Haiti : déclaration de la Via Campesina et de ses alliés pour la journée internationale de l’environnement
Hinche 5 Juin 2012
DECLARATION DE LA VÍA CAMPESINA HAÏTI ET ALLIÉS
A, l’occasion du 5 Juin 2012, journée internationale de l’environnement, nous, les organisations membres de LVC : MPP ( Mouvement Paysan de Papaye), MPNKP ( Mouvement Paysan National du Congrès de Papaye), TK ( Têtes ensemble des petits paysans haitiens) et nos alliés dans le mouvement social, nous nous sommes réunis au Centre National de Formation de Cadres Paysans du MPP à Papaye, le 4 Juin 2012 pour réfléchir sur les grandes crises qui frappent la planète à quelques jours de Rio + 20 et du sommet des peuples, où les pays industrialisés vont défendre une nouvelle forme du système capitaliste sous l’appellation de l’ÉCONOMIE VERTE.
Cette économie verte dont on parle c’est le pillage encore plus systématique des ressources naturelles sous la baguette des multinationales qui domestiquent l’Organisation des Nations Unies et l’utilisent contre la majorité des populations de la planète.
20 ans après la conférence de Rio de Janeiro en 1992, les pays industrialisés avec leurs multinationales vont retourner à Rio dans le but de transformer La Vie, les biens communs de l’humanité, toutes les ressources naturelles en marchandises. Ils apportent dans leurs valises une série de fausses solutions contre les crises qu’ils ont créées et qui bouleversent la planète : crise alimentaire, crise financière, crise environnementale, crise climatique. Il s’agit d’une crise systémique, la crise du modèle de production et de consommation qui a déjà dépassé les limites acceptables.
Nous, 12 000 paysannes et paysans, des jeunes paysans de MPP, MPNKP, TK et des alliés comme : Kaba Grangou, PAPDA, RENASSA, FONDAMA, KONAFAP, JE NAN JE, nous nous sommes rassemblés à Papaye pour réfléchir sur la situation de l’environnement le 4 Juin et marcher aujourd’hui 5 Juin vers Hinche, la cité de Charlemagne Péralte, le Héros de la résistance contre l’occupation américaine. Nous marchons pour dire Non au CAPITALISME VERT, non à la DOMINITATION des MULTINATIONALES, non à la DESTRUCTION de la PLANÈTE.
Nous, 12 000 paysannes et paysans, des jeunes paysans de MPP, MPNKP,TK et des alliés, nous marchons pour demander à l’État haïtien de stopper la vente du pays aux multinationales agro toxiques ; aux multinationales des zones franches ; aux multinationales minières. C’est pour cette raison, au cours de cette marche nous avons symboliquement enterré : Monsanto, Coca Cola, Dupont, Bayer, Nestlé, Banque Mondiale, OMC, FMI etc comme symboles du pillage et de la destruction des ressources naturelles, des biens communs de l’humanité comme la terre, l’eau, les semences et les territoires des peuples autochtones.
En Haïti, nous les organisations paysannes et du Mouvement social, nous disons NON :
- Non à la concession de 1500 kilomètres carrés du territoire à 11 compagnies nord américaines, pour exploiter nos ressources minières, détruire nos sols, détruire notre environnement, détruire La Vie des gens. On est en train de nous voler des ressources très rares sur la planète.
- Non au pillage des ressources de nos sous sols dans la commune de Cerca La source ( Ti Lori, Lamielle).
- Non à la décision illégale de déclarer d’utilité publique des terres des communes du Bas Nord-Est pour ouvrir la porte à l’accaparement de ces terres par des multinationales pour mettre en place des zones franches et des plantations de Jatropha.
- Non à l’accaparement des terres dans l’Artibonite où l’on commence par chasser des familles paysannes dans la commune de Verrettes. Des rumeurs circulent qu’on est en train d’accaparer ces terres pour la famille Clinton et la multinationale coca-cola pour planter des manguiers franciques.
- Non à la production des agro carburants sur nos terres déjà très limitées pour la production de nos aliments. Des rumeurs circulent sur un projet d’accaparement de 100 000 hectares pour des plantations de Jatropha. C’est inacceptable. Nous demandons aux multinationales d’oublier la production des agro carburants en Haïti. Nous avons besoin de nos sols pour produire des aliments. Nous lançons une mise en garde à l’Etat haïtien pour qu’il s’abstienne de livrer nos terres à des multinationales ou à des groupes de la bourgeoisie haïtienne qui ne visent que des profits pour planter du Jatropha ou pour faire d’autres plantations.
