Italie : “Nous sommes les migrants africains du Foro Boario”
Témoignage récueilli lors de la mission d’une délégation de la Confédération paysanne en Italie pour enquêter sur les conditions de travail des saisonniers-migrants dans l’agriculture.
(Saluzzo, 1er septembre 2013) Nous avons lu La Stampa” du samedi 17 Août avec l’intervention du Maire de Saluzzo Paolo Allemano au sujet de la situation du Foro Boario et nous ressentons la nécessité de répondre.
Nous partageons également l’inquiétude du Maire au sujet de cette situation, mais nous voulons clarifier quelques points. Le plan d’accueil de la Mairie et de la Coldiretti n’est pas si efficace que le dit le Maire: plus de 100 personnes ont un contrat de travail, mais n’ont pas trouvé de places dans les containers mis à disposition.
Ceux qui vivent dans les containers n’ont pas non plus une vie facile: nous vivons à 6 dans un container, nous avons peu de douches et de toilettes et le soir à 23h nous sommes enfermés à clef dans le camp. De plus les responsables de la Coldiretti ont décidé de débrancher le courant électrique et de fermer à clef les containers
lorsque nous sommes au travail parce qu’ils ne veulent pas que ceux qui vivent dehors viennent recharger leur téléphone ou prendre une douche à l’intérieur du camp.
Le Maire parle de la ” nécessité d’entretenir de bonnes relations ” mais fait tout pour nous diviser entre nous. De même, les services d”hygiène dont parle le Maire ne sont pas suffisants: 3 WC et 1 douche (en plus des 2 mises à disposition par l’association “Monviso Solidale”) ne suffisent pas pour 500 personnes et cela exaspère encore plus la situation, sachant que nous vivons déjà dans un campement.
Nous pensons également que l’eau est un bien fondamental à la survie. L’eau est un droit seulement pour ceux qui travaillent? Ou bien nous y avons tous droit en tant qu’être humain? Nous avons dû faire une manifestation pour que le Maire nous donne un accès à l’eau, après nous l’avoir retiré: doit-il vraiment y avoir une mobilisation pour avoir l’eau? La mobilisation a été un acte voulu de tous et nécessaire: un groupe est allé manifester, un autre est allé travailler et un autre est resté au campement parce que nous avions peur d’être expulsés. Nous voulions tous manifester et il ne sert à rien d’essayer de nous diviser en disant que seuls 100 personnes étaient sur la place. Par ailleurs le robinet installé par la Mairie n’est pas plus propre que celui que nous avions avant: l’eau stagne et coule au milieu des ordures.
Il y a un mois les forces de l’ordre ont également dit que nous donner des sanitaires et l’eau entraînerait le fait que nous ne partirions plus: nous sommes là pour travailler, pour survivre et parce que sans contrat de travail nous ne pouvons pas renouveler notre permis de séjour et une fois la saison de la récolte termine, si nous ne trouvons pas de travail nous partirons.
Le problème c’est bien le travail: nous ne voulons pas que les forces de l’ordre viennent nous poser des questions sur comment nous travaillons. ils savent pertinemment que nous travaillons bien au-delà des des limites horaires légales, que les paies sont basses et qu’il est désormais habituel de ne déclarer que très peu de jours de travail sur la fiche de paie par rapport à ce qui est réellement effectué.
Cela implique que non seulement ne nous sont pas versées toutes les contributions sociales obligatoires, mais également que souvent nous ne pouvons pas faire la demande d’allocation de chômage agricole à laquelle nous aurions droit, ou que, puisqu’elle est calculée sur les deux dernières fiches de salaire, nous n’en bénéficions que d’une très faible, qui ne nous permet pas de survivre pendant les périodes durant lesquelles nous ne trouvons pas de travail.
Au Maire, pour l’année prochaine, nous demandons:
- Que tous ceux qui ont un contrat aient un logement: le camp de containers doit être plus grand!
- Qu’il n’y ait plus d’expulsion pour ceux qui vivent dans les campements.
- Plus de douches et de WC
- Que toutes les heures de travail soient déclarées, dans le respect de la loi, et que toutes les contributions soient versées, comme pour tous les travailleurs, italiens ou non.
- De permettre aux travailleurs saisonniers qui n’ont pas d’autres résidences d’avoir une adresse de résidence à Saluzzo si le permis de séjour doit se renouveler pendant qu’il réside à Saluzzo.
- Un accueil décent pour tous, qu’ils aient un travail ou qu’ils en cherchent un.