Brésil, les mouvement sociaux entrent pleinenement dans la lutte
(Brésil, 11 juillet 2013) «Ceux qui ne se sont jamais endormis accueillent ceux qui se réveillent»: c’est avec ce slogan que le Mouvement des Sans Terre invitait hier les jeunes manifestants qui ont bouleversé le Brésil durant le mois de juin à amplifier la lutte. Pour cette journée nationale de mobilisation, ce sont donc les acteurs sociaux qui relancent les revendications de changements structurels dans l’économie, le social et les médias, à l’appel des cinq principales centrales syndicales du pays, des organisations paysannes et, notamment, de la très puissante CUT (Centrale Unique des Travailleurs).
Les grands médias insistent – mais c’est leur rôle après tout quand l’ordre est menacé – sur la “faiblesse” des mobilisations, comparativement aux énormes mouvements de juin. Il n’en reste pas moins que des catégories importantes de salarié(e)s ont fait grève durant cette journée, ce qui est une évolution importante du mouvement car ces secteurs n’avaient pas encore participé à la lutte. Les centrales syndicales, qui se réunissent aujourd’hui, annoncent la possibilité d’une grève générale au mois d’août.
Démocratiser la propriété des médias
Des milliers de personnes ont également manifesté à Sao Paulo devant le siège de la TV Globo, chaîne quasi monopolistique de télévision du pays, accusée de criminaliser les mouvements sociaux. À Salvador de Bahia, son antenne locale a même été occupée par des syndicalistes. Les militants exigent le vote d’une nouvelle loi de l’audiovisuel et de la presse, brisant notamment la situation d’oligopole dont jouit le groupe Rede Globo et redistribuant une partie de la propriété des ondes de radio et de télévision aux citoyens et aux mouvements sociaux.
Partout ailleurs le Mouvement des Sans Terre participait de la Journée de Lutte nationale du 11 juillet : dès le matin, ses militant(e)s avec, dans certains Etats, d’autres militant(e)s syndicaux(ale)s et d’autres mouvements sociaux, bloquaient certaines des routes nationales les plus importantes (les “BRs”).
A Sergipe, les Sans Terre ont bloqué les routes de l’Etat à 12 endroits, dans les 5 régions de l’Etat. Près de 3000 Sans Terre ont participé aux mobilisations. Un chiffre important dans le contexte actuel. Les revendications, en plus de la plate-forme unitaire adoptée avec les centrales syndicales, portaient sur la Réforme Agraire et l’octroi immédiat de terres aux 8500 familles qui vivent dans les campements du MST à Sergipe. Exemple phare: les 220 familles du campement Tingui, le plus vieux de l’Etat (seize ans d’occupation!) ont reçu un mandat d’expulsion pour le mois d’août !
Octroi immédiat des terres de la réforme agraire
D’autres revendications s’ajoutaient, visant à améliorer le développement des assentamentos- unités de production agricole sur les terres que l’État doit légaliser en vertu de la réforme agraire, là où les familles ont déjà décroché une terre. A Glória, après le coupage de la route principale durant près d’une heure, 500 manifestant(e)s sont parti(e)s en direction du centre ville, où ils ont défilé devant les principales banques publiques pour exiger des crédits en faveur des producteurs, et devant la Compagnie d’assainissement et de distribution d’eau de l’Etat (Deso), pour y dénoncer l’état catastrophique du réseau – dans la ville même (la troisième plus importante de l’Etat de Sergipe !), les coupures d’eau durant plusieurs jours sont quasi-hebdomadaires, alors que dans certains assentamentos la facture arrive tous les mois… mais pas l’eau!
A noter à Sergipe une grève bien suivie dans le secteur des transports, des pétroliers, des ambulanciers et des salarié(e)s des banques. Une manifestation a réuni tout le monde en fin d’après-midi à Aracaju.
«Dilma Rousseff a entendu la voix de la rue»
La présidente Dilma Roussef se trouve dans une situation paradoxale : les syndicats défilent avec des exigences envers le gouvernement, mais la force de la mobilisation populaire peut l’aider à faire avancer son projet de référendum sur la réforme politique, qui vient d’être enterré par les présidents du Sénat et de l’Assemblée pour des raisons «pratiques». «Dilma Rousseff a entendu la voix de la rue et a lancé ce débat, mais sa base politique et parlementaire lui tient tête», analyse Joao Pedro Stedile, coordinateur national du Mouvement des Sans Terre.
Traduction extraite du site http://mouvementsansterre.wordpress.com