2024 | Bulletin d’info d’octobre : L’actu des organisations membres de LVC dans le monde entier
Bagnolet, 7 novembre 2024 | Le 16 octobre, à l’occasion de la Journée internationale d’action pour la souveraineté alimentaire des peuples et contre les multinationales, La Via Campesina a mobilisé ses organisations régionales et locales, ses alliés, ses mouvements sociaux et ses collectifs pour défendre la vie, une alimentation saine et souveraine pour les peuples, ainsi que les droits de millions de paysan·nes.
Selon le rapport SOFI 2024 ( L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde), le monde est encore loin d’atteindre l’objectif de Faim Zéro d’ici 2030, alors que la faim mondiale persiste après la pandémie de COVID-19, avec environ 2,33 milliards de personnes en situation d’insécurité alimentaire et incapables de se permettre une alimentation saine. Cette situation survient à un moment où la biodiversité, un élément clé de la production alimentaire et de la vie, est confrontée à une crise sans précédent en raison de la destruction et de la fragmentation des habitats, de la pollution et de la surexploitation des communs et de nos océans à travers les modèles extractivistes et le système agroalimentaire industriel des entreprises transnationales. La crise climatique, elle aussi, s’aggrave.
Ainsi, La Via Campesina a renforcé sa présence dans différents espaces de gouvernance institutionnelle (tels que la Décennie des Nations Unies pour l’Agriculture Familiale, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale – Mécanisme de la société civile et des peuples autochtones, la COP16, etc.), en réclamant une transition agroécologique qui protège les systèmes alimentaires locaux et un nouveau cadre commercial basé sur les principes de la souveraineté alimentaire. Pour que cela se concrétise, des politiques publiques priorisant les modèles de production paysanne, ainsi que les économies sociales et solidaires, sont urgemment nécessaires.
Dans le cadre des actions d’octobre pour la souveraineté alimentaire des peuples et contre les entreprises transnationales, La Via Campesina a publié sa position sur la COP16 sur la biodiversité, qui s’est tenue à Cali, en Colombie, appelant au renforcement et à la reconnaissance de la lutte pour la souveraineté alimentaire et pour une agriculture paysanne agroécologique, en tant que véritables solutions aux crises de la biodiversité et du climat.
À Rome, du 14 au 18 octobre, lors du Forum mondial sur l’agriculture familiale intitulé « À mi-parcours de la Décennie des Nations Unies pour l’agriculture familiale (2019-2028) » – organisé par la Décennie des Nations Unies pour l’agriculture familiale pour réfléchir aux cinq premières années de la Décennie et élaborer des stratégies pour les années restantes, La Via Campesina a appelé à des politiques publiques qui ne nuisent pas à l’agriculture familiale mais favorisent la souveraineté alimentaire. Le mouvement paysan a souligné sa conviction qu’une transformation systémique garantissant nos droits ainsi que la justice environnementale et sociale est urgemment nécessaire.
Le forum de mi-parcours de la Décennie des Nations Unies pour l’agriculture familiale a été suivi de la 52e session plénière du Comité de la sécurité alimentaire mondiale des Nations Unies (CSA), à laquelle La Via Campesina a participé à travers le Mécanisme de la société civile et des peuples autochtones (MSCPA). En plus d’appeler à une transformation systémique, La Via Campesina a fermement condamné l’utilisation continue de la famine comme arme génocidaire par les forces d’occupation israéliennes contre les Palestiniens à Gaza et a appelé à un cessez-le-feu immédiat.
La Via Campesina a salué l’approbation par le CSA de l’initiative du gouvernement colombien d’organiser la deuxième Conférence internationale sur la réforme agraire et le développement rural (CIRADR+20). Le mouvement paysan estime que cette initiative contribuera à éradiquer la faim et à favoriser la paix mondiale à travers la souveraineté alimentaire.
Le 16 octobre, le Mouvement pour la souveraineté alimentaire, Nyéléni, a lancé le processus du 3e Forum Global Nyéléni 2025, en insistant sur l’urgence d’une transformation systémique. Le monde est confronté à des crises profondes et interconnectées nécessitant des changements radicaux pour rendre le pouvoir aux peuples.
Nous partageons ci-dessous une brève mise à jour informative des principales actions et activités menées ce mois-ci par nos organisations membres en Asie, en Afrique, en Europe et dans les Amériques.
