La Via Campesina : Les catastrophes climatiques exigent une réponse globale et urgente ! Basta les fausses solutions!
Déclaration politique et de solidarité | Bagnolet, 03 juin 2024
Face à une crise environnementale et climatique sans précédent touchant des pays comme le Brésil, l’Équateur, l’Uruguay, l’Argentine, le Kenya, la Tanzanie, l’Afghanistan, la France, la Thaïlande, l’Indonésie, entre autres, sous forme de vagues de chaleur, de fortes pluies et d’inondations, La Via Campesina avertit sur les responsables et appelle à une solidarité internationale urgente et à une réponse concertée menée par des solutions populaires.
LA TRAGÉDIE ANNONCÉE
De récentes études ont révélé que la chaleur écrasante qui a frappé l’Asie et le Moyen-Orient fin avril, rappelant les intenses vagues de chaleur de l’année dernière, était 45 fois plus probable dans certaines régions du continent en raison du changement climatique provoqué par l’activité humaine. Au cours de cette période, des températures élevées se sont fait sentir dans de vastes régions d’Asie, s’étendant de Gaza à l’ouest – où plus de 2 millions de personnes sont aux prises avec des pénuries d’eau potable, des soins de santé inadéquats et d’autres besoins essentiels au milieu des frappes aériennes israéliennes en cours – jusqu’aux Philippines dans le sud-est. Également en Thaïlande, les vagues de chaleur détruisent les cultures et les terres paysannes. Les ressources en eau s’assèchent et les journées extrêmement chaudes rendent dangereux le travail des paysan·nes dans les champs en raison du risque d’insolation. En conséquence, de fortes pluies et d’énormes inondations ont atteint la province de Narathiwat dans la région profonde du sud de la Thaïlande en décembre 2023, provoquant les pluies les plus importantes des 50 dernières années. De nombreuses parties du continent ont connu des jours consécutifs avec des températures dépassant 40 degrés Celsius.
L’Organisation météorologique mondiale des Nations Unies et l’agence climatique de l’Union européenne, Copernicus, rapportent que l’Europe se réchauffe à un rythme deux fois plus rapide que les autres continents, avec une augmentation de 30 % des décès liés à la chaleur au cours des 20 dernières années. Ce réchauffement rapide frappe le plus durement les paysan·nes, qui luttent contre la sécheresse, les inondations et les pertes de récoltes.
Des températures océaniques supérieures à la moyenne provoquent une évaporation accrue, entraînant davantage de précipitations et d’inondations dévastatrices sur tout le continent. C’est évident en Allemagne, dans le nord de l’Italie, dans le centre de l’Angleterre et en Slovénie, où de fortes pluies ont entraîné d’importantes inondations. En France, le contraste est saisissant : le sud-est souffre d’une sécheresse sévère, tandis que le nord est confronté à des inondations dévastatrices. Les fausses solutions de l’agroibusiness, comme les mégabassines, aggravent ces conditions en monopolisant les ressources foncières et hydriques.
Les inondations qui ont submergé l’Afghanistan, le Brésil, le Burundi, le Kenya, la Thaïlande, l’Indonésie, certaines parties de la Tanzanie et de nombreux pays d’Europe sont également sans précédent. Bien que certains rapports les attribuent à l’oscillation australe El Niño (ENSO) et les considèrent comme un phénomène naturel qui se produit depuis des siècles, des rapports scientifiques ont révélé qu’un climat en réchauffement pourrait contribuer à une augmentation de la fréquence et de l’intensité du phénomène El Niño. Les impacts peuvent être importants au niveau régional. En Amérique centrale, El Niño entraîne des précipitations excessives le long des côtes des Caraïbes, tandis que les côtes du Pacifique restent sèches. Les précipitations augmentent sur les côtes de l’Équateur, la partie nord du Pérou et les zones sud du Chili. Les pays d’Afrique de l’Est connaissent également des précipitations excessives avec une intensité accrue en raison de l’aggravation du changement climatique.
L’Organisation mondiale de la santé prévient que 3,6 milliards de personnes résident dans des zones vulnérables au changement climatique, ce qui pourrait entraîner 250 000 décès supplémentaires par an d’ici 2030-2050, principalement en raison de la malnutrition, du paludisme, de la diarrhée, du stress thermique et désormais des maladies transmises par les insectes, les moustiques et autres vecteurs. La contribution du changement climatique à l’escalade des maladies à transmission vectorielle dans les pays à revenu faible et intermédiaire d’Afrique, déjà lourdement grevés par de nombreuses disparités sanitaires et socio-économiques, est une préoccupation importante.
