Afrique : “La formation doit être comprise de manière intégrale et organisationnelle afin de garantir la continuité de nos processus “
Rencontre des Écoles d’agroécologie d’Afrique. Zimbabwe du 20 au 23 août 2019.
Avec la participation de 16 organisations paysannes, de 18 pays, de tout le continent africain, s’est tenue la Rencontre des Écoles d’agroécologie de La Via Campesina Afrique, avec l’objectif de renforcer la vision commune sur la formation des paysans et des paysannes en agroécologie paysanne dans le cadre de la défense de la Souveraineté alimentaire et de la lutte contre le capital, l’agro-industrie, l’accaparement des terres, l’exclusion sociale et la justice climatique.
Actuellement, les écoles et les processus de formation en agroécologie, existant à La Via Campesina Afrique, ont combiné les connaissances, les expériences et les luttes des différentes organisations face aux réalités de chaque pays et territoire. En outre, ils ont cherché à renforcer les luttes pour les droits des paysan(ne)s à la terre, à l’eau, aux semences et à la biodiversité.
Pour Davine Witbooi, leader du Mouvement des Sans Terre d’Afrique du Sud, il est important de construire des écoles et des espaces de formation aux niveaux local, régional et international, tel qu’ils le font avec le mouvement mondial La Via Campesina : ” Nos connaissances autochtones nous ont permis de comprendre l’agroécologie comme étant notre méthode d’agriculture, c’est pourquoi la formation politique est essentielle pour que nous ayons plus et de meilleurs cadres capables d’organiser et de mobiliser des changements face aux politiques gouvernementales dont souffre notre continent, nous avons besoin de réformes agraires, d’eau et de semences afin de pratiquer l’agroécologie et nourrir nos peuples ” a-t-elle déclaré.
Parmi les méthodologies de formation, a été mentionnée la valeur de l’apprentissage horizontal à travers les échanges “paysan(ne) à paysan(ne)” et soulignée la nécessité de les documenter et de les transformer en outils pédagogiques dont d’autres pourront s’inspirer et utiliser. “L’étonnante connaissance des paysan(ne)s doit être reconnue et valorisée. Dans nos villages, il existe des pratiques ancestrales d’une grande utilité. La formation des formateurs est également fondamentale pour l’autonomie de nos processus de formation “, a commenté Elizabeth Mpofu du Forum des petits paysans du Zimbabwe (ZIMSOFF).
Au cours de la journée, les délégué(e)s ont collectivement réfléchi sur chaque expérience de formation et ses méthodologies. La Via Campesina en Afrique compte actuellement plusieurs écoles et processus de formation en agroécologie paysanne. Dans des pays comme le Mozambique, le Zimbabwe, le Mali et le Niger, ils sont mis au défi de coordonner les programmes avec des plans d’étude reflétant leurs besoins en tant que paysans. Ils comptent également sur d’autres processus itinérants, tels que des cours et des modules, en Tanzanie, en Guinée-Bissau, au Togo, au Ghana, au Sénégal, en Gambie, au Congo-Brazzaville, au Burkina Faso, en Ouganda, au Kenya et en Afrique du Sud. “En ce sens, pour nous, les modules techniques doivent être liés à l’étude théorique. Des techniciens formés, sans convictions idéologiques, ne répondront pas à nos besoins en tant que mouvement qui cherche à massifier l’agroécologie comme un autre moyen de s’attaquer à l’agribusiness et au changement climatique “, a déclaré David Otieno de la Ligue paysanne du Kenya (KPL).
Pour sa part, l’Union nationale des paysans du Mozambique (UNAC) a mentionné que la nécessité de construire une société juste basée sur la défense de la Souveraineté alimentaire, a poussé l’organisation à repenser sa pratique de la formation politique. “Notre plan représente un effort collectif pour reconstruire la manière de penser et de pratiquer la formation politique, nous essayons de reconstruire et de donner un nouveau contenu à la formation selon les exigences du moment présent, c’est pour cela que la formation doit être comprise d’une manière intégrale et organisationnelle, ceci garantira la continuité de nos processus”, a ajouté Inácio Maria.
