Canada : Les prix en épicerie montent, les prix aux paysan·nes baissent
Article initialement publié par l’Union Nationale des Fermiers –membre de La Via Campesina au Canada – sous le titre : “Les prix de l’épicerie augmentent et la part des fermiers diminue alors que les grandes compagnies de la transformation et de la vente aux détail engrangent de plus en plus de profits.”
Swift Current, SK, le 9 décembre 2021 —Les prix des produits alimentaires augmentent. Pour expliquer ces augmentations, plusieurs commentateur·ices pointent du doigt la montée des prix pour les produits agricoles et ils et elles font allusion à la sécheresse, à d’autres problèmes de production, à la pandémie ou à des problèmes reliés à la chaine d’approvisionnement. Ceci n’est pas une explication exacte. Les données publiques démontrent que les grands transformateurs et les détaillants ont, sans relâche et pendant des décennies, fait grimper les prix, même alors que les prix payés aux fermier·es demeuraient essentiellement stagnants.
« Les consommateurs ont besoin de savoir que de moins en moins de l’argent qu’ils dépensent sur la nourriture se rend dans les mains des fermier·es. Les prix des produits alimentaires sont élevés parce que les abattoirs, les autres grands transformateurs et les gros détaillants s’accaparent des parts de plus en plus grandes des revenus. Pour la plupart des produits alimentaires, la part des fermiers continue à diminuer, » déclarait Stewart Wells, Vice-Président des opérations de l’UNF et fermier de la Saskatchewan.
« Les gros transformateurs, abattoirs et détaillants réclament plus d’argent de la part des consommateurs, payant aussi peu que possible aux fermier·es, supprimant le salaire des travailleurs et travailleuses, tout en mettant plus d’argent dans leurs poches. C’est pourquoi les prix des aliments au détail continuent à monter, non pas à cause de la montée des prix pour le grain ou le bétail, à cause de la COVID-19 ou à cause des problèmes d’approvisionnement. C’est important que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes soient au courant de ce qui se cache derrière la montée des prix de la nourriture, » ajoutait Wells.
Katie Ward, Présidente de l’UNF et fermière en Ontario, expliquait que : « Les priorités mal placées des gouvernement ont facilité la concentration dans le secteur alimentaire et ont pavé la voie pour la montée des prix que l’on voit présentement. Les approbations fédérales pour des vagues de fusions d’abattoirs, de transformateurs et de détaillants, ainsi que la fermeture des usines de transformation, ont augmenté le pouvoir de ces grosses compagnies. Les augmentations du prix des aliments ne sont qu’un des effets de cette montée de la puissance des corporations. Un autre effet, tout comme l’ont révélé les chocs de la pandémie et des systèmes d’approvisionnement, c’est que le système est fortement concentré et fragile – il manque de résilience, de diversité et de capacité adéquate locale et régionale en matière d’accès.»
Ce premier graphique montre les prix au détail pour le bacon et les côtes de porc, ainsi que les prix accordés aux fermiers pour les porcs. (Sources : Statistique Canada) Par contraste aux modestes augmentations accordées aux fermiers sur une période de plus de quarante ans, veuillez noter l’augmentation double et triple des prix au détail. Les augmentations des prix dans les épiceries découlent de l’accaparement croissant des grands transformateurs et des gros détaillants, et cela est la tendance depuis des décennies.
Le deuxième graphique montre les prix pour le blé et le pain. (Source : Statistique Can et gouv. de la Sask.) Ça révèle bien que les prix du blé ne sont pas la cause des augmentations du prix pour le pain. Mais le graphique cache un fait encore plus percutant : durant la plupart des années XNUMX, le Canada avait encore une politique de deux prix pour le blé. Bien que le graphique montre que durant les années XNUMX les fermiers recevaient environ XNUMX $ du boisseau pour leur blé – un prix mélangé qui représentait les ventes domestiques et d’exportation—les meuniers et les boulangers canadiens payaient environ XNUMX $ le boisseau pour le blé qu’ils transformaient en farine et en pain. Donc, dans les années XNUMX, les meuniers, les boulangers et les détaillants convertissaient un boisseau de blé de XNUMX dollars en XNUMX miches de pain de XNUMX $. Au cours des dernières années, ils ont transformé du blé à XNUMX $ le boisseau en des miches de XNUMX $. La part du fermier est d’environ un tiers de ce qu’elle était quarante ans passés.
Ce troisième graphique montre la relation entre les prix des vaches d’abattage et le bœuf haché. (Sources: Statistique Canada et AAC.) Au cours des quarante dernières années, le prix des vaches à essentiellement doublé. Cependant, durant la même période, les prix au détail du bœuf haché ont plus que triplé. La part du fermier du dollar à l’épicerie pour le bœuf haché est à la baisse, comme c’est le cas pour la plupart des prix comparés entre la ferme et le détail. (Veuillez noter que dans le cadre de cette analyse, les prix ne sont pas ajustés pour l’inflation. Si le prix des vaches était ajusté ainsi, ils seraient plus bas et non pas plus haut.)
Ce dernier graphique compare les prix du maïs et du maïs en flocons. (Sources : Statistique Canada et Conseil des Grains du Canada.) Les prix du maïs aux fermiers a à peu près doublé durant les quarante dernières années. Durant la même période, le prix du maïs en flocons a quadruplé. La part du fermier de nos jours est la moitié de ce qu’il était. Kellogg’s annonçait récemment un autre large dividende trimestriel pour ses actionnaires, mais demeure incapable d’en arriver à une entente avec les travailleurs et travailleuses en grève.
Katie Ward, Présidente de l’UNF, concluait : « Les transformateurs et les détaillants font payer un prix excessif aux client·es parce qu’ils le peuvent ; les fusions et les concentrations d’entreprises ont multiplié leur pouvoir. Ceci crée plusieurs effets négatifs : sur les fermier·es, les travailleur·euses, l’environnement, le climat, les animaux et, comme le démontre l’augmentation des prix au détail, également sur tous les Canadiens et Canadiennes. Afin de renverser ces effets négatifs, il nous faut de la transformation à plus petite échelle, locale et régionale, et il nous faut probablement démanteler les plus gros abattoirs, transformateurs et détaillants. La montée du pouvoir de marché et la diminution de la compétition ont mené à une augmentation constante des prix au détail ; les gouvernements doivent intervenir pour freiner toutes ces tendances néfastes.»
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