Les pays du Sud, déjà en proie à une dette sévère, ne disposent pas des ressources nécessaires pour répondre et s’adapter adéquatement à ces crises qui touchent principalement la classe ouvrière et les paysan·nes – qui souffrent également de mauvaises conditions de travail, de logements inadéquats et d’un accès limité aux soins de santé. Ces catastrophes représentent également un énorme risque pour la souveraineté alimentaire des territoires, poussant davantage de personnes dans l’extrême pauvreté et la faim. Les économies industrialisées riches qui ont créé ces crises ne sont toujours pas disposées à reconnaître leur responsabilité et à fournir les ressources et les capacités nécessaires aux pays du Sud.
L’AGROBUSINESS, L’EXTRACTIVISME ET LES MULTINATIONALES, AINSI QUE LEURS BANQUES, SONT LES PRINCIPAUX RESPONSABLES !
L’agrobusiness et l’extractivisme sont les principaux responsables de la crise, car les taux élevés de déforestation, l’accaparement des terres, la perte de biodiversité et la réduction de l’absorption des sols aggravent la crise environnementale et climatique. L’utilisation d’agrotoxiques qui détruit toute biodiversité et contribue au déséquilibre des précipitations, conjuguée au capitalisme financier, avec ses banques qui dominent le monde, et au système alimentaire industriel dominé par les grandes entreprises transnationales du Nord global, constitue les principaux moteurs du changement climatique, l’agrobusiness représentant désormais plus d’un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
L’industrie militaire du Nord global promeut les conflits armés pour vendre des armes et maintenir ses taux de profit, tandis que les guerres affectent directement nos écosystèmes et notre environnement, entraînant la mort de milliers d’êtres humains. Mettons fin à toutes les bases militaires étrangères, aux agressions et aux guerres !
La crise environnementale que le monde traverse va bien au-delà de la crise climatique et prend racine dans la manière dont le système capitaliste organise la relation entre les êtres humains et la nature. La production orientée vers le profit exploite à la fois les personnes et la nature, épuise les communs et met en péril la survie de l’humanité et de la vie sur la planète.
Les capitalistes, avec certains gouvernements, cherchent à accroître leurs profits en créant le système de crédit carbone, qui ne modifie en rien la réalité en termes de biodiversité ou d’émissions de gaz, mais génère des illusions en vendant l’oxygène des forêts. C’est une honte.
ALERTE DE LA VIA CAMPESINA !
Face à cette grave crise, La Via Campesina appelle les États et gouvernements à adopter des alternatives concrètes et résilientes pour les populations touchées. Elle insiste sur le fait que la lutte contre le changement climatique doit faire preuve de volonté politique, mais aussi garantir que les communautés aient le contrôle de leurs territoires, et non les multinationales. Il est urgent de changer le système et de transformer les systèmes alimentaires, en identifiant les responsables et leurs responsabilités, et en mettant en œuvre des solutions claires telles que la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Paysans (UNDROP), l’Agroécologie Paysanne et la Souveraineté Alimentaire, qui créent des conditions dignes, une alimentation saine et régénèrent la vie et la nature.
L’influence des entreprises sur les États, les gouvernements et les institutions multilatérales, qui entraîne une inaction climatique et un déni absurde malgré les preuves scientifiques établies, est inacceptable. Nous ne pouvons pas continuer avec des politiques publiques locales et mondiales inefficaces, en mettant en œuvre des lois, des traités, des règlements et des subventions qui consolident et renforcent le capitalisme, le système alimentaire industriel et leurs intérêts corporatifs.
DES SOLUTIONS RÉELLES, PAS DES FAUSSES SOLUTIONS !
Le discours du capitalisme vert et de l’agrobusiness sur une agriculture intelligente face au climat, présentée comme régénérative, ainsi que d’autres mécanismes comme les marchés de carbone et les solutions basées sur la nature, s’inscrit dans une stratégie de greenwashing. Ces fausses solutions, historiquement dénoncées par La Via Campesina lors des sommets de la COP, ont conduit à des échecs dans les processus liés aux COP climat et biodiversité au cours des dernières années et décennies, sous l’influence du marché et des entreprises multinationales.
