Des milliers de voix s’élèvent contre l’OMC à Genève
ALAI AMLATINA, 01/12/2009.- Via Campesina réaffirme que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ne doit pas traiter de tout ce qui touche à l’agriculture. Cuba signale qu’il n’est pas possible de faire avancer les négociations tant qu’il n’existe pas de garanties pour une réduction significative des subventions agricoles dans les pays riches. La septième Conférence ministérielle l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) se tient à Genève du 30 novembre au 2 décembre, date du dixième anniversaire des protestations de la société civile qui ont fait dérailler l’OMC à Seattle, Etats Unis. Donc dix ans plus tard, le mouvement altermondialiste s’est de Nouveau manifesté pour dénoncer les politiques de l’OMC qui ont eu de graves répercussions économiques, environnementales et sociales partout dans le monde.
Une importante délégation de La Via Campesina était présente lors des manifestations du 28 novembre dans les rues de Genève. Près de 5000 personnes, 3000 selon la police suisse, ont participé à la marche. Pendant cette manifestation, un petit groupe de casseurs s’en sont pris aux vitrines de banques, de commerces et d’hôtels, incidents largement divulgués par la presse.
“L’objectif des manifestants, ainsi que celui de la Via Campesina, était de dénoncer de façon non violente mais avec un message fort et radical les politiques de l’OMC”, a signalé un communiqué de l’organisation mondiale des paysannes et paysans et des peuples autochtones. “Etant donné les conséquences dramatiques de la libéralisation sur l’agriculture paysanne dans le monde, nous demandons que l’OMC abandonne le secteur agricole. Il est regrettable que, lors de la manifestation, les actes de violence ne nous aient pas permis de proclamer notre message devant les bâtiments de l’OMC à Genève ”, ajoute le communiqué.
“Sans pour autant ignorer ces incidents, nous souhaiterions souligner qu’un autre type de violence – sociale, politique et économique – est quotidiennement subie par une grande partie de la population mondiale, y compris par les paysans ”, poursuit la Via Campesina. “N’oublions pas que plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim et que des décisions politiques violentes criminalisent presque chaque jour les mouvements sociaux”, a-t-elle ajouté.
Il n’y aura pas de déclaration finale.
“Pas d’accord vaut mieux qu’un mauvais accord, et c’est ce qui est sur la table jusqu’à présent “, a expliqué Nathan Irumba, ex- ambassadeur de l’Ouganda par devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) entre 1996 et 2004. “L’OMC, le système multilatéral du commerce et le milieu économique mondial actuel”, est le thème général des discussions. Deux autres sous-thèmes sont débattus lors de deux sessions de travail: “Examen des activités de l’OMC, y compris le Programme de Doha pour le développement “, et “La contribution de l’OMC au redressement économique, à la croissance et au développement “.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont exprimé leurs doutes sur la réunion. Elles ont dénoncé le manque de clarté sur le statut juridique du sommet: il n’y aura pas de déclaration finale, mais uniquement un discours de clôture par le Directeur général, Pascal Lamy. L’ONG italienne Mani Tese, a souligné un autre point faible du sommet, à savoir que les sessions sont organisées selon les conditions imposées par le Conseil des Affaires générales, ce qui implique qu’elles seront restreintes et interdites aux ONG. Le premier jour de la Septième Conférence Ministérielle de l’OMC, le chef de l’organisation, Pascal Lamy, a commenté qu’“un nouvel accord mondial sur le commerce pourrait protéger l’économie contre de futures crises ”et il a demandé que le rythme du Cycle de Doha soit accéléré. “Vu le rythme actuel, si nous voulons arriver à un accord en 2010, nous aurons besoin d’une accélération “, a déclaré Lamy en s’adressant aux 153 pays membres de l’OMC, qui espèrent conclure le Cycle de Doha en 2010, après des années de désaccord et il pria instamment les Membres d’appliquer la devise : “l’union fait la force ”.
