Colombie: “Les violents ne pourront pas barrer le chemin des peuples vers la paix”
Harare, le 8 juin 2020
Alors que les nostalgiques de la violence qui refusent de disparaître causent un bain de sang en Colombie, La Via Campesina partage la préoccupation de la communauté internationale quant à l’aggravation des violations des droits de l’homme dans le pays depuis le début de 2020. En seulement trois mois (de février à avril), 2 421 personnes ont été victimes de la violence, laquelle a même augmenté au mois de mai, dont le bilan n’a pas encore été établi. C’est dans ce contexte que La Via Campesina publie Cessez le feu, un bulletin d’information qui réaffirme son engagement pour la paix en Colombie et vise à rendre compte de la situation et des sérieux obstacles auxquels se heurte le processus de mise en œuvre de l’Accord.
Le présent numéro constitue le premier d’une série de rapports mensuels visant à informer sur la situation des droits de l’homme et le processus de consolidation de la paix en Colombie. Le bulletin met en évidence certains problèmes de mise en œuvre.
En premier lieu, les progrès réalisés en matière d’accès à la terre n’atteignent pas l’objectif de démocratisation de l’accès à la propriété rurale. Seuls 95 665 hectares ont été inscrits officiellement, soit seulement 1,7 % des 7 millions d’hectares prévus dans l’accord. À ce jour, le Fonds foncier ne dispose que de 1 000 404 hectares, soit 30 % du total des terres qui devraient être à la disposition du Fonds. Par ailleurs, aucune terre n’a encore été livrée.
Ce qui semble être un simulacre de politique d’application de l’Accord suscite une forte préoccupation. Par exemple, le gouvernement actuel présente les données sur les progrès réalisés en matière de formalisation de la propriété comme si elle constituait la livraison finale des terres.
La mise en œuvre connaît de sérieuses limitations quant à la participation des communautés, comme cela s’est produit dans les processus de formulation et de mise en œuvre des PDET (programmes de développement axé sur le territoire) et des PATR (plans d’action pour la transformation régionale). Le cadastre polyvalent ne comporte pas de mécanismes de participation communautaire à l’information cadastrale et à son contrôle. En outre, il établit que ceux qui effectuent l’opération cadastrale sont privés, malgré la nature stratégique que ce type d’information peut avoir.
Les Zones stratégiques d’intervention intégrale (ZEII) ont été mises en place, lesquelles suivent un modèle de stabilisation militariste pouvant nuire à la dynamique de la planification participative développée dans le cadre des PDET. Les ZEII ouvrent également la possibilité que les ressources destinées à la paix soient détournées vers des politiques de sécurité.
Le lien des familles avec le PNIS (Programme national intégral de substitution des cultures illicites) a été gelé. Depuis novembre 2018, aucun accord de substitution volontaire n’a été conclu et, à la place, la priorité a été donnée aux activités d’éradication forcée. Quelque 42,3 % des familles liées au programme ne reçoivent pas les avantages économiques promis.
Le gouvernement actuel n’a pas présenté la première loi d’application de l’Accord, bien que seuls 11 des 41 instruments normatifs nécessaires à la RRI (réforme rurale intégrale) aient été émis. Par exemple, sur les 16 plans nationaux de RRI inclus dans l’accord, seuls 5 ont été approuvés1.
Dans ce contexte, la Via Campesina se joint à l’appel de divers secteurs de la société civile, aux plans national et international, pour que soit pleinement respecté ce qui a été convenu et, en priorité, pour que le gouvernement adopte les mesures nécessaires pour arrêter la vague de violence déclenchée et le meurtre ignoble d’anciens combattants et de dirigeants sociaux. Nous appelons à un Cessez-le-feu, car nous sommes convaincus qu’aucune balle ne pourra arrêter le peuple colombien dans sa quête pour la paix, laquelle constituera une victoire pour le monde entier.
1 Les 5 plans approuvés sont : (i) Plan national de promotion de la commercialisation de la production de l’économie paysanne, familiale et communautaire, (ii) Plan national de construction et d’amélioration de logements sociaux ruraux, (iii) Plan national de routes pour l’intégration régionale, (iv) Plan national de connectivité rurale et (v) Plan national d’électrification rurale.