Réunion continentale américaine de formateurs et formatrices en agroécologie
Déclaration finale
Le monde est pris dans une série de crises générées par la cupidité inhérente au système capitaliste, caractérisé par un contrôle du capital sur les ressources naturelles, qui incluent la crise alimentaire et la crise du changement climatique.
Le fait que le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde soit passé de 800 millions à un milliard ces dernières années, couplé à la terrible famine en Somalie, nous montre que le système alimentaire dominant des grandes entreprises est incapable de nourrir le monde, tandis que les émissions de gaz à effet de serre produites par le même modèle réchauffent la planète et menacent la Terre Mère.
Les représentants du capital, c’est-à-dire les sociétés transnationales, les médias, l’éducation formelle, les grands propriétaires terriens et l’agroalimentaire ont maintenant transformé leur discours en s’appropriant des termes et des concepts construits au fil des générations par les mouvements sociaux.
Via Campesina, de son côté, défend l’agriculture agroécologique, paysanne, indigène et communautaire, positionnée comme pierre angulaire de la construction de la souveraineté alimentaire. Ce modèle d’agriculture produit des aliments sains, il est basé sur la diversification des cultures, ainsi que sur de nouvelles formes de relations entre les hommes, les femmes et la nature, et il élimine l’utilisation de pesticides, d’OGM et autres formes de dépendance au système capitaliste.
Nous devons protéger nos savoirs des grandes entreprises qui essaient de tout transformer en marchandise, nous ne pouvons pas les laisser voler nos concepts et les utiliser comme une propriété privée au service d’une logique capitaliste. Aujourd’hui nous faisons face à une situation où la Banque mondiale, les gouvernements corrompus et les sociétés transnationales veulent nous voler le concept de l’agroécologie à travers le processus de la COP-17 à Durban et de Rio +20 pour justifier la duperie des marchés du carbone. Face à cela, nous disons que l’agroécologie nous appartient et n’est pas à vendre.
L’agriculture paysanne s’inscrit dans le cadre du processus d’une transformation structurelle de notre société qui peut servir pour affronter la crise des systèmes actuels. Par conséquent, nous réaffirmons que l’agroécologie paysanne et des peuples indigènes nourri le monde et refroidi la planète.
Via Campesina a organisé plusieurs réunions régionales et continentales, où nous avons eu l’occasion d’approfondir nos débats sur la façon dont nous percevons le monde et comment les différents modèles d’agriculture agroécologique ont pris forme.
En août 2009, la première réunion continentale des formateurs et formatrices en agroécologie a eu lieu à l’Institut latino-américain d’agroécologie (IALA) Paulo Freire à Barinas (Venezuela). Suite à cela en mai 2010, le continent asiatique a organisé une réunion sur l’agroécologie à Colombo (Sri Lanka), tandis qu’en Afrique, en juin 2011, à Masvingo (Zimbabwe), se tenait la Rencontre des formateurs et formatrices en agroécologie.
Ainsi, nous avons développé un processus pour aborder le concept d’agroécologie, qui nous a permis de renforcer les fondements qui guident les organisations de la Via Campesina. Nous rappelons que la première Réunion des Amériques a déclaré que l’agroécologie:
• “est nécessaire pour assurer la souveraineté alimentaire et énergétique pour l’émancipation humaine. En outre, l’agroécologie est essentielle à l’avancement de la lutte des peuples pour bâtir une société où il n’y ait pas de propriété privée des moyens de production et des ressources naturelles, une société sans aucune sorte d’oppression et d’exploitation, qui n’ait pas pour objectif ultime l’accumulation. ”
• «doit être massive et internationale, de sorte que les connaissances accumulées par les peuple, puisse contribuer au développement de nouvelles forces productives de la nature et du travail humain, de sorte que nous ayons le temps et les facilités pour organiser toutes les autres dimensions de notre vie comme nos luttes, nos communautés, notre culture, l’éducation, les fêtes …entre autres ».
• “comprend les soins et la protection de la vie, de la production alimentaire, de la conscience politique, le fait d’aller de l’avant dans le renforcement de la coopération et de la transformation des agro-industries, l’échange d’expériences et le fait de promouvoir une alliance entre les peuples de la ville et de la campagne.”
