Forum Mondial de l’Agriculture Familiale : « L’agro-industrie, les spéculateurs et les entreprises minières étendent leur contrôle sur les terres, tandis que les jeunes sont expulsé·es
Plusieurs délégué·es des organisations de La Vía Campesina ont pris part au Forum Mondial sur l’Agriculture Familiale, marquant le mi-parcours de la Décennie des Nations Unies pour l’Agriculture Familiale (2019-2028), qui s’est tenu à Rome du 14 au 18 octobre.
Attikus Jordan, représentant de La Vía Campesina en Australie, a participé à la table ronde intitulée : « Accès et utilisation équitables de la terre, de l’eau et d’autres ressources naturelles ». Vous pouvez consulter l’intégralité de son intervention ci-dessous.
Je suis paysan et boucher en formation à Jonai Farms, en Australie. Membre de l’Alliance Australienne pour la Souveraineté Alimentaire, une organisation de la société civile dirigée par des paysan·nes, je travaille à promouvoir la participation démocratique des peuples autochtones, des petit·es agriculteur·rices et des communautés locales dans les processus de prise de décision. Cette organisation fait partie de La Vía Campesina (LVC).
Je m’exprime aujourd’hui au nom de notre camarade Qammar Abbas, du Pakistan, qui n’a pas pu obtenir de visa pour participer à cet événement. Beaucoup d’autres ont également rencontré ce problème. Si la participation des jeunes à ces rencontres cruciales vous tient à cœur, il est indispensable de simplifier le processus de délivrance des visas pour les participant·es du Sud Global.
Il est bien connu que l’accès à la terre reste un défi majeur pour les jeunes. L’agro-industrie, les spéculateurs, les entreprises minières et les promoteurs touristiques renforcent leur emprise sur les terres, poussant les familles paysannes – et en particulier les jeunes – à l’exode et à l’exclusion.
Pendant ce temps, le Plan d’Action Mondial de la Décennie des Nations Unies pour l’Agriculture Familiale (UNDFF) définit le « renouvellement générationnel » comme « la capacité de maintenir les jeunes dans les exploitations agricoles et les communautés rurales ». Cela constitue l’une des conditions essentielles pour garantir une agriculture et une production alimentaire à la fois « viables et durables ».
Au cours des dernières années, le Groupe de Travail des Jeunes du Comité International de Planification pour la Souveraineté Alimentaire (CIP) a organisé des consultations régionales afin d’identifier les obstacles au renouvellement générationnel dans l’agriculture familiale.
Nous avons relevé plusieurs défis, tels que les inégalités de genre, l’accès à la terre et aux marchés, ainsi que le transfert intergénérationnel des ressources productives et des connaissances. Ces facteurs contribuent à l’augmentation de l’exclusion des jeunes des zones rurales.
Les obstacles communs à toutes les régions sont les suivants :
- L’absence de politiques favorables et d’infrastructures physiques qui facilitent le transfert intergénérationnel des terres, des biens naturels, des connaissances et des compétences, même pour les personnes non liées par la famille.
- La persistance de barrières socioculturelles profondément ancrées dans le patriarcat et le colonialisme, qui entravent ou empêchent l’accès aux droits successoraux pour les jeunes, qu’ils soient femmes, hommes ou issus de la diversité sexuelle et de genre.
- Les marchés capitalistes mondialisés, ainsi que l’intégration verticale des entreprises et le contrôle des installations de transformation, qui réduisent la viabilité économique de l’agriculture familiale, rendant difficile, voire impossible, la possibilité pour un·e jeune de vivre et de travailler en tant que producteur·trice de nourriture.
- La stigmatisation sociale liée à l’identité de paysan·ne et le manque de reconnaissance du statut social des agriculteur·rices familiaux·ales.
- Les difficultés croissantes à produire des aliments dans un climat en mutation.
- L’exode continu des jeunes des zones rurales vers les villes, dû à l’absence d’infrastructures et de services adéquats pour répondre aux besoins de la jeunesse rurale actuelle.
- La marginalisation des jeunes dans les espaces décisionnels au niveau régional, national et international, ainsi que la sélection de jeunes qui ne font pas partie d’organisations démocratiques de notre mouvement, ce qui peut réduire la participation des jeunes à une simple formalité, tout en affaiblissant leur véritable autonomie.
Les consultations ont clairement révélé la nécessité de réformes agraires complètes et authentiques, incluant des politiques publiques qui garantissent le droit à la terre, comme l’affirment la Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP) et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP). Les jeunes ont également un besoin urgent de formation en agroécologie et de plans de succession d’exploitation pour leur assurer un avenir dans le milieu rural. Le rêve que nous bâtissons inclut des communautés rurales dynamiques, intergénérationnelles, inclusives et diversifiées.
Pour atteindre ces objectifs, nous appelons la FAO et les gouvernements à :
- Organiser une nouvelle Conférence Internationale sur la Réforme Agraire et le Développement Rural (CIRADR+20) et lancer un nouveau processus mondial de réforme agraire, avec des politiques ambitieuses pour la redistribution des droits d’utilisation de la terre, de l’eau et des territoires, plaçant les peuples autochtones, les jeunes et les femmes au cœur de cette réforme.
- Appliquer de manière participative les instruments disponibles, tels que les Directives Volontaires sur la Gouvernance Responsable de la Tenure Foncière (VGGT) et celles pour garantir la pêche durable à petite échelle . Ces outils sont cruciaux pour défendre les droits des agriculteur·rices familiaux·ales et des communautés rurales à la terre et aux territoires, tout en facilitant le transfert intergénérationnel de terres, y compris à des membres non familiaux.
Enfin, nous appelons tous les gouvernements à œuvrer pour la fin immédiate des conflits et des actes de génocide
En tant que jeunes, nous sommes profondément préoccupé·es par les guerres et les conflits en cours en Palestine, en Haïti, au Liban, en Syrie, au Yémen et dans d’autres parties du monde. Les jeunes agriculteur·rices subissent des annexions et des violations de leurs terres dans les zones de conflit.
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