« Rien à propos de nous ne doit être décidé sans nous »
Communiqué de presse de la Via Campesina à l’occasion du démarrage de la Consultation sur les droits paysans à Bali
(Bali, 26 septembre 2016) À la Consultation mondiale sur les droits des paysans à Bali, le mouvement paysan mondial La Via Campesina défendra les systèmes de semences paysannes et insistera sur la participation de la paysannerie aux processus décisionnels.
Une délégation composée de paysans, femmes et hommes, d’Autochtones et de jeunes de diverses régions de la planète représenteront La Via Campesina à la Consultation mondiale sur les droits des paysans (Farmers’ Rights Global Consultation) qui aura lieu du 27 au 30 septembre à Bali. Cette consultation est organisée par le gouvernement d’Indonésie avec l’appui du gouvernement de la Norvège et le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA).
Le syndicat des paysans indonésiens Serikat Petani Indonesia (SPI), un membre de La Via Campesina, est l’hôte des délégués de ce mouvement qui proviennent d’Asie, d’Afrique, d’Europe et d’Amérique latine.
Malgré ses dix années d’existence, le traité, qui réside au sein de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), n’a à ce jour pas produit grand-chose pour promouvoir les « droits des paysans, » une de ses dispositions essentielles.
À ce titre, la délégation de paysans et représentants des peuples Autochtones membres de La Via Campesina demandera que le Traité et les parties signataires (gouvernements) reconnaissent et mettent en œuvre les droits des paysans et rejettent les législations sur les droits de propriété intellectuelle (DPI) et les lois sur les brevets qui menacent la souveraineté alimentaire.
Les semences sélectionnées par les paysans dans leurs champs représentent un des piliers irremplaçable de la production alimentaire. Les paysannes et paysans des quatre coins de la planète le savent depuis des siècles. C’est un des savoirs les plus universels et fondamentaux que partagent toutes les paysannes et paysans. Sauf lorsqu’ils ont subi des agressions externes ou des circonstances extrêmes, presque toutes les communautés paysannes savent comment conserver, stocker et partager les semences. Des millions de familles et de communautés agricoles ont travaillé à créer des centaines de cultures et des milliers de variétés de ces cultures. L’échange régulier de semences entre les communautés et les peuples a permis à des cultures de s’adapter à différentes conditions, climats et topographies. C’est ce qui a permis à l’agriculture de s’étendre, de grandir et d’alimenter l’humanité avec un régime alimentaire diversifié.
Par conséquent, l’accès inconditionnel et entièrement libre des paysannes et paysans à une gamme diversifiée de semences paysannes et leur droit de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre les semences de la ferme constituent la première condition nécessaire pour alimenter la planète. À la consultation, pour défendre les systèmes de semences paysannes, la délégation de La Via Campesina se prononcera en faveur du droit de protéger le savoir-faire paysan traditionnel et moderne et de le défendre contre l’agression des lois sur les droits de propriété intellectuelle.
Ici même en Indonésie, où se déroule la consultation, des paysans dans la province de Java orientale ont été incriminés pour avoir prétendument porté atteinte aux droits d’une entreprise du nom de BISI, une filiale de Charoen Pokhpand, une société thaïlandaise. Même si BISI n’a présenté aucune preuve, les paysans ont été convoqués devant la cour, quatorze d’entre eux ont été poursuivis et ont reçu de courtes sentences de prison1. Dans la plupart des cas, ces paysans n’étaient pas accompagnés d’un avocat et ne comprenaient pas ce qu’on leur reprochait. Partout dans le monde, il y a de nombreux exemples semblables de criminalisation des paysans par l’industrie au nom des brevets et de la propriété intellectuelle. Il s’agit d’une violation flagrante des droits des paysans que La Via Campesina contestera lors de la Consultation mondiale.
La délégation soulignera également que la participation des paysannes et paysans aux processus décisionnels ne doit pas être réduite à l’inclusion de quelques organisations qui plient devant les pressions de l’industrie et acceptent les décisions prises à l’avance. De plus, la participation ne doit pas non plus être limitée aux grands propriétaires terriens, mais aussi inclure des femmes, des représentants des Peuples Autochtones, des paysans sans terres, des travailleurs et travailleuses agricoles sans terre, des pêcheurs et des pasteurs.
La Via Campesina presse le Traité et les parties signataires de considérer les lois progressistes qui ont été adoptées dans diverses régions de la planète, comme celle que le gouvernement du Venezuela2 a adopté plus tôt cette année, pour soutenir la souveraineté alimentaire nationale, réguler la production de semences hybrides et rejeter la production, la distribution et l’importation des semences transgéniques. D’autres gouvernements comme celui de l’Indonésie, du Mali, du Népal et quelques autres ont aussi déjà adopté le principe du droit à la souveraineté alimentaire et certains l’ont décliné dans des lois (comme en Indonésie par exemple)
La Via Campesina exige aussi que le « Fonds pour le partage des avantages » ne finance pas les institutions de recherche et les autres institutions qui se consacrent à recueillir les semences et le savoir-faire paysans ainsi que d’autres informations génétiques dans le but de faciliter l’application de brevets. Le Fonds devrait plutôt financer directement les organisations de petits paysans et paysannes qui sélectionnent, produisent et conservent leurs semences localement, les meilleures techniques paysannes de conservation en champ ou de longue durée (par exemple sans électricité), les chercheurs qui collaborent à ce travail collectif sous la direction de ces paysans, et les échanges nationaux et internationaux de savoir-faire paysans connexes.
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Note :
Les organisations suivantes font partie de la délégation de La Via Campesina à Bali : Zimbabwe Small Holder Organic Farmers’ Forum (ZIMSOFF, Zimbabwe), Movimento dos Pequeños Agricultores (MPA, Brésil), Movement for Land and Agriculture Reform (MONLAR, Sri Lanka), Serikat Petani Indonesia (SPI, Indonésie), Confédération Paysanne (France), Indian Coordination Committee of Farmers’ Movements (ICCFM, Inde), Assembly of Poor (Thaïlande), Coordinador Nacional Agrario-CAN (Colombie).
Pour en savoir plus sur La Via Campesina, veuillez visiter son site Web à : www.viacampesina.org
1https://www.grain.org/article/entries/5141-les-lois-semencieres-qui-criminalisent-les-paysannes-et-les-paysans-resistances-et-luttes chapitre 4 Asie : la lutte contre une nouvelle vague de semences industrielles