En Asie du Sud, le Karnataka Rajya Raitha Sangha (KRRS) a organisé le troisième module de son Camp des jeunes du 17 au 20 octobre à l’école agroécologique paysanne Amritabhoomi, située au Karnataka, en Inde. Ce camp fait partie d’une série visant à former les jeunes paysans aux compétences en leadership et à l’organisation des mouvements sociaux. L’événement a compris des ateliers, des discussions, des pièces de théâtre et d’autres activités visant à former les participants sur ces thématiques, ainsi que sur l’histoire des luttes paysannes en Inde pour promouvoir la souveraineté des semences, la souveraineté alimentaire et la justice sociale.
Au Bangladesh, les membres de la BAFLF ont intensifié leurs efforts pour régulariser les travailleur·euses agricoles employé·es dans les universités agricoles publiques. Tout au long du mois d’octobre, dans des régions telles que Rangpur, Jhinaidah, Panchagarh, Jessore, Faridpur et Pabna, des travailleur·euse·s ont affiché des avis dans les foyers des villages, énumérant les 13 revendications du syndicat dans le cadre d’une campagne pour le droit du travail. Ces revendications incluent l’amélioration des salaires, de meilleures conditions de travail et des prestations de sécurité sociale pour les travailleur·euses des fermes publiques à travers le pays. Le syndicat a également mis en lumière la corruption au sein de la bureaucratie, qui a entravé la mise en œuvre d’une politique de régularisation adoptée dès 2017.
En Asie du Sud-Est et de l’Est, MOKATIL au Timor-Leste a organisé l’Assemblée de l’Articulation des Jeunes pour les membres de la région. Des représentant·es des jeunes des Philippines, de Thaïlande, de Corée du Sud, d’Indonésie, du Japon, du Cambodge, de Malaisie et d’Australie ont participé à l’atelier de trois jours qui s’est tenu du 22 au 25 octobre. En plus des sessions théoriques, les participant·es ont suivi des cours pratiques dans les unités de production gérées par MOKATIL et ont visité le Centre de Production Agricole Proclamé de la République Démocratique du Timor-Leste, dirigé par le Dr Francisco Xavier do Amaral, dans la municipalité d’Aileu.
En Corée du Sud, la Ligue des Paysans Coréens a annoncé un ensemble de quatre revendications pour l’audit gouvernemental afin de répondre aux difficultés auxquelles les paysan·nes sont confronté·es, notamment la chute des prix du riz et les conditions climatiques anormales. Les quatre revendications, publiées dans un communiqué de presse le 7 octobre, incluent : (1) la fin des politiques de tarification à court terme qui reposent sur les importations, telles que les quotas tarifaires (TRQ) ; (2) un renforcement de la responsabilité nationale et des mesures fondamentales pour lutter contre l’ère des catastrophes climatiques ; (3) la renégociation des importations de riz sous TRQ et l’assurance d’une tarification équitable pour le riz ; et (4) l’arrêt des politiques économiques visant à faire de la Corée le “leader mondial des accords de libre-échange” (ALE).
En Afrique du Sud et de l’Est, l’ESAFF Ouganda a organisé le 16 octobre une exposition pour promouvoir la nécessité de l’enregistrement des variétés de semences des paysannes. L’événement a été marqué par la présence du Ministre de l’Agriculture, de l’Industrie animale et des Pêches, qui a souligné la nécessité d’améliorer la sécurité alimentaire et la consommation d’aliments organiques nutritifs si le pays veut résoudre le problème de la malnutrition, en particulier chez les enfants. L’ESAFF Ouganda a également organisé une émission de radio pour permettre aux dirigeantes paysannes de partager les questions abordées lors de la Conférence des femmes en agriculture qui s’est tenue précédemment, et pour promouvoir la souveraineté alimentaire afin de contrer la prise de contrôle du système alimentaire ougandais par les entreprises transnationales.
