France : Sortir de l’impasse dans la filière bovins viande
Lettre ouverte de la Confédération Paysanne à M. Stéphane Le Foll, Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt
Monsieur le Ministre,
(Bagnolet, le 20 mai 2015) Considérant que :
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Les cours volatils de la viande bovine ne peuvent rémunérer de façon pérenne les éleveurs ;
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Dans la nouvelle PAC, de nombreux producteurs de viande bovine vont voir leur niveau d’aides diminuer alors que leurs revenus sont parmi les plus faibles du secteur agricole ;
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Les difficultés de transmission dans la filière viande bovine sont particulièrement prégnantes ;
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La succession de plans d’urgence ne répond pas à la crise structurelle du secteur. La réforme des cotations, le plan compétitivité, la mise en place d’une cellule export, l’observatoire des prix et des marges sont des tentatives avortées pour construire un avenir serein à la filière bovine.
La Confédération paysanne souligne que :
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Les systèmes ultra-spécialisés et les ateliers de grande dimension sont plus vulnérables car plus exposés aux aléas extérieurs par manque d’autonomie. Ils ne doivent plus être considérés comme un modèle à développer et à généraliser par les responsables politiques et agricoles ;
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En tant que Ministre, vous ne pouvez certes pas décider des prix mais vous êtes en capacité d’orienter les politiques publiques, notamment la PAC, pour favoriser la transition nécessaire dans l’organisation de la filière ;
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Une part importante de la production française est de qualité haut-de-gamme grâce au travail des éleveurs, mais une meilleure mise en adéquation de la production et de la consommation est à poursuivre ;
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Dans une Europe légèrement déficitaire en viande bovine, l’avenir des producteurs passe par la mise en œuvre de politiques publiques de gestion commune des marchés et de la production de viande harmonisées au niveau européen et non par une constante guerre de compétitivité ;
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En revanche, cette concurrence destructrice est bien présente à l’exportation sur le marché mondial. La filière viande bovine européenne, déjà fragile, nécessite pour son avenir un abandon immédiat des négociations d’accords de libre-échange avec les Etats-Unis et le Canada.
Parmi les syndicats représentatifs, seule la FNSEA, via la FNB, a été conviée à la table ronde du 12 mai 2015. La FNB ne propose qu’une fuite en avant des volumes de production qui entraîne une position de force des abattoirs et de la grande distribution pour négocier les prix, une standardisation de la viande et un désintérêt croissant des éleveurs croulant sous le travail et sans revenu. Le simulacre de résultats de cette table ronde est amer pour les éleveurs en droit d’attendre mieux qu’une cogestion qui tourne en rond.
Une stratégie globale doit être redéfinie, en révisant notamment « la solution miracle » de l’export et en prenant à bras le corps la question du renouvellement des générations. A notre grand désarroi, les systèmes naisseurs-engraisseurs sont laissés de côté et toujours aucune politique d’engraissement digne de ce nom ne pointe à l’horizon en France.
Pour la Confédération paysanne, cette table ronde aurait dû déboucher sur une réflexion de filière aboutissant à rémunérer dignement le travail des éleveurs pour un certain volume de production par actif. C’est une remise en cause totale de la filière qui doit être engagée avec comme objectif une garantie de prix de vente supérieurs aux coûts de production, au minimum sur un semestre, voire un an et non de simples ajustements conjoncturels.
L’avenir du monde rural et de la production de viande bovine passent par le maintien de tous les producteurs dans les territoires, y compris défavorisés, et une reconquête de leur autonomie par les paysans.
Au regard de ce constat d’échec, nous vous demandons la tenue d’assises pour une remise à plat complète de la filière bovin viande. Pour que les éleveurs tirent un revenu davantage par les prix, un débat sans tabou doit s’ouvrir avec tous les acteurs de la filière.
Monsieur le Ministre, nous attendons de vous des engagements forts.
Laurent Leray, Secrétaire national en charge du Pôle Elevage ; Laurent Pinatel, Porte-parole