Maroc : Appel de la FNSA-UMT pour une réforme agraire démocratique et populaire en faveur de la souveraineté alimentaire et de la justice pour les agriculteur·rices
À l’occasion de la Journée internationale de lutte pour la souveraineté alimentaire, la Fédération Nationale du Secteur Agricole (FNSA-UMT) appelle à l’adoption d’une réforme agraire populaire et démocratique qui rende justice aux petit·es agriculteur·rices, garantisse la souveraineté alimentaire de notre peuple et libère l’agriculture marocaine de l’emprise des accords internationaux injustes et de la domination des multinationales.
L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture commémore la journée mondiale de l’alimentation, correspondant au 16 octobre 2024, sous le thème “le droit à l’alimentation pour une vie et un avenir meilleur” aux côtés de divers mouvements sociaux en lutte, dont le mouvement La Via-Campesina , qui commémore à son tour la Journée internationale d’action pour la souveraineté alimentaire des peuples et contre les multinationales sous le thème: “Pour la biodiversité et la souveraineté alimentaire. Mettons fin à l’impunité des multinationales et leur emprise sur nos territoires ! ” pour attirer l’attention de la communauté internationale sur le fait que les ressources en eau de la planète sont de plus en plus sollicitées, alors que la disponibilité de ces ressources par habitant a considérablement diminué au cours des dernières décennies. Étant donné que l’eau constitue la base de notre alimentation, la poursuite de l’épuisement de ces ressources entraînera une augmentation de la faim et de la pauvreté à l’échelle mondiale, privant ainsi des millions de personnes de leur droit à l’eau et à la nourriture.
À cette occasion (le 16 octobre), qui coïncide avec la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté (le 17 octobre), qui ne peut être réalisée sans éliminer ses véritables causes, politiques, économiques et autres ; la FNSA-UMT,
Après avoir rappelé l’épuisement de l’eau par les grands propriétaires fonciers et son utilisation excessive pendant les années successives de sécheresse ; Après avoir examiné la dégradation des conditions de vie de la majorité de la population marocaine, paysanne en tête, et après avoir souligné l’incapacité de la politique agricole, depuis le lancement du Plan Maroc Vert, à assurer l’autosuffisance en denrées alimentaires de base pour le peuple marocain, ainsi que la persistance de cette politique, actuellement incarnée par le programme (Génération Green), à approfondir l’orientation de notre agriculture vers l’exportation et la dépendance des moyens de subsistance du peuple marocain aux fluctuations des marchés mondiaux, au contenu injuste des accords internationaux et à la faible et irrégulière pluviométrie,
Exprime ce qui suit :
- Constate que le secteur de l’agriculture, de la pêche, des eaux et forêts traverse une crise profonde en raison de l’absence d’une politique agricole qui assure l’approvisionnement en nourriture, garantit la souveraineté alimentaire de notre peuple, préserve les ressources naturelles (sols, eaux, forêts, semences locales, races pures, environnement…), fait face aux changements climatiques et améliore les conditions sociales des agriculteur·rices, des ouvrier·ères agricoles et des habitant·es des zones rurales, femmes et hommes.
- Considère que le dépassement de la crise structurelle des secteurs de l’agriculture, de la pêche, de l’eau et des forêts exige une politique alternative globale de développement agricole et rural, plaçant les personnes rurales au centre du développement, tout en leur garantissant la jouissance de l’ensemble des droits humains universellement reconnus, et en levant la tutelle et l’hégémonie sur leurs organisations syndicales, professionnelles et populaires.
- Souligne que la politique hydro-agricole et foncière adoptée a principalement servi les grands propriétaires fonciers et les seigneurs féodaux, et a créé les conditions propices à la domination d’un courant capitaliste soumis et subordonné dans la mise en œuvre des politiques agricoles de notre pays, conduisant essentiellement à l’utilisation des ressources naturelles agricoles, des investissements, des prêts et des subventions publiques pour soutenir la production agricole d’exportation au service des marchés étrangers.