L’expérience du Mali a également mis en lumière la nécessité de traduire les contenus dans les langues locales, principalement parlées sur le continent africain. La CNOP a aujourd’hui obtenu l’agrément de l’Etat en tant qu’espace formel de formation, ils disposent de 10 modules de formation réalisés selon des méthodologies populaires qui incluent le travail dans les salles de classe mais aussi sur le terrain. A ce jour, ils ont formé environ 459 paysan(ne)s qui jouent le rôle de ” formateurs de formateurs ” en agroécologie paysanne, avec environ 15 000 paysan(ne)s formé(e)s dans cet espace. Avec une participation de 50 % de femmes et de 40 % de jeunes, ce qui vise également à assurer la pérennité de la jeunesse dans les campagnes. De même, l’ouverture de centres de collecte et de transformation a été un succès : Compostage, bassins de pêche, rotation des cultures et participation aux forums nationaux et internationaux promus par La Via Campesina.
En guise de contribution à la Réunion, les délégué(e)s vont renouveler leur volonté d’assumer le Manifeste de Nyéléni sur l’agroécologie paysanne, qui énonce une série de principes directeurs pour l’agroécologie dans les territoires, dans l’espoir d’une adoption massive au niveau continental. “Avec des instructeurs et des cadres bien formés, nous sommes en mesure d’exercer une pression sur les décideurs politiques. En 2017, la Loi foncière a été adoptée, elle inclut les préoccupations de notre secteur “, a signalé Ramadan Sylla de la Coordination nationale des organisations paysannes (CNOP) du Mali.
Par la suite, la paysanne Silaho Alphonsine de la Concertation nationale des Producteurs agricoles du Congo Brazzaville a souligné que l’agroécologie consiste à développer progressivement les systèmes alimentaires à partir des principes directeurs et des pratiques paysannes. “L’impact de l’agriculture conventionnelle a été fortement ressenti. La santé des sols et la biodiversité ont souffert avec nous, les paysans et paysannes “, a-t-elle expliqué. “Le changement climatique ne fait qu’empirer les choses. Notre pays est grand et diversifié. La population rurale n’a pas accès à la terre. Seulement 20% des terres arables sont utilisées pour l’agriculture. C’est pourquoi notre espoir est de consolider nos pratiques, nos connaissances et nos échanges en tant que continent pour atteindre la Souveraineté Alimentaire “, a-t-elle conclu.
Réforme Agraire pour une agroécologie paysanne
La rencontre de trois jours des Ecoles africaines d’agroécologie de La Via Campesina en 2019 s’est terminée par une visite sur le terrain à Mashonaland, dans la communauté de Juru, où les délégué(e)s ont échangé des pratiques agroécologiques avec des paysan(ne)s du ZIMSOFF.
Le ZIMSOFF a été fondé en 2002 et compte aujourd’hui environ 30.000 paysans et paysannes. Il est né pour donner suite à l’urgence de récupérer les connaissances agricoles de leurs ancêtres, en effet, pendant plusieurs années, ils ont vécu les effets négatifs de l’utilisation intensive des agrotoxiques, qui s’avéra non seulement plus cher, mais a aussi affecté la santé de la terre et de ceux qui la travaillaient. Dans les années 1980, la réforme agraire a été menée au Zimbabwe et des milliers de paysan(ne)s ont reçu des parcelles de terre, ce qui leur a permis de revenir aux pratiques ancestrales qu’ils appellent aujourd’hui l’agroécologie paysanne, cela leur a non seulement permis d’avoir une meilleure qualité de vie mais aussi d’avoir accès à une alimentation saine et de combattre les effets graves du changement climatique qui affecte le continent africain et les autres régions du monde.
Juste après cette activité, ZIMSOFF va également accueillir la Conférence de mi-mandat de La Via Campesina qui sera précédée par l’Assemblée des jeunes, la Rencontre des hommes et l’Assemblée des femmes, environ 150 délégué(e)s du monde entier se réuniront du 27 août au 2 septembre, près de la capitale du Zimbabwe, dans le but d’évaluer leurs plans et de célébrer leurs conquêtes en tant que mouvement paysan.