Le Secrétariat opérationnel international (SOI) de La Via Campesina sera hébergé par ZIMSOFF au Zimbabwe
(Jakarta, 12 Juin 2013) Suite à la décision de la 5e Conférence de La Via Campesina à Maputo en 2008, de transférer, en 2013, le Secrétariat opérationnel international (SOI) en Afrique, un processus a été lancé pour identifier un pays approprié, pouvant accueillir le SOI.
Après des consultations dans les deux régions d’Afrique, les pays africains membres de La Via Campesina ont fait une proposition commune de faire héberger le SOI au Zimbabwe, par le Forum des petits paysans agroécologiques (ZIMSOFF).
Cette proposition a été reçue, examinée et acceptée par le Comité de coordination international. La proposition a également été reçue et confirmée ici, à la 6è Conférence internationale de La Via Campesina à Djakarta.
Le transfert officiel aura lieu à la fin de 2013. Au cours des six prochains mois, les moyens nécessaires seront mis en oeuvre sous la direction de ZIMSOFF afin d’assurer une transition sans heurt.
ZIMSOFF est une organisation nationale de petits paysans au Zimbabwe, dont l’objectif est d’améliorer les moyens de subsistance des petits paysans, de leur donner les moyens de défendre leurs droits et de promouvoir l’agro écologie ainsi que l’agriculture paysanne. 19 000 familles sont membres de ZIMSOFF, organisées en 4 régions principales.
Le CCI s’est rendu à plusieurs reprises au Zimbabwe afin de rencontrer les organisations locales et mieux comprendre les réalités sur le terrain des familles paysannes et des petits paysans. Sur la base de ces visites et des études et rapports disponibles, La Via Campesina a conclu que des changements positifs importants sont en train de se produire au Zimbabwe dans le cadre du processus de réforme agraire.
Dans les années qui ont suivi l’indépendance en 1980, plusieurs mesures de réforme agraire, y compris un changement constitutionnel, n’avaient pas réussi à briser l’emprise sur le foncier d’une minorité de grands fermiers, majoritairement blancs.
En outre, les programmes d’ajustement structurel et la libéralisation des échanges ont eu des effets dévastateurs sur l’agriculture et la paysannerie: les réserves alimentaires ont été supprimées, les prix sont devenus instables et le marché intérieur s’est effondré sous l’effet du dumping de produits agricoles étrangers importés en masse.
En 2000, dans un contexte de conditions économiques désastreuses et frustrés par le manque d’avancées du gouvernement sur la réforme agraire, les paysans ont eux-mêmes initié des occupations de terres, dans une tentative désespérée pour parvenir à l’un des principaux piliers de leur lutte de libération: la redistribution des terres.
Depuis cette date, 175 000 familles se sont vues allouer des terres et environ 700 000 nouveaux emplois ont été créés pour les travailleurs agricoles. La production de cultures vivrières a augmenté de manière significative de par le fait que la terre est utilisée d’une manière beaucoup plus intensive par rapport au modèle agricole qui avait été hérité de l’époque du colonialisme britannique.
Néanmoins, les défis auxquels sont confrontés les paysans – non seulement au Zimbabwe, mais dans toute l’Afrique – sont énormes. La Via Campesina a une vision claire des politiques que les gouvernements doivent mettre en œuvre pour parvenir à la souveraineté alimentaire et à soutenir les moyens de subsistance de nos membres et de tous les paysans producteurs d’aliments ainsi que leurs communautés.
Il s’agit entre autres :
- d’intégrer la production paysanne, familiale, à petite échelle et agroécologique dans les grandes politiques agricoles des gouvernements et institutions internationales
- créer et soutenir des structures dans lesquelles les paysans peuvent échanger leurs savoirs et former d’autres agriculteurs
- permettre aux paysans de produire, sélectionner et préserver leurs propres semences. Sur cette question, il faudrait renforcer et soutenir activement les formations de paysan à paysan.
- empêcher les multinationales semencières d’accaparer le secteur des semences paysannes.
ZIMSOFF et d’autres organisations paysannes africaines travaillent depuis un certain temps pour faire avancer ces politiques au niveau national, mais la tâche est immense.
Outre les contextes politiques et économiques difficiles qui forment la réalité quotidienne de nombreux de nos membres, l’Afrique est la cible d’une vague massive d’accaparements de terres. Simultanément, les impacts du changement climatique seront particulièrement sévères dans de nombreuses régions du continent.
La Via Campesina s’est engagée à défendre et à soutenir nos organisations membres à travers l’Afrique, ainsi que tous les paysans, paysannes et organisations de la petite paysannerie ou encore les autres organisations qui luttent pour les droits des paysans petits producteurs et pour la souveraineté alimentaire.
La décision de transférer le SOI au Zimbabwe est un signe de notre engagement collectif envers les luttes de nos frères et sœurs en Afrique. C’est aussi une grande opportunité pour renforcer et élargir nos réseaux de solidarité et de lutte.
Depuis les débuts de la Via Campesina en 1993, le SOI a été basé dans trois régions: en Europe (Pays Basque et Bruxelles) de 1993 à 1996, en Amérique centrale (Tegucigalpa, Honduras) de 1997 à 2004 et en Asie du Sud-Est (Djakarta, Indonésie) de 2005 à 2013.
La rotation régulière de la résidence du SOI aide le mouvement à renforcer son fonctionnement, l’oblige à maintenir un mode de travail décentralisé et à partager les responsabilités entre les continents et les régions.