Canada : « Les marchandises voyagent de plus en plus librement mais les êtres humains de moins en moins ».
(Séoul, Assemblée nationale, le 19 avril 2018) Intervention de Joan Brady (à gauche de la photo), de la National Farmers Union , Canada lors du Forum « Le libre-échange, menace pour la souveraineté alimentaire mondiale ».
Joan produit des petits fruits et des légumes pour le marché local et travaille aussi en dehors de sa ferme comme 85 % des agriculteurs canadiens aujourd’hui. Dans son travail quotidien, elle accorde beaucoup d’importance au renforcement des communautés rurales et au partage des connaissances entre générations. En 1988, il y a la signature du premier traité de libre-échange entre le Canada et Etats-Unis. Cet accord est devenu l’ALENA, 5 ans après avec l’inclusion du Mexique. Depuis 12 accords ont été signés (dont 2 en cours de ratification) et 9 sont en cours de négociations mais dans le plus grand secret. Le commerce ici ne sert pas à renforcer le marché mais à le contrôler. Au Canada l’association des producteurs du blé (Canadian Wheat Board) avait été créée pour une meilleure organisation du marché entre les producteurs. Il s’agissait d’une grande société mais qui appartenait aux agriculteurs afin que ceux-ci aient un retour sur leur investissement. Avec l’accord de libre-échange, cette société a été démantelée et achetée par un groupe privé détenus par des capitaux canadiens et arabes. Les producteurs ont beaucoup perdu dans cette transaction.
Depuis 1988, nos exportations ont augmenté mais nos importations aussi : résultat il n’y a pas de changement de la balance commerciale. Les accords de libre-échange ne devraient pas inclure les produits agricoles car ce sont nos moyens de subsistance. Aujourd’hui, par rapport à 1988, la dette des exploitations agricoles a plus que doublé. Un agriculteur canadien doit investir 100 dollars pour avoir 1 dollar. Ce manque de rentabilité explique que l’agriculture canadiennes ait perdu 60 % de ses jeunes agriculteurs – soit 1 exploitation agricole sur 5. L’ALENA a été un des premiers accords de libre-échange à inclure l’obligation pour les lois nationales sur les semences à se conformer aux règles de l’UPOV 91. Ceci a eu de lourdes conséquences au Canada en matière d’invasion par des semences OGM dès 2004. En 2014, la National Farmers Union a proposé au gouvernement Canadien d’écrire une loi sur les semences qui protégerait les droits des agriculteurs canadiens, notamment celui de reproduire leurs propres semences.
En 2017, lors de la renégociation de l’ALENA, il y a aussi eu des réactions de la société civile auprès du gouvernement canadien pour retrouver un certain contrôle démocratique sur cet accord et inclure un point sur le développement des énergies renouvelables. Mais globalement, il faut garder à l’esprit le contexte dans lequel ces négociations ont lieu en Amérique du Nord : les marchandises voyagent de plus en plus librement mais les êtres humains de moins en moins. La construction d’un mur entre les Etats-Unis et le Mexique en est le symbole.