- Non à l’arpentage de 440 carreaux de terre par le Ministère des Finances entre Caracole et Terrier-Rouge. Cela peut provoquer un bain de sang entre les familles paysannes qui vivaient sur ces terres et celles délogées à Caracole qu’on cherche à reloger.
- Non aux semences transgéniques (OGM). Nous ne voulons pas de Monsanto ou d’autres multinationales agro toxiques qui cherchent à éliminer l’agriculture paysanne, la seule agriculture qui peut refroidir la planète. Nous ne voulons pas de Monsanto ou d’autres qui prônent l’agriculture industrielle, la principale cause de la destruction de la planète.
- Non aux déserts verts (plantation de Jatropha, d’eucalyptus, de palmier à huile etc)
- Non au capitalisme vert ou l’économie verte qu’on va présenter à Rio. Nous demandons au gouvernement haïtien de ne pas s’embarquer dans ce projet de mort pour notre pays et pour la planète.
- Non au projet de recolonisation du pays et tous les autres pays sous domination étrangère.
- Non à REDD +, non au commerce de carbone, non à l’agriculture soit disant intelligente, non aux nanotechnologies.
- Non à l’occupation militaire du pays. MINUSTAH doit partir pour que le pays reprenne sa souveraineté.
- Non à la publication de la constitution amendée qui ferait rétrograder le processus démocratique en Haïti.
- Non à toutes les formes d’élections frauduleuses.
- Non au scandale de corruption qui gangrène la société haïtienne spécialement les pouvoirs de l’État.
- Nous demandons au Président Martelly de continuer à résister aux pressions nationales et internationales pour qu’il publie la constitution amendée qui jeterait le pays dans une crise constitutionnelle.
Nous disons OUI :
- Oui à l’agriculture paysanne, une agriculture qui garantit la santé de l’environnement, une agriculture qui respecte le droit des générations futures, une agriculture qui refroidit la planète.
- Oui à l’agro écologie, oui à la souveraineté alimentaire.
- Oui aux semences locales, la base de l’agriculture paysanne, la base de la biodiversité. Les semences font partie des biens communs de l’humanité. Elles ne doivent pas être considérées comme des marchandises. Elles ne doivent pas être aux mains des multinationales. Les paysans du monde entier doivent s’unir pour défendre les semences locales.
- Oui à une réforme agraire intégrale.
- Oui à la protection de nos ressources naturelles : dans nos sols et dans la mer.
- Oui à une économie solidaire en Haïti et au niveau de la planète.
- Oui à la protection des vraies forêts à l’échelle planétaire. Oui à la plantation de 100 000 arbres fruitiers et forestiers chaque année dans chaque section communale. Nous planterons ainsi plus de 56 millions arbres dans un système agro écologique.
Nous, les 12 000 paysannes et paysans, qui marchons au jourd’hui de Papaye à Hinche, lançons un appel aux organisations paysannes du monde entier à unir nos forces pour défendre notre existence comme classe en défendant l’agriculture paysanne.
Nous lançons ce même appel aux organisations de travailleurs, aux organisations de femmes, aux organisations de jeunes, aux organisations d’étudiants, aux intellectuels et scientistes progressistes de se joindre à nous pour bloquer le complot contre Haïti, le complot contre la planète.
À bas le capitalisme vert !
À bas le pillage des ressources naturelles !
À bas les multinationales !
Vive l’agriculture paysanne!
Vive l’agro écologie!
Vive la Souveraineté alimentaire !
VIVE LA SOUVERAINETÉ D’HAÏTI !
ORGANISATION OU LA MORT !
GLOBALISONS LA LUTTE, GLOBALISONS L’ESPÉRANCE !
Les organisations signataires de cette déclaration :
Pour le MPP : Chavannes Jean-Baptiste
Pour le MPNKP : Rose Edith Raymonvil
Pour TK : Rosenel Jean-Baptiste
Pour Kaba Grangou : Gertha Louisama
Pour KONAFAP : Marie Lucie Adolphe
Pour PAPDA : Camille Charlmers
Pour FONDAMA : Juslène St-Fleur
Pour RENASSA : Gracia Bien-Aimé
Pour PLANOPA : Philefrant St-Naré