour criminaliser les luttes – l’accès à l’information doit être le droit de tous.
La justice: elle doit être au service des communautés affectées et non des entreprises. Souvent, les personnes touchées n’ont aucune garantie de pouvoir accéder à la justice, et sont criminalisées ce faisant.
La réparation: Dans de nombreux cas de violations, les communautés ou personnes affectées ne sont pas dédommagées. Prenons l’exemple du crime commis par la compagnie minière Vale / Samarco. Il y a deux ans, 18 personnes ont été tuées, pour l’instant il n’y a toujours pas eu de réparation, et le processus peut prendre près d’un demi-siècle.
L’autre exemple de non-réparation est le meurtre de dirigeant paysan du MST, Valmir Mota de Oliveira, un crime perpétré il a pile 10 ans par l’entreprise Syngenta. Au jour d’aujourd’hui il n’y a pas eu de réparation pour la famille, et la multinationale responsable du meurtre continue d’opérer librement au Brésil.
Garanties de non-répétition des violations: souvent, les entreprises continuent à commettre des violations des droits humains, même lorsqu’elles ont été forcées à réparer. Par exemple: les endroits où il y a des cas d’esclavagisme. Aujourd’hui, au Brésil, nous subissons un recul, car le gouvernement a modifié le cadre réglementaire sur le travail forcé, et les entreprises auront plus de liberté pour exploiter les gens.
Un système d’évaluation impartial: à présent ce sont les entreprises qui paient les techniciens d’État pour évaluer les cas, et les personnes affectées n’ont presque jamais leurs droits assurés.
Les avocats défendant les droits de l’homme doivent bénéficier d’une protection afin de ne pas subir la criminalisation et la persécution. Il existe de nombreux cas d’avocats criminalisés pour avoir défendus les victimes des des sociétés transnationales.
En outre, ils doivent recevoir une contribution de l’état pour leurs actions en défense des droits de l’homme.
Il est du devoir de l’État de:
1. respecter la compétence de la Cour internationale, et donc modifier ses lois nationales et adopter des règles internes permettant de faire appliquer les décisions de la cour internationale de réglementation aux sociétés transnationales
2. Les États devraient veiller à ce que les plaintes contre les sociétés transnationales ne se limites pas à leur seul pays. Par exemple: des citoyens brésiliens doivent pouvoir dénoncer Monsanto pour son action destructrice dans n’importe quelle partie du monde.
Le traité doit comprendre des mécanismes de participation populaire:
L’État doit obtenir l’accord de la société civile et des mouvements sociaux quant aux activités d’exploitation des STN. De même, il doit encourager la consultation populaire et chercher le plébiscite avant de signer des accords avec ces entreprises sur toute activité ou investissement.
Au Brésil, le gouvernement putschiste est en train de privatiser les terres brésiliennes, où chaque entreprise peut acheter jusqu’à 200 000 hectares. Cela se passe en ce moment même, sans aucune consultation avec le peuple brésilien.
Dans chaque pays, il faut faire un plébiscite pour que le peuple décide du sort des biens de la nature.
Ainsi, nous préconisons un cadre réglementaire mondial qui empêche les entreprises de s’approprier et d’exploiter nos ressources naturelles. Ces ressources doivent être sous le contrôle des populations, afin qu’elles puissent les utiliser selon leurs besoins.
La proposition de traité contraignant de la Campagne peut être télécharger ici
Judite Santos du @MST_Oficial au nom des paysan.ne.s: «La justice doit être au service des peuples et non des entreprises.» #BindingTreaty pic.twitter.com/niVwYqPtxy
— La Via Campesina en français (@viacampesinaFR) October 25, 2017