La position de La Via Campesina sur la Conférencedes Parties (COP 16) de la Convention des Nationsunies sur la diversité biologique (CBD)
En octobre, une délégation internationale de La Vía Campesina se mobilisera à Cali, en Colombie, pour faire entendre sa voix lors de la Conférence des Parties (COP 16) de la Convention des Nations Unies sur la Diversité Biologique (CDB). Nous partageons ci-dessous notre déclaration politique. Téléchargez et partagez également notre KIT DE COMMUNICATION pour amplifier et nous mobiliser ensemble pour la vie, la Souveraineté Alimentaire, les droits des paysan·ne·s et pour une Réforme Agraire Intégrale et Populaire.
BAGNOLET, 14 OCTOBRE 2024 : La Via Campesina (LVC), un mouvement international regroupant 200 millions de personnes issues de 180 organisations dans 81 pays, défend principalement les droits des paysan·nes, des travailleur·euses ruraux·ales, des peuples autochtones, des communautés ancestrales, des femmes et des jeunes. Nous luttons pour la souveraineté alimentaire et pour une agriculture paysanne agroécologique qui permet l’accès à une alimentation saine, tout en nous opposant à l’agro-industrie et au système financier des multinationales qui monopolise les aliments en les transformant en marchandises.
Dans le contexte de la crise climatique, il est essentiel de reconnaître le rôle fondamental des paysan·nes, des peuples autochtones, ainsi que des communautés traditionnelles et ancestrales dans la conservation de la biodiversité et la protection des biens communs. Nous avons toujours maintenu une position critique face à l’absence de justice sociale et climatique, plaidant pour la nécessité d’une réforme agraire intégrale et populaire, ainsi que pour l’inclusion des visions du monde paysannes, autochtones et traditionnelles dans les décisions politiques.
La biodiversité, comprise comme la variété de la vie sur Terre, est confrontée à une crise sans précédent, connue sous le nom de sixième extinction de masse. Ce phénomène est provoqué par la destruction et la fragmentation des habitats, la pollution et la surexploitation des biens communs de la planète et de ses océans. L’intensification de l’effet de serre en raison de la pollution industrielle, de l’agrobusiness, de la combustion des énergies fossiles et de la déforestation est au cœur de la crise climatique mondiale. Ce phénomène a déclenché des événements météorologiques extrêmes et l’acidification des océans, mettant en péril non seulement l’environnement et des espèces importantes qui dépendent d’écosystèmes équilibrés, mais aussi les communautés rurales et côtières traditionnelles.
Les modèles extractivistes et le système agroalimentaire industriel sont principalement responsables de la perte de biodiversité et de la crise climatique. Ils génèrent de graves problèmes tels que la désertification, la contamination massive par les plastiques, l’exploitation minière et pétrolière marine. Les monocultures et les pulvérisations aériennes d’agrochimiques, entraînant des dommages aux pollinisateurs, combinées à l’accaparement des terres et de l’eau pour des projets extractivistes, vident les campagnes de leur population et conduisent à une urbanisation désordonnée et appauvrie. Ces systèmes, centrés sur les intérêts des entreprises multinationales, non seulement dégradent l’environnement, mais menacent également la culture et l’existence des peuples autochtones, des communautés traditionnelles et paysannes, qui sont en première ligne de la défense des biens communs.
Nous faisons face à de graves menaces liées à l’accaparement des terres et des océans, en particulier dans le cadre d’initiatives telles que “30 pour 30”, qui vise à allouer 30% de la superficie de chaque pays à la conservation d’ici 2030. Les multinationales se sont engouffrées dans ces opportunités politiques pour augmenter la dépossession au nom de la “science et du climat”. La création de “compensations” ou de “crédits biodiversité” comme “solutions” est un mécanisme promu par des milliardaires et des sociétés financières transnationales pour contourner les régulations sans s’attaquer aux causes profondes de la perte de biodiversité. Ils esquivent ainsi leurs responsabilités en faisant en sorte que d’autres payent pour réparer la planète qu’ils détruisent. Au lieu de ces mécanismes, nous proposons de s’attaquer aux causes de la crise à travers des régulations efficaces, telles que celles promues par les défenseur·es des biens communs sur leurs territoires.
Nous sommes préoccupé·es par la perte de la biodiversité marine et côtière. Les mégaprojets de géo-ingénierie, tels que les monocultures d’algues génétiquement modifiées, la fertilisation des océans, l’enfouissement de la biomasse et l’éclaircissement des nuages marins, qui visent à capturer le carbone sans avoir identifié leurs impacts réels ou leur efficacité, représentent une menace inimaginable pour les écosystèmes marins. C’est pourquoi La Via Campesina EXIGE l’arrêt de ces projets et, en appliquant le principe de précaution, demande la protection des écosystèmes marins et des communautés traditionnelles qui y vivent et en prennent soin.
Pour ces raisons, NOUS REMETTONS EN QUESTION l’approche de la Convention sur la diversité biologique (CBD), qui tend à ignorer le rôle des paysan·nes et des pêcheur·euses dans la gestion durable des biens communs naturels. Elle adopte une perspective utilitariste, transnationale et anthropocentrique qui ne prend pas en compte de manière globale la perte de biodiversité dans le contexte de la crise climatique, ni l’érosion des droits culturels, ancestraux et naturels dans les territoires.
