FAO: Plus de libre-échange, plus d’affamés
Le sommet de haut niveau sur la sécurité alimentaire de la FAO (Organisation pour l'alimentation et l'agriculture de l'ONU), s'est terminé à Rome le 5 juin 2008. Les conclusions de la rencontre n'indiquent pas de changement de tendance dans les politiques qui ont été appliquées durant ces dernières années et qui ont conduit à la situation de crise actuelle.
Les déclarations de bonnes intentions et les promesses de millions d'euros pour en finir avec la faim dans le monde, réalisées par différent gouvernements, ne vont pas mettre fin aux causes structurelles qui ont généré cette crise. De même, les propositions faites par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, d'augmenter de 50% la production d'aliments et de refuser les limites imposées aux exportations par certains pays affectés, semblent renforcer les causes de la crise plutôt que de conduire à des avancées réelles qui garantiraient la sécurité alimentaire de la majorité des populations dans le Sud.
Le monopole de certaines entreprises multinationales sur chacun des maillons de la chaîne de production d'aliments, des semences en passant par les engrais jusqu'à la commercialisation et la distribution de ce que nous mangeons, n'a pas été abordé à ce sommet. Toutefois, et malgré la crise, les principales compagnies de semences, Monsanto, DuPont et Syngenta, ont reconnu que leurs bénéfices avaient augmenté.Et il en est de même pour les industries principales d'engrais chimiques. Les grandes entreprises de transformation des aliments comme Nestlé ou Unilver ont aussi affiché des bénéfices en hausse, mais bien que moins élevé que ceux qui contrôlent les premiers maillons de la chaîne. De la même façon les grands distributeurs d'aliments comme Wal-Mart, Tesco ou Carrefour affirment continuer à augmenter leurs bénéfices.
Les résultats du sommet de la FAO reflètent le consensus auquel sont parvenus l'ONU, la Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI) pour maintenir des politiques économiques et commerciales de dépendance Sud-Nord et d'appui aux multinationales de l'agro-alimentaire. Les recommandations en faveur d'une ouverture plus grande des marchés dans le Sud, de subventions des importations d'aliments avec l'aide au développement et de la mise en place d'une nouvelle révolution verte indiquent cette tendance.
Ceux et celles qui travaillent et prennent soin de notre terre, dans les mains desquels devrait être notre alimentation – les paysans et paysannes – ont été exclus du débat. Lorsque les représentants d'organisations paysannes ont essayé de présenter leur propositions à l'inauguration officielle du sommet, ils furent expulsés par la force. Au cours des précédentes réunions de haut niveau, une plus grande participation de la société civile avait été permise, mais maintenant, face à la gravité de la situation, les portes restent fermées, comme l'a dénoncé le mouvement international Via Campesina.
Résoudre la crise demande que l'on mette fin au modèle d'agriculture et d'alimentation actuelle qui place les intérêts économiques des grandes multinationales avant les nécessités alimentaires de millions de personnes. Il est nécessaire d'aborder les causes structurelles: les politiques néolibérales qui ont été appliquées de façon systématique ces 30 dernières années, promues par la BM, le FMI, l'Organisation Mondiale de Commerce (OMC), avec les Etats-Unis et l'Union Européenne. Des politiques qui ont signifiées une libéralisation économique à échelle globale, ouverture sans frein des marchés, privatisation de terres dédiées à l'approvisionnement local et leur reconversion en monocultures d'exportation, et qui nous ont amené à la grave situation d'insécurité alimentaire actuelle. Selon la BM, le chiffre de 850 millions de personnes qui souffrent aujourd'hui de faim augmentera jusqu'à 950 ces prochaines années.
Pour sortir de la crise il faudra réguler et contrôler les marchés et le commerce international; reconstruire les économies nationales; redonner le contrôle de la production d'aliments aux familles paysannes et garantir leur accès libre à la terre, aux semences, à l'eau; sortir l'agriculture des traités de libre-échange et de l'OMC; et mettre un terme à la spéculation avec la faim.
Le marché ne peut pas résoudre la crise actuelle. Face aux déclarations du numéro deux de la FAO, José Maria Sumpsi, qui affirmait qu'il s'agissait d'un problème d'offre et de demande, dû à l'augmentation de la consommation dans les pays émergents tels que l'Inde, la Chine ou le Brésil, il faut rappeler que jamais auparavant il n'ya a eu une plus grande production de nourriture dans le monde.
Le monde produit aujourd'hui trois fois plus de nourriture que dans les années soixante, alors que la population mondiale a seulement doublé durant cette période. Il n'y a pas de crise de production des aliments, mais une impossibilité d'accéder à ceux-ci pour de larges secteurs de la population qui ne peuvent pas payer les prix actuels. La solution ne peut pas être plus de libre-échange parce que, comme il fut démontré, plus de libre-échange entraîne une augmentation du nombre des affamés et moins d'accès aux aliments.
Esther Vivas
Esther Vivas est co-coordinatrice des livres "Supermarchés, non merci" et "Où va le commerce équitable?"