En Tanzanie, MVIWATA a organisé un événement le 21 octobre auquel ont participé plus de 600 étudiant·es faisant partie de ses clubs scolaires sur l’environnement et l’agroécologie, pour commémorer la Journée mondiale de la souveraineté alimentaire dans la région de Njombe. L’événement a mis l’accent sur des discussions sur l’état de l’agroécologie et de la souveraineté alimentaire en Afrique, un échange d’apprentissages entre les étudiant·e·s sur diverses activités des clubs scolaires, notamment l’établissement de pépinières d’arbres, les jardins agroécologiques de légumes, les initiatives d’agroforesterie ainsi que les programmes de repas scolaires. Les clubs scolaires sont des espaces où les étudiant·e·s peuvent en apprendre davantage sur l’agroécologie paysanne.
Au Kenya, la Ligue des Paysans du Kenya (KPL) a organisé et mené une éducation civique et populaire sur les politiques climatiques dans quatre quartiers (Karura, Kirisura, Masaba et Mountain View). L’éducation civique s’est concentrée sur la sensibilisation de ses membres aux changements proposés par la KPL concernant les lois locales sur le changement climatique dans les comtés de Nairobi, Migori et Kakamega. Ils ont également appelé à l’inclusion des dispositions de l’UNDROP (Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres travailleurs ruraux) et de la justice climatique dans ces lois. Le KPL a également commencé à mobiliser ses membres pour qu’ils restent vigilants dans la défense de leur souveraineté alimentaire, avant l’arrêt de la Haute Cour du 31 octobre sur l’interdiction des OGM.
En Europe, le 12 octobre, la Confédération Paysanne de l’Ariège a rassemblé 300 personnes lors de leur fête paysanne, mettant l’accent sur l’agrivoltaïsme à la ferme des Croquants, qui risque de voir un projet agrivoltaïque de 40 hectares s’implanter sur ses terres fertiles. Les paysan·nes ont rendu hommage à Bernard Lambert, qui a lutté contre la mécanisation et la perte des paysan·nes, plaidant pour une alliance entre travailleur·euses et paysan·nes. Aujourd’hui, cet esprit perdure : “Nous sommes ici pour produire de la nourriture, pas de l’électricité sous le contrôle des entreprises énergétiques,” ont-ils·elles déclaré, réaffirmant leur opposition aux projets qui menacent la souveraineté alimentaire et la dignité des paysan·nes. La soirée s’est poursuivie par un festin paysan et un concert festif.
Uniterre continue de s’opposer fermement à l’extension des autoroutes en Suisse, en particulier entre Genève et Nyon, ainsi que sur le tronçon Wankdorf-Schönbühl. Ces projets entraîneraient la perte de terres agricoles et de forêts précieuses, menaçant ainsi la souveraineté alimentaire. Avec la perte de terres cultivables et de forêts, l’autosuffisance alimentaire de la Suisse diminuerait, tandis que les importations et la dépendance extérieure augmenteraient. Ce processus d’urbanisation en cours compromet également la biodiversité, essentielle à l’agriculture et à la gestion des communs, tout en exacerbant les effets du changement climatique.
En Amérique du Sud, Fenmucarinap au Pérou a organisé le Forum National sur les Politiques Publiques concernant les Semences Autochtones. Les délégations des diverses organisations ont exigé que la conservation des semences autochtones soit garantie afin d’assurer la souveraineté alimentaire. Des questions telles que l’importance des semences autochtones, les zones d’agrobiodiversité, le droit aux semences et le changement climatique ont été abordées.
La Fédération Nationale des Paysans du Paraguay (FNC) a répudié et condamné les accusations et outrages proférés par le ministre de l’Agriculture, Carlos Giménez, contre les producteurs alimentaires qui dénoncent l’abandon de l’État et le manque de politique pour protéger le marché national. Ce responsable se consacre à menacer les producteur·rices, les journalistes et les organisations qui le remettent en question, tout en dénonçant le clientélisme et la corruption comme une pratique quotidienne au sein du MAG et de la majorité des institutions publiques.
Au Honduras, comme dans de nombreux autres pays, l’influence croissante des entreprises transnationales dans le secteur agricole a eu un impact profond et préoccupant sur la souveraineté alimentaire. En monopolisant le marché et en priorisant leurs intérêts économiques, ces entreprises ont expulsé les petit·es producteur·trices, détérioré leurs opportunités de commercialisation et aggravé l’insécurité alimentaire des communautés. Dans ce sens, la souveraineté alimentaire est fondamentale car elle garantit le droit des peuples à définir leurs propres politiques agricoles et alimentaires, en privilégiant une production locale et durable plutôt que la dépendance aux entreprises transnationales.