Cette première Rencontre a également signalé que la deuxième réunion devrait approfondir les discussions sur le matérialisme historique et les visions du monde paysan et indigène, qui nous avons prévu de traiter.
Dans le cadre de la Deuxième réunion continentale de formateurs et formatrices en agroécologie, qui a eu lieu du 28 Juillet au 3 Août 2011 au Guatemala, à Chimaltenango, nous, paysans et paysannes, peuples autochtones et afro-descendants, représentants de 49 organisations provenant de 20 pays, tenons à réaffirmer notre engagement envers la construction et la défense de l’agroécologie.
Nous dénonçons le système de production capitaliste et sa domination par l’agro-industrie et l’exploitation des gisements miniers, son accaparement des terres et la concentration des ressources, les déplacements forcés et la criminalisation des organisations et familles paysannes, des populations indigènes autochtones, et la surexploitation de la main-d’œuvre et des ressources naturelles. De plus, ce système impose un modèle de production basé sur les monocultures, sur le déclin de la biodiversité, sur l’utilisation des pesticides, des OGM et sur le brevetage du patrimoine des peuples des cultures (semences et connaissances ancestrales, techniques et pratiques).
Nous défendons la réforme agraire globale dans le cadre de la transformation des politiques de souveraineté alimentaire, du renforcement de l’autonomie des personnes et de l’auto-détermination des peuples. Nous défendons le droit de décider de nos propres politiques agricoles et de développer de nouvelles relations et valeurs entre les hommes et les femmes et avec la nature.
Nous croyons en l’agroécologie comme en un outil dans la construction d’une autre façon de produire et reproduire la vie. Elle fait partie du projet socialiste, un partenariat entre les travailleurs et les organisations de base, à la fois rurales et urbaines. Elle doit promouvoir l’émancipation des ouvriers, paysans, peuples indigènes et d’afro-descendance. La coexistence de l’agroécologie dans le contexte du système capitaliste est cependant impossible.
Nous affirmons que l’agroécologie est basée sur les connaissances et pratiques ancestrales, le renforcement des connaissances par le dialogue et le respect des points de vue différents et des processus, ainsi que l’échange d’expériences et l’utilisation de technologies appropriées pour produire des aliments sains qui répondent aux besoins de l’humanité et préserve l’harmonie avec la Pachamama (Terre Mère).
Nous, en tant que Via Campesina, une articulation de mouvements et organisations pluriculturelles, nous allons continuer à reconnaître et à renforcer l’échange d’expériences et de connaissances parmi les paysans, les peuples autochtones et afro-descendants, la propagation et la multiplication de nos programmes de formation et d’éducation de Programmes paysan à paysan, dans les écoles paysannes, dans les Ecoles d’éducation formelle, et d’éducation ouverte y dans les processus communautaires et territoriaux.
Nous reconnaissons le fait que cette réunion s’est tenue sur le territoire Maya, où nous avons démarré la méthode de paysan à paysan, qui vise à créer l’unité, qui n’a pas de frontières et qui est basée sur des relations horizontales et intégrées. Nous comprenons qu’il n’y a pas de méthodes normalisées en agroécologie, mais plutôt des principes qui nous unissent, comme nos formes d’organisation, de formation et de mobilisation.
Notre quête pour comprendre notre monde et ses relations au temps, aux énergies créatrices et à la mémoire historique (de l’agriculture, des territoires et de l’humanité) est complétée par une interprétation de matérialisme historique et dialectique de la réalité. Ensemble, nous cherchons à développer notre compréhension politique et idéologique pour réaliser un changement structurel dans notre société, et ainsi pouvoir libérer l’aspiration au bien-vivre de nos peuples.
«Nous ne voulons pas changer le climat, nous exigeons de changer le système»
«Notre terre ne se vend ni ne s’achète, elle se récupère et se défend»
«L’agroécologie et les semences paysannes sont un patrimoine des peuples au service de l’humanité”
«Mondialisons la lutte, mondialisons l’espoir»
CLOC-Via Campesina, Chimaltenango, Guatemala, août 2011