Criminalisation croissante des mouvements autochtones et paysans : Position de La Via Campesina Honduras
(Comayagua, le 16 mars 2016) Face à la gravité de la crise sociale et politique qui affecte les paysans, les paysannes, les peuples autochtones, les populations garifunas et les mouvements populaires honduriens, nous, les organisations paysannes de la Via Campesina Honduras, la Centrale nationale des travailleurs agricoles (CNTC), l’Association Nationale des Paysans du Honduras (ANACH), le Conseil pour le développement intégral de la femme rurale (CODIMCA), le Front national pour la jeunesse paysanne, les peuples autochtones et les peuples d’ascendance africaine (FRENAJUC) et les représentations de l’Association pour le développement du Honduras (ADROH) dans les régions de Gracias, Lempira ; Opatoro et Marcala, La Paz et Colomoncagua, Intibucá, réunis dans la municipalité de Siguatepeque, Comayagua, dénonçons ce qui suit:
1 Une politique étatique favorable au démantelement et à l’abandon de la production agricole de petite échelle.
2. L’extrême pauvreté en milieu rural (plus de 3 millions de paysans souffrent de famine) ou se concentrent 70 % des pauvres, dont 54 % vivant dans des situations d’extrême pauvreté.
3. Les expulsions violentes ordonnées par les tribunaux, le Bureau du Procureur et la police nationale pour satisfaire les groupes d’intérêt privés et les propriétaires fonciers.
4. L’emprisonnement de plus de 5 000 agriculteurs, dont 1 700 femmes et l’assassinat de 140 paysans et paysannes découlant de conflits liés à la terre et de luttes pour la défense du territoire
5. Nous nous opposons fermement à l’approbation du nouveau Code pénal. Celui-ci été élaboré sans la participation du mouvement paysan et criminalise l’ensemble des luttes pour l’accès à la terre et des revendications des mouvements sociaux.
6. Le changement climatique a de graves répercussions sur la production, la productivité et la souveraineté alimentaire de notre peuple, au point qu’aujourd’hui les importations de maïs, haricots, riz, légumes, viande, œufs et autres produits alimentaires atteignent des records historiques au Honduras.
7. L’indifférence totale des pouvoirs exécutif et législatif qui retardent les discussions et l’approbation du projet de loi de Réforme agraire générale basée sur l’équité entre les sexes pour la Souveraineté Alimentaire et le Développement Rural. Ce nouveau cadre juridique, plus juste et plus équitable, permettrait pourtant d’appliquer des solutions pacifiques aux conflits agraires du pays.
8. Le manque d’organisation et la corruption des institutions de l’Etat (pouvoir exécutif, judiciaire, législatif, Cour suprême et parquet) qui continuent à réprimer ouvertement les agriculteurs, les défenseurs des droits de l’homme et les communicants sociaux, comme le montre l’exemple du journaliste David Romero Ellner, condamné à 10 ans de prison par l’Etat pour six infractions de diffamation, ainsi que la mise en vente de notre souveraineté nationale, divisée en Zones de Développement Economique (ZEDE), provocant des déplacements massifs de familles rurales.
9. La persécution et l’assassinat de ceux et celles qui luttent pour la défense de la terre et du territoire, en l’occurrence le meurtre de Margarita Murillo, de Berta Cáceres et de Nelson Noé García et l’arrestation arbitraire du président du Mouvement paysan unifié de l’Aguan (MUCA), Juan Angel Flores et celle de la défenseur et membre de l’Observatoire permanent des droits humains de l’Aguan, Orbelina Flores Hernández.
10. La persécution politique du coordinateur général de la Via Campesina au Honduras, Rafaël Alegria et d’autres dirigeants paysans aux niveaux national, régional et local. Nous dénonçons également la mise sous surveillance des bureaux de notre organisation et les attaques dont nous faisons l’objet depuis le coup d’état (6 actions au total) et nous déplorons l’attentat perpétré contre l’employé Chistian Mauricio Alegría, touché à la main gauche par des tirs. Cet incident a eu lieu devant les locaux de la Vía Campesina dans la Colonia Alameda de Tegucigalpa, le 15 mars de la présente année.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, le mouvement paysan de la Via Campesina au Honduras exige ce qui suit:
1. Le débat et l’approbation immédiate du projet de loi de Réforme agraire générale basée sur l’équité entre les sexes pour la Souveraineté Alimentaire et le Développement Rural, présenté au Congrès national le 9 avril 2014.
2. La libération immédiate et inconditionnelle de plus de 5 000 paysans et paysannes qui font l’objet de poursuites judiciaires dans tout le pays pour avoir défendu leurs terres et leur territoire.
3. En tant que mouvement paysan, nous nous associons au mouvement populaire hondurien « Berta Caceres Vive » qui exige que toute la lumière soit faite sur l’assassinat politique de la camarade Berta Cáceres et que la société DESA-Agua Zarca, ainsi que les organismes internationaux qui appuient ces projets macabres, se retirent des eaux sacrées du fleuve Gualcarque.
4. Nous proposons de former une Alliance Paysanne-Autochtone-Garifuna pour la défense de la terre et le territoire et nous appelons à la mobilisation nationale.
5. Nous exprimons notre pleine solidarité au journaliste David Romero et exigeons que le gouvernement trouve une solution pacifique et juste à ce conflit – le peuple hondurien ne tolérera pas de nouvelles atteintes à la liberté d’expression – et que les actes de corruption soient signalés.
6. Nous appelons la communauté nationale et internationale à se prononcer en faveur de la vie et des droits humains dans notre pays et à condamner la politique d’Etat visant à criminaliser et à écraser les mouvements sociaux.
LA VIA CAMPESINA HONDURAS
CENTRALE NATIONALE DES TRAVAILLEURS AGRICOLES (CNTC)
ASSOCIATION NATIONALE DES PAYSANS DU HONDURAS (ANACH)
CONSEIL POUR LE DÉVELOPPEMENT INTEGRAL DE LA FEMME RURALE (CODIMCA)
FRONT NATIONAL POUR LA JEUNESSE PAYSANNE, LES PEUPLES AUTOCHTONES ET LES PERSONNES D’ASCENDANCE AFRICAINE (FRENAJUC)
REPRÉSENTATIONS REGIONALES DE L’ASSOCIATION POUR LE DÉVELOPPEMENT DU HONDURAS (ADROH)
LA VIA CAMPESINA HONDURAS (LVC)