Haïti : La lutte pour la souveraineté alimentaire au milieu du tumulte politique et systémique
Le Mouvement Paysan de Papaye (MPP), l’une des plus grandes organisations paysannes d’Haïti, a célébré son 50e anniversaire en 2023. Comptant près de 60 000 membres, y compris des jeunes paysans, des femmes et des hommes, le MPP se concentre sur l’agroécologie, l’éducation populaire, la gestion environnementale et les questions de genre.
Le MPP est actif dans 13 communes et 35 sections communales à travers le pays. Dans une interview avec Capire, Juslene Tyresias explique que l’organisation travaille beaucoup pour améliorer les conditions de vie des paysannes et paysans qui, durant très longtemps, ont été réprimés par d’autres secteurs de la population. Elle dit que « Le travail sur le terrain, c’est l’éducation populaire via la méthode de Paulo Freire. Nous sensibilisons et conscientisons, les paysans, femmes hommes jeunes, pour être actrices et acteurs du changement social que nous défendons. Et la vision du MPP, c’est de défendre les intérêts et tout ce que les paysans ont comme revendications ».
Juslene a également souligné le démantèlement systématique de la souveraineté alimentaire d’Haïti en raison des politiques commerciales néolibérales.
Depuis les années 1980, l’Agence américaine pour le développement international (USAID) et des institutions telles que le Fonds monétaire international ont imposé des réformes économiques qui ont affaibli la production alimentaire domestique et accru la dépendance aux importations alimentaires des États-Unis. Par exemple, en 1995, les droits de douane sur les importations de riz ont été réduits de 35 % à 3 %, ce qui a eu des effets dévastateurs sur les prix pour les producteurs, la production locale et les moyens de subsistance des petit.es agriculteur.rices. En conséquence, les importations de riz en Haïti sont passées d’environ 7 337 tonnes en 1985 à près de 260 000 tonnes en 2005.
Juslene a également abordé les impacts de ces politiques sur la santé lors de son entretien : « Depuis les années 1980, Haïti, qui était autrefois un pays souverain et autosuffisant sur le plan alimentaire, a été confronté à un afflux massif de produits importés. En particulier, le riz des États-Unis et des pays asiatiques prend le dessus sur notre production locale. Selon une étude publiée en février 2024 par l’Université du Michigan, le riz importé que nous consommons massivement en Haïti contient deux éléments cancérigènes : le cadmium et l’arsenic », dit-elle.
Plus tôt cette année, Reuters a cité la même étude, notant que les concentrations moyennes d’arsenic et de cadmium étaient presque deux fois plus élevées dans le riz importé que dans le riz cultivé en Haïti, certains échantillons importés dépassant les limites internationales. Presque tous les échantillons de riz importés dépassaient les limites recommandées par la Food and Drug Administration des États-Unis pour la consommation des enfants.
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