La COP30 Climat de 2025 au Brésil et la CBD de septembre 2024 en Colombie doivent marquer un tournant radical. Sans cela, ces processus risquent de perdre toute crédibilité et légitimité. En particulier, la CBD et la COP30 doivent mettre au centre de leur agenda la réforme agraire et l’usage des terres, de l’eau et des territoires entre les mains des populations, au service de la production d’aliments et d’autres biens indispensables à la dignité humaine, et non entre les mains des entreprises multinationales répondant aux caprices des plus riches.
Les COP devraient servir à trouver des solutions claires, à élaborer des propositions et des alternatives au changement climatique en collaboration avec les pays et la communauté scientifique. Ces espaces, désormais pris d’assaut par le lobbying pour l’expansion des multinationales et l’accumulation de richesse en pleine crise climatique, doivent se débarrasser de ces acteurs néfastes et assumer leur responsabilité historique envers les peuples du monde.
La Via Campesina plaide depuis longtemps pour des solutions réelles qui incluent les paysan·nes, les peuples autochtones et les pêcheur·euses, qui sont les gardien·nes des terres, des forêts, des zones côtières et des océans. Nous avons longtemps exigé une réforme agraire complète et des politiques d’utilisation des terres dans les pays, et la restauration de la santé des sols grâce aux pratiques agroécologiques paysannes, ainsi que des législations nationales alignées sur l’UNDROP. Plus que jamais, nous devons adapter les villes et les zones rurales pour faire face à la crise climatique.
Il est urgent d’accorder des fonds aux communautés sous forme de subventions, et non de prêts, comme réparations pour la responsabilité historique dans la crise climatique. Les réparations devront soutenir les efforts communautaires de restauration des terres dégradées par la plantation d’arbres natifs, en particulier dans les zones où ces derniers ont été détruits.
Il est impératif d’établir des programmes de production agroécologique garantissant une augmentation de la production d’aliments sains en harmonie avec la nature.
Il est essentiel de promouvoir des formes de taxation prélevant au moins 2 % sur les fortunes des milliardaires (qui ne représentent que 3 000 familles), ainsi que d’établir un impôt universel sur les bénéfices des sociétés transnationales. Avec cela, il est nécessaire de créer un fonds mondial pour lutter contre la pauvreté, l’inégalité sociale et le changement climatique.
Ces outils promeuvent une transition juste pour les paysan·nes, et plaident pour des relocalisations de la production et de la consommation alimentaires, garantissant la souveraineté alimentaire et renforçant les économies rurales. Ancrés dans les principes de justice climatique globale, nous continuons à lutter pour des réparations pour la dette et l’injustice historiques. Tous les financements climatiques doivent être entre les mains des communautés (et non des banques !), doivent prendre la forme de subventions (et non de prêts !), et doivent prioriser à la fois l’adaptation et l’atténuation.
Nous constatons comment, dans ce système capitaliste, les conséquences du changement climatique prévalent dans la plupart des pays du Sud Global, touchant principalement ceux qui produisent tout et possèdent peu : les travailleur·euses vivant dans des endroits socialement vulnérables dans les villes, expulsés par la spéculation immobilière et les actions des États légitimant l’établissement d’entreprises et de communautés fermées dans les endroits les plus privilégiés. Ainsi, en plus des problèmes sociaux comme la faim, la pauvreté, le manque d’assainissement, la violence armée ou les problèmes environnementaux, ils doivent également endurer les problèmes environnementaux que d’autres ont générés.
La lutte pour la justice environnementale et climatique, à la fois localement et globalement, est urgente et doit devenir un champ de bataille afin que nous puissions progresser dans la construction de solutions réelles et véritablement efficaces qui abordent les problèmes environnementaux et sociaux engendrés par le capitalisme.
C’est pourquoi nous exhortons notre base sociale entière – les paysan·nes du monde entier, les travailleur·euses urbain·es, les migrant·es, les jeunes, les femmes et les diversités – à s’organiser et à mener des luttes massives pour mettre un terme à cette folie capitaliste qui pourrait conduire à la mort de tous les êtres humains. Nous payons déjà un lourd tribut, avec de nombreuses vies perdues chaque jour !
La souveraineté alimentaire refroidit la planète !
Agroécologie et droits paysans pour une transition écologique juste, MAINTENANT !
Photo de couverture: Secours dans la ville de Pelotas, touchée par les inondations dans le Rio Grande do Sul.
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