Les négociations du Cycle de Doha ne sont pas à l’ordre du jour formel de la rencontre de cette semaine, parce que Lamy et d’autres autorités estiment que les conversations ne sont pas prêtes pour une réunion de haut niveau, en précisant que “un accord ne sera pas possible tant que tous les membres ne sont pas en mesure de mettre toutes leurs cartes sur la table. Il ne s’agit pas seulement des avantages économiques que cela entraîne, mais également de notre capacité et détermination collectives à sauvegarder et à renforcer le bien public mondial que représente le système multilatéral du commerce “, a-t-il ajouté.
Abandonner le Cycle de Doha
A propos de ce Cycle, lancé en novembre 2001 à Doha, capitale du Qatar, ayant pour objectif de “stimuler le développement économique par le biais de la libéralisation du commerce”, les activistes et les organisations de la société civile, comme le réseau Brasileira Pela Integração dos Povos (REBRIP), ont déclaré qu’il vaudrait mieux que les pays en développement se retirent du Cycle de Doha plutôt que d’accepter les réductions douloureuses des droits de douane.
Les membres du réseau mondial Notre monde n’est pas à vendre (OWINFS, sigles anglais) ont organisé une conférence de presse où ils ont souligné les liens entre les politiques de libre échange et les multiples crises sévissant dans le monde actuellement. Des représentants des quatre continents ont démontré comment le modèle de libéralisation du commerce que l’OMC continue à promouvoir a eu des effets dévastateurs sur les communautés partout dans le monde et comment cela a contribué à la dégradation dramatique dans l’exploitation des femmes et l’accès aux aliments, sans compter le chômage et la crise financière.
Graciela Rodriguez, représentant de l’International Gender and Trade Network (IGTN), affirme que “la libéralisation progressive du commerce et des investissements stimulés par le modèle néolibéral au cours de ces dernières décennies non seulement n’a pas encouragé le développement comme promis, mais de plus elle a été déterminante dans la crise actuelle mondial. C’est la même libéralisation et la dérégulation qui ont aggravé la division internationale du travail à partir de la promotion du modèle d’exportation de ressources naturelles, de matières premières et d’énergie depuis les pays du Sud. Ce même modèle international de commerce continue à se répandre, à la recherche d’une main d’œuvre bon marché, profitant des inégalités de genre pour baisser les salaires au cours des dernières décennies ”.
Cuba: éliminer les aides qui créent des distorsions dans le commerce
Les critiques contre l’OMC et son agenda de libre échange sont plus vives que jamais. Nombreux sont ceux qui ont attribué la forte récession mondiale au manque de régulation et au grand pouvoir des marchés. Selon le Ministre du Commerce extérieur et de l’Investissement étranger de la République de Cuba, Rodrigo Malmierca Diaz, la véritable raison qui pousse certains pays à promouvoir le succès de ces négociations est leur intérêt de pouvoir obtenir de plus grandes concessions dans les pays en développement, particulièrement en matière d’accès aux marchés et ne donnant en échange que quelques concessions marginales ne garantissant pas l’élimination des distorsions actuelles qui subsistent dans le commerce lié à l’agriculture. “Comme l’ont signalé de nombreux leaders au cours du récent Sommet des Nations unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO), les politiques agricoles fondées sur une libéralisation non contrôlée de l’agriculture ont fait que les pays en développement sont passés de pays exportateurs à pays importateurs d’aliments ”, a déclaré le ministre cubain. “Les subventions importantes versées aux agriculteurs et aux exportations octroyées principalement par les Etats Unis et l’Union Européenne ont entrainé la ruine, la pauvreté et la faim pour des millions de paysannes et paysans dans les pays peu développés ”.
Cuba signale qu’il faut absolument que les nations riches suppriment les aides qui créent des déséquilibres dans le commerce. “On ne doit pas avancer dans les négociations tant qu’il n’y a pas de garanties que les subventions soient fortement réduites. Contrairement aux engagements pris par les Etats Unis, la récente Loi sur l’Agriculture loin de réduire les aides aux producteurs, les a augmentées. Ceci a entrainé une grande incertitude et une méfiance, et met en évidence le manque d’une véritable volonté pour réduire et encore moins éliminer les déséquilibres actuels dans le commerce international pour les produits agricoles ”, a ajouté le ministre.