L’ajustement du marché laitier ne peut se faire au prix de la disparition de milliers d’exploitations en Europe
Lettre ouverte de la Coordination Européenne Via Campesina à la présidence du Conseil des ministres de l’Agriculture de l’Union Européenne
Objet : situation du secteur laitier à la veille de la prochaine réunion du Conseil des Ministres de l’agriculture de l’Union Européenne, le 15 février 2016
Cher Martijn VAN DAM,
(Bruxelles, le 10 février 2016) À l’occasion de la réunion du Conseil des Ministres de l’Agriculture de l’UE qui aura lieu la semaine prochaine à Bruxelles, à ECVC nous voulons vous transmettre notre plus grande préoccupation face à la crise grave sans précédent que traversent les producteurs laitiers européens. Notre objectif est que le 15 février prochain soient adoptées des mesures immédiates au sein du Conseil pour remédier à cette situation.
Les éleveurs européens se trouvent dans une situation insupportable depuis mi-2014 lorsque, face à l’attente de libéralisation du marché laitier de l’UE (assumée par la majorité des États-membres de l’Union), et l’élimination définitive du système de quotas laitiers en avril 2015, les volumes de lait livrés dans la majorité des pays européens ont commencé à augmenter. La situation disproportionnelle des excédents à laquelle nous sommes arrivés s’est aggravée, par les agissements des industries laitières et des entreprises de distribution européennes qui ont vu renforcé leur abus de position dominante dans la chaîne de production à partir de la disparition du système de quotas et dont les conséquences dramatiques pour les producteurs n’ont pas pu être limitées par l’application du Paquet Lait.
Il parait évident que ni les mesures contenues dans le Paquet Lait, ni les codes de bonnes pratiques, ni le reste des mesures possibles d’autorégulation ne servent à garantir notre survie en tant qu’éleveurs, ni pour défendre des prix justes pour notre lait. Une législation qui ne considère pas comme élément principal l’abus de pourvoir de négociation qu’exercent le reste d’acteurs dans la chaîne de lait, ou que le lait est un produit périssable qui nous empêche de négocier de manière adéquate tant au niveau individuel que collectif, s’avère insuffisante comme outil de remplacement de politiques publiques de régulation et de contrôle des marchés.
Il parait également évident que tous les messages lancés pendant les mois précédant la dérégulation, et qui incitaient à augmenter la production de lait dans les fermes européennes, ont été très erronés D’abord, parce qu’ils nous demandent de produire plus face à l’attente d’un marché international qui n’est pas capable d’absorber (ni de rémunérer), nos productions. Ensuite, parce qu’ils considèrent comme seule alternative pour continuer dans l’activité le sur-dimensionnement de nos exploitations et productions.
Nous ne pouvons pas accepter que l’ajustement du marché laitier européen se fasse au prix de la disparition de milliers d’exploitations en Europe (ici le « rapport de situation du secteur » qui mentionne le début tragique de la délocalisation de la production de lait qui se produit en Europe. Nous ne pouvons pas accepter que nombreuses zones rurales (dont la plupart sont des territoires montagneuses) soient dépourvus du moteur économique que signifie la production laitière et sans alternatives productives.
De ce fait, nous estimons nécessaire que le prochain Conseil des ministres reconnaisse la situation catastrophique que traverse le secteur au niveau européen et qu’il prenne un engagement ferme au sujet de la création et de l’application des nouveaux outils publics de régulation du marché laitier et le contrôle de la production qui garantissent une rémunération adéquate aux éleveurs pour le prix du lait (qui couvre les coûts de production), le maintien des nombreux producteurs laitiers ainsi que ses divers modèles de production durable de lait dans l’UE.
Ces mesures devraient être adoptées de manière urgente s’il existe une réelle volonté de la part des gouvernements européens et de la Commission pour que soit maintenue la production laitière dans tous les territoires de l’Union.
Veuillez agréer nos salutations les plus cordiales.
Jose–Miguel Pacheco, Comité de Coordination de la Coordination Européenne Via Campesina
Genevieve Savigny, Comité de Coordination de Coordination Européenne Via Campesina