- Met à nouveau en garde contre l’orientation de la politique officielle de l’eau (notamment le dessalement de l’eau de mer, l’extension des canaux reliant certains bassins hydrographiques et la construction de barrages collinaires), mise en œuvre avec d’énormes fonds publics, servant principalement les grands propriétaires et les grandes entreprises, tout en privant l’agriculture familiale et de subsistance des bénéfices de ces importants investissements.
- Considère que la politique agricole suivie, en lien avec les accords de libre-échange injustes, conduira inévitablement à un désastre dans le pays, en particulier dans les zones rurales, et que la véritable alternative pour la prospérité des espaces ruraux, le bien-être de ses habitant·es, et pour sortir de la dépendance alimentaire, consiste à mener une réforme agraire globale et démocratique, donnant la terre à celles et ceux qui la travaillent, tout en réaffirmant le rôle de l’État dans l’encadrement et la qualification.
- Témoigne de l’échec lamentable des « cultures alternatives » qui remplacent les céréales (bases et piliers de la sécurité alimentaire dans notre pays) par d’autres cultures introduites sans prendre en compte les évolutions récentes sur l’importance croissante des cultures céréalières à l’échelle mondiale.
- Confirme que la politique de transfert des terres domaniales, des propriétés forestières et des terres collectives aux grands propriétaires, spéculateurs immobiliers et entreprises étrangères, ainsi que la privatisation de l’eau d’irrigation, a montré ses limites et ses effets néfastes en aggravant la crise du secteur, ainsi que les répercussions environnementales et les crises sociales touchant les travailleurs et travailleuses agricoles, les petit·es agriculteur·rices, les villageois·es pauvres, et l’ensemble des citoyen·nes.
- Exige la fin du scandale de l’exonération fiscale des grands agriculteurs, des propriétaires fonciers et des investisseurs étrangers ; dénonce l’orientation des subventions étatiques exclusivement vers ce groupe, et réclame justice pour les petit·es agriculteur·rices en renforçant les aides qui leur sont destinées, ainsi que la mise en œuvre d’une politique de prêts adaptée à leurs besoins. Il est inacceptable qu’un investisseur agricole, dont le bénéfice net peut atteindre 40 000 dirhams par mois, soit exonéré d’impôts, alors qu’un technicien travaillant dans sa ferme paie environ 500 dirhams d’impôt sur le revenu.
- Appelle au développement des marchés hebdomadaires en tant que zones commerciales et espaces culturels importants pour les petit·es agriculteur·rices et les villageois·es, et à la régulation des réseaux de distribution intérieurs pour les libérer de la corruption, limiter le monopole et la spéculation sur les produits agricoles, et éviter les manipulations des prix qui pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat des citoyen·nes.
- Salue hautement la femme rurale à l’occasion de sa fête internationale, la « Journée internationale de la femme rurale », célébrée chaque année le 15 octobre, et appelle l’État marocain à mettre fin aux injustices et à la marginalisation subies par les femmes rurales dans notre pays.
- Appelle l’État à adopter une politique alimentaire qui combine la production agricole et la pêche maritime pour assurer l’approvisionnement alimentaire et garantir aux citoyen·nes un pouvoir d’achat suffisant pour accéder à une alimentation de qualité, à travers une augmentation générale des salaires et des retraites, tout en assurant la sécurité sanitaire des aliments.
- Enfin, à cette occasion, la FNSA-UMT souligne que le monde entier doit s’opposer au génocide sioniste contre le peuple palestinien, à l’agression contre le peuple libanais, et dissuader l’entité sioniste, raciste, qui utilise la faim comme arme meurtrière contre les deux peuples, en particulier les habitant·es du nord de Gaza, et comme outil pour perpétuer son hégémonie dans la région, tout en continuant de servir le système capitaliste impérialiste qui contrôle les potentialités de production agricole et les réseaux de commercialisation à travers le monde, et qui est responsable de l’expansion de la pauvreté et de la faim parmi les peuples du monde.