L’accaparement des terres progresse actuellement et s’intensifie
Le Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables a récemment publié un rapport soulignant les pressions croissantes sur les terres agricoles. Il a identifié quatre moteurs principaux : la dérégulation et la financiarisation, qui traitent la terre comme un actif spéculatif ; l’expansion des projets de conservation et de compensation carbone qui entrent en compétition pour les terres ; l’exploitation minière, l’étalement urbain et le développement des infrastructures qui empiètent sur les zones agricoles ; et les systèmes alimentaires industrialisés qui favorisent les chaînes corporatives au détriment des petits exploitants. Ces facteurs menacent l’accès équitable à la terre pour les agriculteurs.
Nettie Webbie, membre fondatrice de La Via Campesina et co-auteure du rapport, a souligné ces défis dans une interview avec Think Ink, en insistant sur la nécessité urgente de réformes politiques pour protéger les terres agricoles et soutenir les agriculteurs à petite échelle.
Voici un extrait de l’interview :
La terre est un élément extrêmement important des systèmes alimentaires, de la sécurité alimentaire, et de la souveraineté alimentaire. Elle est également cruciale pour l’action climatique et la biodiversité. Ainsi, la question de qui possède la terre et ce que nous en faisons, sur laquelle nous dépendons tous, est essentielle pour envisager nos futurs possibles.
[Le rapport] cherche à clarifier certaines tendances, à exposer certaines hypothèses et à identifier des points d’appui où nous pourrions opérer des changements en faveur d’une plus grande égalité, d’une meilleure protection des environnements, et d’une sécurité et souveraineté alimentaire accrues.
Cependant, de nouvelles tendances émergent. L’accaparement des terres en est une, intensifiée pendant la crise de 2008 et ayant semblé se calmer. Mais il progresse actuellement et s’intensifie. Nous n’avons pas seulement examiné l’accaparement traditionnel des terres, mais aussi de nouvelles dimensions telles que la dérégulation des marchés financiers et l’augmentation de la financiarisation des transferts de terres et de l’accumulation foncière.
Le green grabbing est une tendance relativement nouvelle, paradoxalement présentée comme bénéfique pour l’environnement, ce qui rend difficile la tâche des écologistes et de ceux qui se préoccupent du changement climatique. Mais dans la plupart des cas, il s’agit d’une diversion pernicieuse par rapport aux vraies solutions.
Ensuite, l’urbanisation et l’exploitation minière augmentent. Au Canada, l’exploitation minière se concentre principalement dans le nord, où il n’y a pas de terres agricoles. Cependant, ailleurs dans le monde, notamment en Amérique du Sud, en Amérique centrale et en Afrique, les industries extractives représentent une véritable agression pour de nombreuses communautés, y compris l’agriculture à petite échelle.
Nous avons également discuté des hypothèses autour de l’agriculture en tant qu’actif productif, du biais en faveur du productivisme, de la maximisation de la production de quelques cultures principales et espèces animales, et de la poussée pour étendre ces pratiques au détriment de la biodiversité et des régimes alimentaires variés pour les personnes.
Partout dans le monde, la pression accrue sur le prix des terres entraîne le déplacement des agriculteurs à petite échelle. C’est le cas en Saskatchewan, mais aussi au Honduras, au Brésil ou au Zimbabwe. Partout, la pression sur les prix des terres due à l’intrusion de grands investisseurs, parfois des gouvernements, souvent des agro-industries, est évidente.
Le rapport détaille une énorme expansion des fonds spécifiquement alloués à l’accaparement des terres, considérées comme un actif physique, un capital plus sûr que les obligations et autres instruments financiers.
La dérégulation du marché financier a encouragé, voire permis, une telle expansion. Il s’agit d’une question politique, de gouvernance, mais aussi de valeurs. Si nous considérons la terre uniquement comme un actif productif d’où extraire de la valeur, plutôt que comme une partie intégrante de notre identité, notre lieu de vie, notre source de culture et de nourriture, alors elle est plus ouverte à l’exploitation financière. C’est une tendance dangereuse à bien des égards.
Vous pouvez lire le texte complet de l’interview ici, qui offre une perspective approfondie et propose diverses façons de relever ces défis.
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