Le Mécanisme de la Société Civile pour les relations avec le Comité des Nations Unies sur la sécurité alimentaire mondiale organise son forum annuel
Le Mécanisme de la Société Civile (MSC) pour les relations avec le Comité des Nations Unies sur la Sécurité Alimentaire Mondiale, qui vient de changer son nom pour devenir le Mécanisme de la Société Civile et des Peuples Autochtones _après un travail de réflexion intérieure essentiel pour l’affirmation de son identité populaire _ organise son forum annuel les 13 et 14 octobre 2018 au siège de la FAO à Rome, dans un contexte marqué par l’aggravation de la faim et de la malnutrition dans le monde, et par la nécessité d’un réengagement du Comité pour la Sécurité Alimentaire. Un contexte qui s’est manifesté dans les déclarations des organisations et mouvements constituant la société civile internationale durant le forum.
Un contexte mondial de faim et de malnutrition chroniques
Le forum vient aussi dans une foulée d’événements étroitement liés à l’activité du MSC: Journée Internationale de l’Alimentation le 16 octobre, 45ème session plenière du Comité pour la Sécurité Alimentaire du 15 au 19 octobre, le vote imminent à l’Assemblée Générale de Nations Unies sur la déclaration des droits paysans en novembre, la présentation du rapport sur le droit à l’alimentation par le MSC le 12 octobre etc…
En effet, Le MSC a organisé le 12 octobre 2018à Rome, une conférence de presse pour présenter son rapport sur le droit à l’alimentation dans le monde. Le rapport fait état d’une situation désastreuse où la faim et la malnutrition touchent près de 821 millions de personnes dans le monde. Ramona Duminicioiu, membre de La Via Campesina et du comité de coordination du MSC a déclaré lors de la conférence de presse : “Il est impossible d’atteindre l’objectif Faim Zéro sans un changement radical et un engagement totalement renouvelé de la part des gouvernements vis à vis des des politiques qui promeuvent et protègent nos droits, le droit à la nourriture, les droits des femmes, les droits des paysans, les droits des peuples autochtones, les droits des travailleurs, et tous les droits humains des populations les plus vulnérables ou atteintes d’insécurité alimentaire et de malnutrition”.
Les messages clés des différentes parties :
La Forum du MSC est ouvert le 13 octobre par un débat public, avec la participation du Directeur Généralde l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), du Président du Comité sur la Sécurité Alimentaire mondiale (CSA), et le représentant permanent du Fonds international de développement agricole (FIDA) et du Rapporteur Spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation.
José Graziano da Silva, Directeur général de la FAO en fin de mandat, a reconnu que la situation de l’alimentation va dans la direction opposée des engagements de l’organisation. “Depuis l’adoption de la stratégie 2030 pour l’éradication de la faim, celle-ci ne cesse de s’aggraver dans le monde”. Graziano a critiqué le système alimentaire qui a une production excédentaire en quantité et pauvre en qualité, et l’approche qui tend à analyser les systèmes alimentaires uniquement à travers le processus de production en omettant la superstructure composée des politiques agricoles et des cadres institutionnels et juridiques. Il a, fait appel pour l’adaptation des lois et constitutions aux objectifs alimentaires annoncés par les gouvernements, puisque la malnutrition et l’obésité ne sont pas des problèmes individuels mais des résultats des politiques publiques menées par les Etats.
Il a mis également l’accent sur la crise du système multilatéral causée par les pressions de certains Etats membres qui veulent échanger leurs participations financières contre plus de compromis.
Mario Arvelo, président du Comité pour la Sécurité Alimentaire, est revenu sur le rôle important de la société civile internationale, incarnée par le MSC. “Il y a une réalité qui ne peut être ignorée : les gouvernements qui ont la responsabilité politique n’ont pas été à la hauteur de l’éradication de la faim et pour cela un mécanisme de la société civile est nécessaire”. Mario Arvelo a rappelé la crise de 2009, où le CSA a été dans l’obligation de se réinventer. Or, depuis 2009, la situation de l’alimentation dans le monde ne s’est pas améliorée, et s’est même détériorée. Une nouvelle réforme du CSA, sur la base de l’évaluation faite par le MSC et présentée devant le forum, est un impératif que le CSA ne peut pas contourner.
Ramona Duminicioiu, membre de La Via Campesina et du Comité de Coordination du MSC a sonné l’alarme sur la situation de l’alimentation dans le monde : 821 millions de personnes souffrent encore de la faim. Les paysans, qui produisent 70% de la nourriture du monde, souffrent de l’insécurité alimentaire, du changement climatique et sont victimes des conflits. Ramona a appelé toutes les parties à se remettre sur les rails pour atteindre les objectifs visant à mettre fin à la faim et au droit à l’alimentation; et a plaidé pour une coopération entre les institutions et les Etats pour éradiquer la faim à travers l’engagement urgent du Comité sur la Sécurité Alimentaire.
Hilal Elver, la Rapporteur Spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, a constaté qu’après 10 ans de crise alimentaire, la situation reste inchangée : les guerres commerciales, l’autoritarisme, la militarisation causent l’insécurité alimentaire et le changement climatique. Elle a appelé à protéger le Mécanisme de la Société Civile contre les parties qui veulent le fragiliser, étant le seul mandat qui fait entendre les voix des jeunes, des femmes, des paysans sans terre, des autochtones, des pasteurs dans une institution des Nations Unies, tout en appelant le MSC à mener un dialogue interne pour dépasser les différences de ses composantes.
“L’ordre économique mondial et ses règles prédatrices n’ont pas changé depuis la crise alimentaire de 2008. Rien n’a changé de manière structurelle. Au moment où la croissance économique s’envole, la faim et la malnutrition s’envolent aussi simultanément. La richesse et la faim atteignent des niveaux records. Où est le problème ? Nous connaissons tous le problème”
“Le Mécanisme de la Société Civile devra être protégé et devra continuer de promouvoir l’agroécologie et la paysannerie familiale. Il y a des voix qui considèrent que l’agroécologie n’est pas le seul moyen pour mettre fin à la malnutrition. Il faut les convaincre de s’intéresser à l’agroécologie avant qu’elle ne soit donc le seul moyen de survie, au vu des dommages de l’agriculture industrielle sur l’environnement et sur les travailleurs agricoles”.
Le Mécanisme de la Société Civile et des Peuples Autochtones visé par des Etats membres
Une équipe d’évaluation indépendante s’est penchée sur l’évaluation du travail du MSC, livrant un rapport de 75 pages qui dresse un bilan positif du travail du mécanisme. Selon le rapport d’évaluation, “le MSC remplit pleinement ses rôles et son mandat. Il est reconnu comme étant un acteur clé du CSA”, “le secrétariat du MSC est très compétent et professionnel dans la facilitation de la participation de la société civile au CSA. Il renforce activement et protège les principes directeurs du MSC” et “les groupes de travail politique du MSC sont très efficaces pour faire avancer les positions des acteurs de la société civile”.
Malgré cette évaluation positive, certains Etats ne cachent pas l’intention de réduire l’importance du Mécanisme de la Société Civile. Rodolfo Enrique, membre de La Via Campesina, a déclaré pendant le forum que “Certains pays voulaient saper l’esprit inclusif de cet espace et de dévaloriser ce processus. Nous voulions leur faire comprendre clairement qu’ils devraient se concentrer davantage sur le renforcement du Mécanisme.” Rodolfo a appelé le CSA à valider le rapport d’évaluation du MSC, lors de sa prochaine session qui aura lieu du 15 au 19 octobre, et à réaffirmer clairement son engagement à éradiquer la faim et la malnutrition dans le monde.