Haiti : Terre, semences natives, environnement : c’est la voie de la vie !
Note pour la presse de la CLOC- Via Campesina Haïti
(Centre Lakay, Papaye, le 5 juin 2014) – Nous les membres de La CLOC – Vía Campesina Haïti, nous nous sommes rassemblés avec d’autres organisations du Mouvement Social Haïtien venant des quatre coins du pays, avec la participation d’autres organisations membres de la CLOC-Vía Campesina de plusieurs pays du continent pendant deux jours au Centre National de Formation de Cadres Paysan à Papaye sous le thème : TÈ, SEMANS NATIF NATAL, ANVIWÒNMAN, SE CHEMEN LAVI (TERRE, SEMENCES NATIVES, ENVIRONNEMENT, C’EST LA VOIE DE LA VIE).
Nos réflexions :
Au niveau international
Nous avons réfléchi sur l’accaparement des terres qui se fait par les pays impérialistes à travers de leurs multinationales notamment en Afrique et en Amérique latine. Nous assistons à un véritable processus de recolonisation : plus de 50 millions d’hectares ont changé de mains, plus de 100 milliards de dollars américains sont déjà dépensés dans l’accaparement des terres et plus de 100 milliards de dollars sont disponibles dans les banques de plus de 120 groupes financiers pour s’accaparer des terres.
Les terres accaparées sont destinées principalement à la production des agro carburants et des aliments pour les animaux. Plus de 13 millions d’hectares de forêt disparaissent chaque année. Dans les forêts de l’Amazonie en Amérique du Sud, un hectare de forêt disparaît chaque seconde. Les multinationales détruisent la planète pour gagner de plus en plus d’argent en prétendant qu’elles proposent des solutions à la crise du climat. Les remèdes tuent le malade.
La crise climatique se convertit en une véritable catastrophe. Les rapports des experts sur le climat montrent très clairement que la planète est grandement menacée si les pays industrialisés ne mettent pas un frein à la pollution de l’atmosphère par des gaz à effet de serre qui réchauffent la planète. La politique de l’économie verte adoptée à la conférence de Rio+ 20 constitue des manœuvres des pays capitalistes pour sauver le système après l’échec des politiques néolibérales.
L’économie verte veut convertir toutes les ressources naturelles, tous les biens communs de l’humanité en marchandises. Les multinationales veulent exterminer les ressources naturelles des pays appauvris : terres, forêts, semences, eaux, mines et les ressources génétiques en général. Peu importe la vie des peuples, ce qui compte c’est le profit, plus de profit chaque jour.
Au niveau d’Haïti
Ce que nous constatons sur l’accaparement des terres en Haïti est catastrophique. Le gouvernement haïtien est en train d’appliquer une politique d’élimination de la classe paysanne. Le président du pays, lors de sa prise de possession déclarait : Haïti open for business. C’était une façon pour dire aux multinationales que le pays était à vendre.
Effectivement, le gouvernement est en train de concéder des terres agricoles aux multinationales pour des zones franches, pour des plantations notamment de Jatropha, pour des méga projets touristiques. Le gouvernement s’associe aux multinationales et aux hommes d’affaires haïtiens pour chasser des paysans de leurs terres dans le Nord-Est, dans le Sud (Île à vache), dans l’Artibonite, à St Raphaël, Quartier Morin (Nord), Leogane (Ouest). Des paysans sont emprisonnés, d’autres sont persécutés à travers le pays.
Les paysans réclament la reforme agraire, le gouvernement fait de la réforme foncière. Selon les déclarations du secrétaire d’État à la production végétale dans une conférence à Hinche, au Centre du pays, le gouvernement va chasser les familles paysannes sur des terres de l’État pour les confier à de grands entrepreneurs. Le gouvernement haïtien compte changer la mission de l’Institut National pour la Réforme Agraire (INARA).
Le gouvernement a déjà signé plusieurs contrats d’exploration et d’exploitation minière. Ces projets, si la population ne se mobilise pas vont mettre fin à l’environnement du pays.
Il y a un complot international pour enlever les semences aux familles paysannes. On veut éliminer les semences paysannes pour faire place aux semences des multinationales agro toxiques comme Monsanto qui prônent les OGM qui détruisent les semences locales. Dix multinationales contrôlent le marché international des semences, un marché de plus de 30 milliards de dollars américains. Il y a une véritable offensive en Amérique latine pour faire voter des lois qui enlèvent aux paysans le droit de sélectionner, de conserver, de planter leurs propres semences comme cela se passe actuellement en République dominicaine.
Après de ces constats nous décidons ce qui suit :
1 – Nous allons travailler davantage pour construire plus d’unité entre les organisations paysannes du pays, entre toutes les organisations qui luttent pour la souveraineté nationale et la souveraineté alimentaire pour que nous défendions les terres agricoles qui sont aux mains des paysans et lutter ensemble avec eux pour une véritable réforme agraire intégrale en Haïti le plus vite possible. Il y va de la responsabilité des paysans avec la collaboration des autres secteurs populaires pour réaliser la réforme agraire intégrale.
2 – Monter une véritable plateforme de solidarité pour défendre les paysans et les paysannes sur leurs terres dans n’importe coin du pays. Les terres agricoles doivent être aux mains des paysans qui la travaillent, des paysans qui vivent en harmonie avec elles, qui reconnaissent que la terre est notre MÈRE, qui assument qu’ils sont les gardiens des terres agricoles pour les faire produire des aliments sains pour nourrir la planète. Les terres ne doivent pas être des marchandises. Elles doivent demeurer un bien collectif qui produit des aliments qui garantissent LA VIE.
3 – Nous nous engageons à faire connaître à la paysannerie, à toute la société que l’agriculture industrielle est l’ennemie de la planète, l’ennemi des paysans partout sur la planète, l’ennemi de LA VIE. Nous devons la combattre.
4 – Nous nous engageons à défendre l’agriculture paysanne en défendant nos semences natives. Nous sélectionnerons nos semences, nous les conserverons avec nos méthodes traditionnelles, nous les partagerons entre nous paysans et paysannes d’un même pays, entre les peuples. Les paysans et les peuples autochtones sont les gardiens des semences pour produire des aliments qui garantissent LA VIE à tous les habitants de la planète. LES SEMENCES NE DOIVENT PAS ÊTRE DES MARCHANDISES car elles sont les germes de la vie. LA VIE N’EST PAS À VENDRE.
5 – Nous demandons au gouvernement haïtien de stopper tous les projets d’accaparement des terres en Haïti ; stopper la démagogie sur l’environnement du pays qui est en train de devenir un désert avec 1,25% de forêts ; suspendre la propagande sur la production agricole et la protection de l’environnement pendant que le budget de ces secteurs a connu une réduction drastique. Nous exigeons 20% du budget national pour la production agricole familiale agro écologique, pour la réfection et la protection de l’environnement.
6 – Les paysans haïtiens et les paysans dominicains sont des frères et des sœurs. Nous nous unissons pour défendre les intérêts des paysans et paysannes des deux pays. Nous demandons aux gouvernements des deux pays de respecter les droits des peuples, de faciliter la communication entre les deux peuples.
Pour CLOC-La Vía Campesina Haïti.
Chavannes Jean-Baptiste – MPP
Rose Edith Raymonvil – MPNK
Rosnel Jean-Baptiste – TK