Nous NOUS OPPOSONS également fermement à la modification des organismes vivants par le développement des technologies de génie génétique et de biologie synthétique, ainsi qu’à l’instrumentalisation de l’information numérique sur les séquences génétiques (DSI) pour breveter la nature et contrôler l’agriculture et la souveraineté alimentaire. Ces pratiques impliquent une privatisation par laquelle les entreprises multinationales cherchent à obtenir des profits lucratifs. Elles menent à des manipulations pouvant provoquer des distorsions graves et imprévisibles dans les génomes naturels ; De telles manipulations, ont des conséquences inconnues qui nuisent à la production alimentaire traditionnelle et paysanne et à l’érosion de la biodiversité.
Les pays les plus industrialisés sont principalement responsables des émissions de gaz à effet de serre, principale cause du réchauffement climatique. Les entreprises transnationales du Nord global, en particulier des États-Unis et de l’Union européenne, sont responsables d’au moins 50 % des émissions mondiales. Malheureusement, ce sont les pays à revenu faible et intermédiaire qui subissent les pertes les plus graves en termes de biodiversité. Ce sont eux aussi qui sont confrontés aux conséquences associées à la crise climatique, telles que les migrations climatiques dues à la disparition des habitats, des côtes, des forêts et des écosystèmes et communautés marines clés.
Nous mettons en garde contre les FAUSSES SOLUTIONS et le “greenwashing, éco-blanchiment “, terme utilisé pour décrire comment les gouvernements, politicien·nes et entreprises promeuvent des processus qui simulent un “engagement sincère” envers l’environnement ou la durabilité, mais qui, en réalité, ne sont que des mesures superficielles, insuffisantes ou directement contre-productives. Cela entraîne une perte de confiance du public envers les véritables initiatives de restauration et de remédiation climatiques, tout en freinant la mise en œuvre de politiques environnementales et climatiques efficaces.
LA VIA CAMPESINA REJETTE FERMEMENT ces fausses solutions “fondées sur la nature”, promues par les intérêts des multinationales. La Via Campesina plaide pour la participation des peuples autochtones, des organisations de petits producteurs alimentaires et des paysan·nes à la mise en œuvre du Cadre mondial de la biodiversité, fondée sur le principe de précaution, la protection des savoirs ancestraux et des semences — essentielles pour la souveraineté alimentaire — ainsi que sur l’agroécologie paysanne et populaire comme piliers de la préservation de la biodiversité.
NOUS EXIGEONS l’implication active des peuples autochtones, des communautés paysannes et traditionnelles dans les prises de décision concernant les politiques de biodiversité. Ces communautés, ces individus et leurs organisations possèdent un savoir profond sur la gestion éthique des biens communs et jouent un rôle crucial dans la lutte contre la crise climatique, notamment dans la préservation et la protection des semences.
LA VIA CAMPESINA exige un cheminement urgent vers la JUSTICE CLIMATIQUE ET LA RÉPARATION, afin de traiter les inégalités structurelles et de tenir les entreprises multinationales responsables de leurs actes. La justice climatique se concentre sur la justice sociale, l’équité et les droits humains, ainsi que sur les réparations et les compensations pour les communautés touchées par les dommages climatiques et la perte de biodiversité. Elle plaide pour la défense des défenseur·euses de la nature à travers des politiques publiques et la création de fonds pour soutenir et mettre en œuvre une transition juste vers une production agroécologique et des économies à faibles émissions de carbone. Cette approche privilégie l’économie paysanne, sociale et solidaire comme réponse efficace pour les populations touchées, en particulier pour les femmes, les jeunes et les enfants dans les territoires paysans, ruraux, ancestraux et côtiers.
LA VIA CAMPESINA défend les paysan·nes en tant que sujets de droits politiques dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique. Les paysan·nes, les peuples autochtones et les communautés ancestrales doivent être respecté·es en tant que sujets de droits, garantissant l’accès et le contrôle de leurs ressources, la participation active aux décisions qui affectent leur vie et leurs territoires, ainsi que la reconnaissance de leur rôle clé dans la protection des biens communs et de leur droit à vivre dans la dignité.
Ces communautés, de la base jusqu’à leur leader, à travers leurs pratiques traditionnelles et écologiques, contribuent de manière significative à la santé des écosystèmes et à la souveraineté alimentaire mondiale. Par conséquent, LA VIA CAMPESINA exige lors de la COP 16, la reconnaissance de la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysan·nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP) comme cadre d’interprétation et d’application de la Convention sur la diversité biologique.
Enfin, LA VIA CAMPESINA demande la création d’un organe subsidiaire qui, de manière permanente, travaille avec les peuples autochtones, les paysan·nes et les Afro-descendant·es pour respecter, préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques de ces communautés en vue de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité, conformément à la mise en œuvre de l’Article 8(j) de la Convention sur la diversité biologique.
Nous, les paysan·nes, sommes les Gardien·nes de la Biodiversité et les Garant·es de la Souveraineté Alimentaire !
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