« La nécessité d’une Déclaration des Nations unies sur les droits des paysan/nes ne s’est jamais faite autant ressentir »
Rapport du Congrès mondial des droits des paysan/nes, 7-10 mars 2017, Schwäbisch Hall, Allemagne
(Schwäbish Hall; le 14 mars 2017) Mercredi dernier, en l’honneur de la Journée internationale de la femme, une délégation internationale de femmes a donné le coup d’envoi du Congrès mondial des droits des paysan/nes avec une mystica, tenu dans la région rurale de Schwäbisch Hall, Allemagne.
À l’occasion des discours d’inauguration de l’événement, Elizabeth Mpofu, Secrétaire générale de La Via Campesina, a réaffirmé que « la nécessité d’une Déclaration des Nations unies sur les droits des paysan/nes ne s’est jamais faite autant ressentir ». Les paysan/nes à travers le monde « promeuvent un modèle basé sur la souveraineté alimentaire et soutiennent l’agriculture agroécologique paysanne comme une solution à la crise alimentaire, climatique et sociale. En défendant les droits des paysan/nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, a-t-elle déclaré, l’humanité est elle-aussi gagnante ».
Lors de son discours, Mme Mpofu a souligné à quel point il était urgent et évident d’adopter la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysan/nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales en ce 21e siècle. « En dépit d’années de lutte pour une meilleure reconnaissance et protection des droits des paysan/nes, les phénomènes de déplacement et de criminalisation continuent de porter préjudice à des centaines de milliers de paysan/nes dans le monde. »
En 2001, Serikat Petani Indonesia – une organisation paysanne de l’Asie du Sud-Est avec Henry Saragih pour chef de file – a initié le processus ascendant visant à obtenir une Déclaration sur les droits des paysan/nes. Au terme d’efforts considérables, d’une unité et coordination internationale, le processus a désormais atteint un stade crucial. En mai prochain, le Groupe de travail intergouvernemental à composition non-limitée des Nations unies se réunira pour la quatrième fois et tentera de finaliser et d’obtenir un consensus sur une version finale de la déclaration.
L’importance capitale du respect des droits des paysan/nes, pêcheur/ses, travailleur/ses ruraux/les, travailleur/ses migrant/es, berger/ères, apiculteur/rices, peuples autochtones et des autres personnes travaillant dans les zones rurales a été soulignée dans un large éventail de témoignages et de présentations extrêmement diversifiées et dans les groupes de travail du Congrès des droits des paysan/nes. Le deuxième jour, les participant/es ont discuté de la violation de certains droits des paysan/nes et de la protection que conférerait la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysan/nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales. Dans les cinq groupes de travail, ils/elles ont abordé les défis relatifs aux semences, à l’accès à la terre, à un revenu décent, à la biodiversité, à la répression et à la criminalisation des paysan/nes.
Des représentant/es de paysan/nes, des universitaires, des experts juridiques, des activistes et des représentant/es politiques ont pris, chacun à leur tour, la parole à l’occasion d’allocutions couvrant les enjeux multiples de l’obtention d’une Déclaration des Nations unies sur les droits des paysan/nes : le bien-être alimentaire, économique et environnemental. Le message véhiculé était plus que clair : le modèle agricole promu par les politiques étatiques dominantes en faveur des intérêts des entreprises doit être contré par la valorisation des communautés rurales, la défense de leurs droits et un soutien au modèle agricole basé sur la souveraineté alimentaire et l’agroécologie.
Lors de la dernière journée du Congrès mondial des droits des paysan/nes, Guy Kastler (La Via Campesina) et Pat Mooney (ETC group) ont établi un lien entre le développement de nouveaux OGM (New Breeding Techniques) et les fusions de l’agro-industrie. « Deux tiers du marché des semences est actuellement entre les mains de six sociétés qui tentent d’obtenir une fusion où seules trois entreprises subsisteraient », a mis en évidence Pat Mooney. « Les fusions dans le secteur agro-industriel ne s’arrêteront pourtant pas là. Si nous ne disposons pas de droits des paysan/nes, ces grandes entreprises seront alors le seul groupe au monde à connaître ce qu’il se passe dans les champs, sur la terre. Étant donné que 70 % de la nourriture que consomme la population mondiale provient de l’agriculture paysanne, nous devons octroyer des droits et garantir le respect de ces droits aux paysan/nes, sinon nous n’aurons plus de nourriture. »
Guy Kastler a ensuite martelé: « Les New Breeding Techniques (nouveaux OGM) mises en avant par l’industrie sont des armes de destruction massive, de destruction de nos droits, de la biodiversité et de la souveraineté des peuples. »
Lors de son intervention à l’occasion du panel du Congrès « La reconnaissance de la paysannerie en tant que titulaire de droits – les personnes travaillant dans les zones rurales font entendre leur voix », Federico Pacheco, du « Sindicato de Obreros del Campo » (Syndicat des travailleur/ses agricoles-Andalousie), a affirmé que la déclaration sur les droits des paysan/nes était une référence, un élément central pour que nous attirions l’attention sur les besoins du monde rural et défendions un autre modèle agricole. « Pourquoi avons-nous besoin d’une déclaration ? Parce que les conditions de travail dans le monde rural sont extrêmes et qu’aucun des instruments en vigueur ne s’est montré efficace », a-t-il déclaré. « Le système favorise le déplacement de personnes, contraintes d’accepter des conditions de travail indécentes. Les droits économiques et sociaux dans le monde rural sont peu respectés », a ajouté M. Pacheco. « Avec cette déclaration, nous pourrions exercer notre droit à ne pas être forcés de migrer et à de meilleurs conditions sociales et de travail. La sensibilisation et la mobilisation en faveur de la déclaration doivent être une priorité car il s’agit d’un progrès fondamental pour la paysannerie. »
Le Congrès – organisé conjointement par la fondation « Haus der Bauern », la Coordination européenne Via Campesina, AbL, FIAN International et FIAN Allemagne – s’est achevé par la présentation d’un projet de manifeste sur la nécessité d’une Déclaration sur les droits des paysan/nes, complété par des commentaires et suggestions du public. Le texte – dont vous pouvez lire la version finale ici – souligne, entre autres, la nécessité d’un soutien de la part des gouvernements allemand et européens à ce processus historique et les préjudices causés par la Politique agricole commune actuelle de l’UE aux paysan/nes.
Au terme de trois journées riches en échanges, le Congrès mondial des droits des paysan/nes à Schwäbisch Hall a donné le ton des efforts qu’il faut mener collectivement partout dans le monde avant la session du Groupe de travail intergouvernemental à composition non-limitée des Nations unies au mois de mai, qui tentera de finaliser la Déclaration sur les droits des paysan/nes.
Mondialisons la lutte ! Mondialisons l’espoir !
photos (2ème & 4ème de haut): par Hannes Jung (instagram.com/hannes.jung)