La Via Campesina demande une réelle réforme agraire intégrée
Position
La Via Campesina —un mouvement mondial d’organisations de paysans et de paysannes, de populations indigènes, de sans-terre et d’ouvriers agricoles– demande une vraie réforme agraire intégrée.
Une vraie réforme agraire devrait garantir à ceux qui travaillent et vivent de la terre un accès sûr à la terre et aux ressources nécessaires à une vie digne. Une réforme agraire intégrée suppose une appréhension globale du territoire, de l’espace, de l’eau, de la biodiversité et des ressources naturelles, de façon à établir une harmonie entre les êtres humains et la nature.
Face à la pauvreté rurale croissante, face aux déplacements en masse et souvent brutaux des ruraux hors de leurs terres, à l’exclusion des gens de leur territoire, à la dégradation rapide des ressources naturelles et à la perte d’une biodiversité pourtant vitale à la survie de l’espèce humaine, La Via Campesina propose une alternative à la destruction et aux injustices du modèle libéral actuel promu –entre autres- par l’agro-industrie et la Banque Mondiale via le concept de réforme agraire par le marché.
La réforme agraire doit être basée sur les principes suivants:
· Ceux qui travaillent et vivent de la terre ont droit à la terre, à l’eau, aux forêts et aux ressources nécessaires pour vivre dans la dignité et la sécurité.
· Les peuples indigènes ont le droit de contrôler leurs terres ancestrales.
· Chacun a le droit de produire sa propre alimentation de façon adaptée à son milieu et à sa culture, c’est la base de la souveraineté alimentaire.
· La Terre et ses ressources sont un bien commun à l’humanité toute entière, pas des marchandises possédées par les quelques-uns qui contrôlent le marché capitaliste. La terre a une fonction sociale.
· La terre, les semences, l’eau, les ressources maritimes et la biodiversité doivent être aimées et protégées, et non pas exploitées, dégradées et détruites. Les communautés locales ont un accès légitime à ces ressources.
· Le droit aux techniques appropriées est fondamental.
Une vraie réforme agraire devra avoir les objectifs suivants:
· La redistribution des grandes propriétés aux paysans sans terre et à ceux qui en ont besoin pour leur survie.
· Un accès et une utilisation égal à la terre pour les femmes et les jeunes. La justice et l’égalité pour les femmes, qu suppose la transformation de la situation sociale et économique, y compris l’accès à la terre, au crédit, à l’éducation, à la sécurité sociale et au pouvoir, est un élément clé de la sécurité alimentaire des familles.
· La prise en compte de tous ceux qui participent à la production alimentaire et à l’entretien des ressources naturelles – les pêcheurs, les populations indigènes, les paysans sans terre, les éleveurs nomades et les populations forestières.
· La protection de l’eau, de ses sources, des rivières et des lacs, et un arrêt immédiat de la privatisation et de la marchandisation de l’eau.
· La réorganisation des marchés pour donner la priorité aux marchés alimentaires locaux. Les accords de libre-échange libéraux et les structures commerciales qui détruisent l’économie des petits producteurs doivent être remplacées par des politiques assurant un prix juste pur les produits et la démocratisation des moyens de production via des coopératives, une propriété sociale et/ou l’agriculture familiale.
· La reconnaissance des savoirs paysans dans l’utilisation des ressources locales (agricultures paysannes traditionnelles). Ces savoirs ont une valeur inestimable, c’est pourquoi toutes les conditions doivent être mises en oeuvre pour assurer leur transmission.
La lutte pour une vraie réforme agraire intégrée est une lutte pour la justice, la dignité et la fin de la pauvreté rurale. C’est la lutte pour une nouvelle forme de développement rural qui ne soit pas seulement économique et technologique, mais qui respecte et mette en valeur les cultures rurales.
Globalisons la lutte! Globalisons l’espoir!
Porto Alegre, 4 mars 2006