NOUS APPELONS À LA JUSTICE ALIMENTAIRE MAINTENANT : MANIFESTE DES PEUPLES SUR LE DROIT À UNE ALIMENTATION ET UNE NUTRITION ADÉQUATES
Plus d’une centaines de mouvement sociaux, d’organisations de la société civile et des peuples autochtones appellent à des mesures politiques décisives pour enfin réaliser le droit à une alimentation et une nutrition adéquates
- À l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation et du 20ème anniversaire des Directives volontaires de l’ONU sur le droit à l’alimentation, les mouvements sociaux, les organisations de la société civile et des peoples autochtones publient un Manifeste réclamant une action mondiale urgente en faveur du droit à une alimentation et une nutrition adéquates.
- Les signataires appellent à la paix dans le monde entier et condamnent l’utilisation de l’alimentation et de la faim comme armes de guerre.
- Le Manifeste appelle à la mise en place de plateformes démocratiques et multilatérales pour la politique alimentaire, sur le modèle du cadre inclusif du CSA, le Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale de l’ONU.
- Ils exigent une coordination cohérente entre les différentes plateformes des Nations unies pour traiter les questions cruciales de la sécurité alimentaire et du droit à l’alimentation et à la nutrition.
Rome, Italie. 10 octobre 2024. À l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation, plus d’une centaine d’organisations de la société civile et des peuples autochtones du monde entier se sont réunies pour publier le Manifeste des peuples sur le droit à une alimentation et une nutrition adéquates. Ce manifeste appelle à une action politique urgente à l’échelle mondiale pour mettre fin à l’utilisation de la faim comme arme de guerre, lutter contre l’insécurité alimentaire, combattre les inégalités et transformer les systèmes alimentaires mondiaux. Les signataires préconisent une évolution vers la souveraineté alimentaire, l’agroécologie et la protection des biens communs naturels afin de réaliser le droit à une alimentation et une nutrition adéquates, tout en renforçant la participation sociale et la redevabilité dans la prise de décision au niveau mondial.
2024 marque également le 20ème anniversaire des Directives sur le droit à l’alimentation – un document dérivé d’un consensus mondial, négocié par le CSA et approuvé par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en novembre 2004. Ce document guide les États dans l’accomplissement de leurs obligations légales au titre du droit à une alimentation et une nutrition adéquates, tel qu’énoncé dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).
Au cours des 20 dernières années, le monde a connu plusieurs réussites mais aussi de plus en plus d’obstacles à la réalisation du droit à l’alimentation. Ces directives sont devenues la pierre angulaire des luttes liées à l’alimentation, à la crise climatique, à la dette, au commerce, aux conflits, au genre et à la biodiversité. Elles ont façonné un certain nombre de politiques nationales et de réformes juridiques visant à concrétiser le droit à l’alimentation.
Au cours des deux dernières décennies, les citoyens ont été témoins de la façon dont les intérêts des grandes entreprises ont exacerbé les inégalités, aggravé la crise climatique et fait de la nourriture une marchandise et une arme. En 2023, 135 millions de personnes dans 20 pays faisaient face à des crises alimentaires provoquées par des conflits prolongés et des guerres. Ces crises trouvent leurs racines dans une combinaison de facteurs : occupation, insurrections, catastrophes, crise climatique, inégalités, injustices, pauvreté généralisée et une gouvernance défaillante.
Les signataires du Manifeste des peuples condamnent l’utilisation de la faim comme arme de guerre, comme à Gaza, au Yémen, au Soudan et dans d’autres pays où la nourriture est utilisée comme un outil de punition et de contrôle, entraînant la famine et l’insécurité alimentaire généralisées. Ils exhortent les Etats à s’engager à nouveau dans le cadre des droits humains et à remplir leurs obligations également dans les contextes de crises prolongées.
Selon les membres de la Marche mondiale des femmes, au Liban, de la Plateforme pour l’agriculture urbaine et périurbaine de Gaza (GUPAP) et de l’Union des comités de travail agricole (UAWC) en Palestine, le déplacement forcé des communautés en général, qui constitue une menace pour leur accès à l’alimentation, ainsi que le blocage de l’acheminement de l’aide et de la nourriture à Gaza, sont utilisés délibérément comme outils de famine.
Dans les zones de guerre, d’occupation et de crises prolongées, ce sont les communautés civiles qui souffrent le plus. Dans le cas d’une occupation, il incombe à l’occupant de veiller à ce que les communautés privées de leurs droits qu’il a pu occuper aient accès aux droits fondamentaux, l’accès à la nourriture étant l’un d’entre eux.
“Nous estimons qu’il est essentiel d’épargner la vie des civils en Palestine et au Liban, ainsi que leurs maisons, leurs terres et leurs moyens de subsistance. Brûler les terres agricoles et les forêts, déplacer les communautés rurales, empêcher les paysans d’accéder à leurs terres et les pêcheurs d’aller en mer ne peut qu’entraîner la détérioration des moyens de subsistance et de la souveraineté alimentaire des communautés – Jana Nakhal, Marche mondiale des femmes
Le Manifeste exige la fin de l’agriculture agro-industrielle et de la mainmise des grandes entreprises sur les systèmes alimentaires, qui exacerbent les inégalités et la détruisent l’environnement. Il appelle à la réforme agraire, à la redistribution des terres, au soutien de l’agroécologie, au contrôle, à l’accès et à la préservation des terres, des semences, de l’eau, de la biodiversité et d’autres biens communs naturels.
