Inquiétudes liées aux menaces et au manque de garanties en Colombie
Lettre ouverte au président de la Colombie
À l’opinion publique
(9 octobre 2015) Récemment, le gouvernement de Juan Manuel Santos et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont annoncé être parvenus à un accord au sujet de la justice transitionnelle au cours des négociations qui ont lieu à La Havane. C’est une étape importante qui permet d’envisager avec optimisme la signature d’un accord qui mette fin au conflit armé entre le gouvernement de Colombie et la guérilla des FARC. Après plus de 60 ans de guerre, nous pensons qu’il ne faut pas laisser passer cette opportunité. De même, nous espérons que s’ouvrira prochainement un dialogue avec la guérilla de l’Armée de libération nationale (ELN) pour parvenir à un accord.
Cependant, tandis que l’on parle de paix, nous observons avec grande inquiétude qu’il n’existe aucune garantie pour les activités des organisations sociales qui défendent leurs droits et s’opposent à un modèle économique qui aggrave les inégalités et viole les droits fondamentaux. Nous constatons que des groupes paramilitaires comme, entre autres, les Urabeños, les Rastrojos, Águilas Negras ou Autodefensas Gaitanistas de Colombia persistent à menacer, harceler, assassiner et commettre des attentats contre les défenseurs des droits de l’homme, les leaders des mouvements sociaux, les partis de gauche, les personnes désirant récupérer leurs terres et les journalistes indépendants.
Comme l’indique le dernier rapport de Front Line Defenders sur les atteintes à l’égard des défenseurs de droits de l’homme, la Colombie est le pays présentant le plus grand nombre d’assassinats contre ceux-ci en 2014, avec un total de 42 morts. Le programme Somos Defensores a signalé que rien qu’au cours du premier semestre de 2015, il y eût 399 agressions contre des défenseurs et leaders sociaux, et 34 personnes qui défendaient les droits de l’homme ont été assassinées.
Nous souhaitons en particulier attirer l’attention sur les faits suivants :
Le 6 octobre, une lettre de menace signée par le groupe paramilitaire Águilas Negras a été envoyée à 8 personnes et 3 organisations, dont, notamment, Eberto Díaz, membre de Fensuagre et dirigeant de La Vía Campesina Internacional, et à plusieurs leaders et porte-parole de la Cumbre Agraria, Campesina, Étnica y Popular, ainsi qu’à des représentants du mouvement syndical, à des organisations sociales et de journalisme indépendant, parmi lesquels on trouve Javier Betancourt, Andrés Gil, Carlos Ancízar Rico, Guevara Robert Daza, Jaime Cortez Suarez, la Guardia indígena, Prensa Rural, Julio Roberto Gómez, Jesús Elkin Rodríguez Moya y la CGT.
Il ne s’agit pas d’un fait isolé. Fin septembre a circulé un pamphlet signé par le « bloc capital des Aguilas Negras » dans lequel étaient mentionnés et menacés des médias connus, mais surtout plus de cent membres d’organisations sociales et de défense des droits, des membres de la mairie de Bogota et d’autres personnes en lien avec les tables locales pour la paix y étaient déclarés objectifs militaires.
Dans ces pamphlets, les “Aguilas Negras” déclaraient ces personnes comme objectifs militaires et les menaçaient de mort.
Il faut encore ajouter à tout ceci les assassinats, disparitions et menaces contre les leaders sociaux de différentes régions du pays. Ces faits permettent de douter que les mesures de sécurité limitées mises en place par le gouvernement face à ces menaces soient suffisantes ou même adéquates. Elles prouvent au contraire qu’il n’y a aucune garantie pour le travail nécessaire et exigent des défenseurs de droits de l’homme.
Ces situations confirment l’existence d’importantes forces opposées à la paix qui désirent maintenir une situation de conflit permanent pour servir leurs intérêts. Si ces groupes criminels, qu’on les appelle paramilitaires ou « bacrim », ne sont pas démantelés et traduits en justice, de même que les membres des forces de l’ordre qui maintiennent des liens avec ces groupes, ils seront assurément la semence qui réalimentera le conflit.
Seule une paix qui garantisse le respect des droits de l’homme et qui offre des garanties réelles pour les activités des organisations sociales défendant ces droits sera une paix durable. Il est indispensable que l’État colombien intervienne de manière décidée et démantèle les groupes paramilitaires.
Ainsi, la communauté internationale qui soutient la Colombie et son processus de paix, qu’il s’agisse de gouvernements, de représentants de la société civile, d’Églises ou d’organisations internationales, doit se prononcer clairement et fermement contre les actions de ces groupes et appuyer l’activité légitime et démocratique des différentes forces politiques et mouvements sociaux. Conformément à son engagement en faveur de la défense des droits de l’homme, nous invitons l’UE à observer et à accompagner l’action des défenseurs de ces droits en Colombie.
Organisations signataires :
Alianza por la Justicia Global
All Nepal Peasants’ Federation
Alliance Against Hunger and Malnutrition
Amigos de la Tierra América Latina y el Caribe
Asociacion Sindical de Trabajadores Bananeros Agricolas y Campesinos
Attac
Canadian Community Economic Development Network
Centro de Documentación en Derechos Humanos “Segundo Montes Mozo S.J.”
Centro Internazionale Crocevia
Conamuri
Confederación Sindical de Trabajadores/as de las Americas
Confédération Paysanne
Consejo Latinoamericano de Iglesias
Convergence globale des luttes de la Terre et Eau Ouest Africaine
Convergence malienne contre les accaparements de terres
Ecologistas en Accion
Ehne Bizkaia
Farmworker Association of Florida
Federacion Agraria Argentina
FIAN international
FIMARC
FOS Andes
Fundacion Mundubat
Global Forest Coalition
GRAIN
Grupo Sur
Institute for Agriculture and Trade Policy
México vía Berlin
MIJARC
Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les peuples
Plataforma Interamericana de Derechos Humanos, Democracia y Desarrollo
Réseau Maghrébin d’Associations de Développement Local en milieu Rural
Sindicato Galego Labrego
SOA Watch Austin
Sociedad Cooperativa jittoa bat nataka weria
SOLdePaz.Pachakuti
Solidaridad Suecia – America Latina
Unidad de la Fuerza Indigena y Campesina
Union Paysanne
Uniterre
World Forum of Fisher Peoples