Tandis que le Dialogue stratégique touche à sa fin, ECVC réclame davantage de mesures concrètes concernant les prix, les revenus des paysan.ne.s, le droit à la terre et le renouvellement générationnel
4 septembre 2024
Après sept mois de travail intensif, la Présidente de la Commission européenne, Ursula von Der Leyen, a présenté ce matin le rapport plénier du dialogue stratégique, auquel Geneviève Savigny a participé au nom d’ECVC.
ECVC considère que ce document synthétique et collectif présente d’importantes avancées positives dans un certain nombre de domaines-clés pour la transition agricole. Toutefois, si l’on veut réellement favoriser « une agriculture, des systèmes alimentaires et des zones rurales qui soient à la fois rentables sur le plan économique, écologiquement durables, et responsables sur le plan social », l’on doit adopter des mesures concrètes pour renforcer les recommandations et s’assurer qu’elles soient développées et appliquées par la nouvelle Commission. Cela passe en particulier par une révision de la directive de l’UE sur les pratiques commerciales déloyales (directive UTP), le renforcement des Organisation commune des marchés agricoles (OCM) au sein de la PAC, ainsi que la création d’une directive européenne sur les terres agricoles.
ECVC se félicite de l’accent mis dans ce rapport sur plusieurs domaines cruciaux, et des initiatives mentionnées, notamment :
- La nécessité d’améliorer les revenus des paysans et paysannes, et de leur garantir des prix qui couvrent leurs coûts de production se retrouve dans tout le document, de même que la possibilité d’une révision de la directive UTP. La transition des systèmes agroalimentaires ne peut se faire qu’avec les paysan.ne.s, par la reconnaissance de la diversité des systèmes agraires en Europe et la garantie de revenus décents et stables, en particulier pour les petites et moyennes fermes. Cela étant, la nécessité d’une régulation du marché qui garantirait des prix équitables et stables aurait dû être au cœur des recommandations. Or, à ce jour, le débat nécessaire sur la gestion de l’approvisionnement, les stocks publics et les prix minimum de sou-tien, est quasi inexistant. Nous exigeons par ailleurs que, dans les mois à venir, soit ajoutée à la directive UTP une obligation pour les acheteurs de produits agricoles de verser aux paysan.ne.s un prix couvrant leurs coûts de production.
- Les subventions de la CAP « destinées à celleux qui en ont le plus besoin », y compris les fermes de petite taille : ECVC veillera tout particulièrement à ce que toutes les mesures propo-sées, telles que l’évaluation comparative des efforts environnementaux réalisés, la numérisa-tion des services, la couverture des risques ou le financement, soient applicables aux petites et moyennes fermes et n’entraînent pas leur abandon en raison du coût ou de la complexité des demandes. Pour ECVC, la priorité reste toutefois le renforcement du chapitre sur les OCM de la PAC, pour que la régulation du marché garantisse des prix justes.
- Le renouvellement générationnel est au cœur de la transition agroécologique. Cela passe par la mise en œuvre d’un plan dédié, et met en lumière l’importance de créer un milieu rural accueillant, avec des services et des ressources financières permettant de réduire l’écart entre les communautés urbaines et rurales. Le rapport ne reconnaît cependant pas le fait que l’Europe a besoin de plus de paysan.ne.s et d’une stratégie pour effectivement parvenir à en avoir.
- Renforcement des systèmes publics de conseil et formation : ceux-ci, selon ECVC, devraient se concentrer sur l’agriculture biologique et l’agroécologie, étant donné la popularité de cette dernière parmi les nombreux jeunes qui recherchent un sens à leur profession.
- Propositions pour la préservation et l’accès à la terre, ainsi que la création d’un observa-toire. La terre doit être au cœur de la politique agroalimentaire et la nouvelle Commission doit entamer les négociations pour une directive européenne sur les terres agricoles.
ECVC estime néanmoins que toute une série de sujets cruciaux pour les paysan.ne.s et travailleur.euse.s agricoles, manquent à ce rapport ou y sont trop peu abordés :
- • La paysannerie veut travailler de manière solidaire, pas compétitive. La compétitivité, de même que la logique de compétition, restent au cœur des recommandations du rapport. La Commission européenne doit adopter une autre approche pour promouvoir la coopération, et la relocalisation écologique et sociale, plutôt que la compétition et de la globalisation actuelles.
- • La politique commerciale européenne est une cause des faibles revenus des paysan.ne.s. Le rapport ne reconnaît pas que les règles des ALE et de l’OMC visent uniquement à faire baisser autant que possible les prix, au détriment de la santé et du bien-être des paysan.ne.s et des ci-toyen.ne.s, ainsi que du climat et de la biodiversité. La Commission européenne doit, par con-séquent, promouvoir une réforme complète du commerce international, sur la base des prin-cipes de souveraineté alimentaire et de justice socio-environnementale.
- • L’alimentation est un droit humain, pas une marchandise. La politique agroalimentaire de l’UE doit s’ancrer dans une approche fondée sur les droits humains, en ce inclus le droit à l’alimentation et les droits repris dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des pay-sans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP).
- • L’Europe a besoin de plus de paysan.ne.s pour réaliser la transition des systèmes agroalimen-taires. Les petites et moyennes fermes jouent en effet un rôle majeur dans la résolution des crises sociales, environnementales et alimentaires que l’on connaît actuellement, et pour maintenir des zones rurales vivantes.
ECVC et ses membres restent dès lors déterminés à poursuivre leur collaboration avec la Commission européenne et les autres institutions européennes sur ces différents sujets, et pour continuer à œuvrer en faveur d’une transition durable des systèmes agroalimentaires.
Cette publication est également disponible en English.