#17Avril en Italie : les paysan·ne·s et les travailleur·se·s agricoles continuent de résister
Article d’opinion sur les revendications des agriculteurs italiens dans le cadre de la journée internationale des luttes paysannes et du Covid-19. Écrit par Antonio Onorati, membre d’Associazione rurale Italiana.
Sans entrer dans le détail des dispositions du décret-loi Cura Italia, pour les mesures de soutien social, les mesures visant à garantir la liquidité des entreprises agricoles, les mesures de promotion du secteur agroalimentaire à l’étranger, ainsi que l’augmentation du Fonds de distribution alimentaire, les ressources les plus abondantes finiront par soutenir l’agriculture industrielle, en particulier celle qui opère dans la chaîne de valeur mondiale dominée par la financiarisation de l’économie agricole, c’est-à-dire un très petit nombre d’entreprises. Ce sont des entreprises qui exercent un pouvoir de marché massif en influençant les prix de production payés aux exploitations agricoles. Ces entreprises ont une forte capacité à influencer les organisations professionnelles agricoles et les forces du gouvernement (et de l’opposition).
Ari (Association rurale italienne), et de nombreuses autres organisations de petits producteurs ou de citoyenneté active (economia solidale, Gas, volontariato, etc.) avaient depuis le début de la crise soulevé des demandes, des inquiétudes, des propositions et des solutions centrées sur l’importance stratégique de la production alimentaire locale et décentralisée. Ces organisations ont souligné à plusieurs reprises la faiblesse structurelle de l’agro-industrie et des chaînes d’approvisionnement fortement verticalisées (lait et viande par exemple). La fonction d’approvisionnement alimentaire – via la grande distribution – du marché intérieur a été complètement déléguée à ces chaînes, ce qui a eu pour effet d’exposer les consommateurs, et en particulier les groupes les plus pauvres, au chantage de la hausse des prix ou de la baisse de qualité des produits alimentaires.
Ce n’est pas la première fois que nous devons résister. Notre maison, ce sont les champs, les écuries, les serres, les pâturages qui nous appartiennent ou que nous travaillons pour d’autres, peut-être en vivant dans des ghettos à l’intérieur de cabanes en tôle et armés d’espoir.
C’est notre façon de rester à la maison, de travailler pour remplir l’assiette de chacun, de rejeter la charité de ceux qui veulent nous aider éternellement, forts de la solidarité dont nous sommes témoins le 17 avril dans toutes les parties du monde. Tout ira bien si les politiques publiques, en démocratisant la représentation agricole, sont capables de considérer l’agriculture paysanne comme une ressource et non comme un fardeau à coloniser, de considérer l’agroécologie comme le modèle le plus approprié pour fournir une alimentation de qualité à tous, même à ceux qui vivent dans la pauvreté, de considérer les travailleur·se·s des champs comme un des piliers de la société et non comme des poulets à entasser par milliers sans protection dans l’aéroport de Cluj (Roumanie) ou dans les bateaux en Méditerranée.
En ce 17 avril, un souvenir fraternel revient à Giovanni Biondo – Nounou pour ses amis – qui a été écrasé par une grosse branche alors qu’il élaguait un arbre le 7 janvier à Custanaci. Il rêvait d’être jardinier et peut-être de planter un verger. Il est mort pour gagner 10 euros.
Association rurale italienne, membre de la coordination européenne Via Campesina
Article paru sur le site italien Ilmanifesto