L’accaparement des ressources et la concentration croissante des terres et des richesses sont à la fois causes et manifestations des crises alimentaires, économiques, écologiques, sanitaires, sociales et politiques, de manière interdépendante. Ces crises appellent à une transformation profonde de nos sociétés et de nos économies. Les signataires soulignent que les terres et territoires des peuples autochtones et des petits producteurs alimentaires sont cruciaux pour garantir le droit à l’alimentation. Ils appellent également les États à soutenir la deuxième Conférence internationale sur la réforme agraire et le développement rural (CIRADR+20) en 2026, qui mettrait les droits fonciers et la protection des territoires autochtones au cœur des débats, aidant ainsi à trouver de véritables solutions, comme récemment proposé par le gouvernement colombien.
Le Manifeste pour le droit à l’alimentation plaide pour une transformation radicale des systèmes alimentaires à travers cinq demandes spécifiques. Il s’agit notamment d’une transition des systèmes alimentaires vers l’agroécologie et la résilience à la crise climatique, la priorisation des marchés territoriaux, la justice entre les genres, la redistribution des terres et la paix. Le Manifeste souligne le rôle clé des voix de la base, des peuples autochtones et des mouvements sociaux dans la prise de décision sur l’alimentation et la nutrition, tout en appelant à des cadres de responsabilité plus solides pour empêcher l’influence des grandes entreprises, favoriser la prise de décision démocratique et garantir une gouvernance alimentaire mondiale fondée sur les droits humains.
Le CSA, qui commémore cette année son 50e anniversaire , a été réformé en 2007-2008. Le Manifeste souligne que les Directives sur le droit à l’alimentation ont joué un rôle déterminant dans cette réforme, promulguée au cours de l’une des plus importantes crises mondiales des prix des denrées alimentaires, qui a conduit à la création du Mécanisme de la société civile et des peuples autochtones (MSCPA). Les signataires affirment qu’à ce jour, le CSA reste le seul espace multilatéral qui garantisse aux personnes les plus touchées par l’insécurité alimentaire le droit de participer de manière autonome à ses processus politiques. Par conséquent, les signataires appellent à la création de structures participatives pour les groupes concernés au sein de toutes les agences des Nations unies, sur le modèle de l’approche inclusive du CSA.
ls exhortent également les Nations unies, en particulier les agences basées à Rome que sont la FAO, le FIDA et le PAM, à contribuer à la cohérence des politiques et à s’abstenir de fragmenter la gouvernance alimentaire mondiale en promouvant des plateformes telles que le Forum mondial de l’alimentation ou le controversé Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires (UNFSS), qui ne respectent pas les conditions de participation démocratique et sont fortement influencés par des intérêts du secteur agro-industriel. Ils appellent au contraire à renforcer le pouvoir de convocation du CSA afin que celui-ci reste la plateforme centrale pour s’attaquer aux causes structurelles et aux multiples dimensions des crises alimentaires mondiales.
Ces mesures, affirme le Manifeste, pourraient ouvrir la voie à une gouvernance alimentaire cohérente, fondée sur les droits, qui soutienne la souveraineté alimentaire, la justice climatique et le bien-être de tous et toutes.
“Assurer la participation sociale des jeunes et des peuples autochtones à la prise de décision sur les questions alimentaires, c’est comme préparer la terre pour une nouvelle plantation, avec des semences biologiques, un climat favorable et un sol fertile. Une bonne récolte est assurée. En célébrant les 20 ans de la RtFG, nous devons garantir la participation pleine, continue et efficace des enfants, des jeunes et des peuples autochtones à sa mise en œuvre, ainsi qu’à l’élaboration et à l’accès aux politiques alimentaires publiques, en garantissant une réforme agraire équitable avec des territoires sains qui respectent les spécificités et les diversités culturelles des peuples. – Taily Terena, Conseil international des traités indiens
Le Manifeste rassemble les voix et les demandes des petits producteurs alimentaires, des agriculteurs familiaux, des paysans, des peuples autochtones, des travailleurs agricoles et alimentaires, des femmes, des personnes issues de la diversité des genres, des jeunes, des personnes âgées, des consommateurs, des personnes souffrant d’insécurité alimentaire en milieu urbain, des défenseurs de la santé et des droits humains des civils touchés par les conflits armés et l’occupation, et des organisations non gouvernementales (ONG) du monde entier.
Notes de page :
1. HLPE-FSN (2024). Document de réflexion sur les crises alimentaires aiguës induites par les conflits : réponses politiques potentielles à la lumière des urgences actuelles. Disponible à l’adresse suivante https://www.fao.org/docs/devhlpelibraries/default-document-library/hlpe-fsn-issues-papers_conflicts-and-fsn.pdf?sfvrsn=823378b6_4
2. Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation (2024). La famine et le droit à l’alimentation, avec un accent sur la souveraineté alimentaire du peuple palestinien. https://documents.un.org/doc/undoc/gen/n24/212/30/pdf/n2421230.pdf
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