Le Guatemala lutte depuis des années pour consolider les droits des peuples autochtones et des paysan·ne·s, à travers des batailles et des mobilisations, mais ce n’est que sous le gouvernement actuel d’Arévalo qu’un accord agraire a été signé. Ce fut une lutte intense, 106 jours dans les rues pour défendre la maigre démocratie qui reste, malgré la criminalisation et l’assassinat de leaders.
Dans les Caraïbes, en République Dominicaine, du 18 au 20 octobre 2024, la Confédération Nationale des Femmes Rurales (CONAMUCA) a organisé son 9e Congrès National au Centre de Formation et de Renforcement Mamá Tingó (CEFCAMATI). Cet événement important a également célébré ses 38 années de vie organisationnelle et a rassemblé plus de 300 déléguées provenant de 24 fédérations, représentant 227 communautés rurales des différentes régions et provinces du pays.
Le samedi 19 octobre 2024 en Haïti, la coordination des jeunes du MPP a organisé une assemblée générale spéciale pour le Mouvement des Jeunes de Hinche (MJH), tenue à l’école d’agroécologie de Sant Lakay. La rencontre a rassemblé 60 délégué·es des groupes du MJH et quatre animateur·rices du MPP. Cette assemblée a été un espace de réflexion profonde et un moment pour les membres du MJH de se connecter entre eux et avec leurs racines. L’objectif était clair : mobiliser la jeunesse du Mouvement à Hinche (MJH), tant dans les champs que dans la ville, unissant leurs mains, leurs esprits et leurs cœurs vers une vision stratégique qui répond aux défis politiques nationaux d’Haïti.
En Amérique du Nord, la Coalition des Fermes Familiales (NFFC) aux États-Unis a organisé le webinaire intitulé « Game Over : Mettre fin au monopole de l’agriculture industrielle ». Le NFFC, en partenariat avec Iowa CCI, a exploré la monopolisation du système alimentaire et agricole et comment mettre fin à ce jeu perverti. Ils ont révélé comment une poignée de corporations, dirigées par les « barons voleurs » d’aujourd’hui, ont réussi à prendre le contrôle de la nourriture que nous consommons. Des paysan·ne·s engagés ont partagé leurs expériences de prise en main de leur propre subsistance, en s’autonomisant et en autonomisant d’autres personnes pour défier le statu quo. Avec les élections à venir dans le pays, ils ont également exploré des efforts politiques fédéraux prometteurs qui pourraient remodeler notre système alimentaire et comment soutenir un avenir plus juste et équitable.
Dans la Région arabe et d’Afrique du Nord, l’Union des Comités de Travail Agricole (UAWC) a lancé sa campagne annuelle de soutien aux paysan·nes palestinien·nes, femmes et hommes, pendant la saison de la récolte des olives en Cisjordanie, Palestine. Face au génocide en cours à Gaza, à la destruction généralisée et aux attaques quotidiennes des colons en Cisjordanie, cette action de solidarité, qui s’est déroulée du 15 au 31 octobre, s’est concentrée sur le soutien à la récolte des olives. Cette campagne se veut un acte puissant de résistance contre les attaques incessantes et le ciblage continu de la souveraineté palestinienne.
À l’occasion du 16 octobre, la FNSA-UMT a appelé à une réforme agraire démocratique au Maroc pour garantir la souveraineté alimentaire et la justice pour les petit·es paysan·nes, libres d’accords internationaux injustes et de l’influence des entreprises. L’organisation a critiqué les politiques agricoles actuelles et exigé la protection des communs ainsi que le soutien aux communautés rurales, en particulier les femmes. De plus, elle s’est opposée à la privatisation des terres et de l’eau et a condamné l’utilisation de la faim comme arme politique, exprimant sa solidarité avec les peuples opprimés, y compris la Palestine.
Si nous avons manqué des mises à jour importantes, veuillez envoyer les liens à communications@viacampesina.org afin que nous puissions les inclure dans la prochaine édition. Nous n’incluons que les mises à jour des membres de La Via Campesina. Pour une mise à jour complète des différentes initiatives de octobre 2024, veuillez consulter notre site web. Vous pouvez également trouver les éditions précédentes de notre bulletin d’info sur notre site web. Des versions condensées de notre bulletin d’info sont disponibles en podcast sur Spotify.
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