Japon : Les mouvements paysans et les groupes de consommateur·rices prévoient un rassemblement de tracteurs le 30 mars pour mettre en lumière la crise agricole

Lors d’une récente réunion des petit·es producteur·rices et des groupes de consommateur·rices, tenue dans le deuxième bâtiment des membres de la Chambre des représentants, avec 120 participant·es en présentiel, 150 en ligne et 32 membres de la Diète présents, les syndicats paysans japonais ont annoncé une manifestation de tracteurs le 30 mars à Tokyo pour mettre en lumière divers aspects de la crise agricole dans le pays.
Yoshihide Kanno, représentant du comité exécutif et agriculteur de la préfecture de Yamagata, a évoqué le désespoir croissant des producteur·rices de riz au Japon. « Quand les riziculteur·rices sont payé·es 10 yens de l’heure, c’est comme si on leur disait : ‘Cultivez du riz comme un passe-temps !’ En Europe et en Inde, les paysan·nes ont continué à manifester, et leurs voix ont mobilisé la population et la Diète. Il est temps que nous nous levions au Japon. Une révolte n’est pas un conflit, mais un signal de solidarité. »
Shigenobu Fujita, responsable de la coopérative agricole de Noto à Ishikawa et habitant de la péninsule de Noto, a souligné l’impact persistant du séisme de l’an dernier. « Plus d’un an et deux mois se sont écoulés depuis le tremblement de terre, et quatre mois depuis les fortes pluies, et certaines zones restent isolées, sans routes praticables ni accès à l’eau et à l’électricité. Les débris se sont accumulés dans les rizières à cause des intempéries. Nous exigeons la restauration des terres agricoles, des rivières et des routes principales, ainsi qu’une compensation des revenus pour les paysan·nes. Nous insistons aussi sur l’importance de l’autosuffisance alimentaire et de la sécurité alimentaire, qui relèvent d’un enjeu de défense nationale. »
Des paysan·nes de diverses régions ont rapporté leur situation. Nobuhiro Tenmei, un riziculteur de la ville de Joetsu, dans la préfecture de Niigata, a fait le point sur ses 30 années d’agriculture en déclarant : « Le prix d’une balle de riz est passé de 24 000 yens à 12 000 yens, et depuis, les coûts des machines, des engrais et du carburant n’ont cessé d’augmenter. Même après le tremblement de terre de Niigata et les typhons qui ont frappé directement mes rizières, j’ai continué à cultiver grâce au soutien de ma famille et de mes collègues paysan·nes. » Il a souligné : « Une véritable communauté agricole et rurale forte n’est pas composée de grands agriculteur·rices, mais de nombreux petit·es paysan·nes qui se rassemblent. Les politiques que le gouvernement met en avant réduisent la population des zones rurales, et nous devons changer ces politiques pour permettre à davantage de personnes de s’engager dans l’agriculture. »
Les syndicats paysans appellent à la souveraineté alimentaire
Yoichi Koshikawa, président du Syndicat des paysan.nes de la préfecture de Chiba, a pris la parole au nom des horticulteur·rices, déclarant : « Les prix des légumes n’ont pas changé depuis plus de 40 ans, et les successeur·es disent maintenant : ‘Nous ne pouvons pas dégager de bénéfices. Ce n’est pas durable. L’avenir est incertain.’ Le vieillissement des paysan·nes est également un problème grave, et les villages ne sont pas entretenus. C’est le ‘dernier arrêt’ des politiques agricoles de la nation. Il n’y a pas de distinction entre conservateur·rices et progressistes en ce qui concerne l’importance de l’alimentation. Il est temps de se lever pour améliorer l’autosuffisance alimentaire. »
Sooya Hasegawa, un fruiticulteur de la préfecture de Kanagawa, a également pris la parole, partageant ses luttes après 15 années dans le secteur. « Nous avons rarement un jour de congé, et nous sommes déficitaires chaque année. Dans des régions comme Odawara, qui sont montagneuses, les machines ne peuvent pas accéder, donc nous devons tondre l’herbe manuellement. » Il a aussi souligné le défi de retenir les petit·es agriculteur·rices expérimenté·es et la nécessité de soutenir à la fois les nouvel·les agriculteur·rices et ceux·celles qui les accueillent.
Takahiro Matsuzaki, un éleveur de bétail de la préfecture d’Ibaraki, a évoqué les défis persistants dus à l’augmentation des coûts des carburants et des aliments. « L’augmentation des coûts de production rend les choses très difficiles. Récemment, avec l’épidémie de grippe aviaire, je ne sais pas quand cela pourrait frapper ma ferme. La situation est physiquement et mentalement épuisante. » Il a insisté sur la nécessité d’améliorer l’autosuffisance en alimentation et a appelé à un soutien continu et élargi pour les cultures fourragères, comme le riz fourrager et le maïs.
Masashi Kanaya, un éleveur laitier de Chiba, a exprimé les difficultés de l’industrie laitière en déclarant : « Où peut-on trouver un emploi qui rapporte seulement 100 000 yens (environ 665 USD) en trois ans ? En tant qu’éleveurs laitiers, nous payons pour traire les vaches. Bien qu’il y ait eu une certaine aide financière, la réalité est que cela nous a à peine permis de rester à flot. Nous discutons avec d’autres petit·es agriculteur·rices et disons : ‘Nous sommes des esclaves.’ Notre dignité en tant qu’éleveurs laitiers est en train de s’éroder. D’abord, nous devons stopper la tendance des agriculteur·rices qui quittent le secteur. Nous avons besoin d’une ‘compensation de revenus aux niveaux européen et américain’ pour garantir la sécurité des paysan·nes. Sinon, de plus en plus de personnes abandonneront l’agriculture. »
Hisanobu Shimoyama, un agriculteur agroécologique de la ville de Sammu, Chiba, a critiqué les échecs des politiques passées du parti au pouvoir et du ministère de l’Agriculture, des Forêts et des Pêches. « La question des réserves alimentaires et l’augmentation des prix des légumes sont le résultat des politiques passées du LDP et du ministère de l’Agriculture. Les révisions récentes de la Loi fondamentale sur l’alimentation, l’agriculture et les zones rurales ont abandonné l’objectif d’améliorer l’autosuffisance alimentaire. Ce qui reste, ce sont des politiques axées sur l’expansion de l’échelle, la consolidation des terres agricoles, les exportations et l’agriculture intelligente. »
Manifestation de tracteurs du 30 mars
La « Marche de tracteurs de la Révolte paysanne de Reiwa » aura lieu le 30 mars (dimanche) au Multi-Purpose Plaza du district sud d’Aoyama Park, dans l’arrondissement de Minato, à Tokyo. Le programme est le suivant :
14h00 : Rassemblement (avec des tracteurs)
14h45 : Départ de la marche de tracteurs
15h30 : Départ de la marche de démonstration (tracteurs en tête de la marche)
(Itinéraire : Aoyama Park → Omotesando → Gare de Harajuku → Yoyogi Park)
17h30 : Réunion de clôture à la Galerie de peinture commémorative de Meiji
19h00 : Dissolution
Pour plus de détails, consultez le journal des paysan·nes publié par Nouminren, le mouvement des agriculteur·rices familiaux japonais : Nouminren News.
Cette publication est également disponible en English : liste des langues séparées par une virgule, Español : dernière langue.