Déclaration de l’Assemblée des Jeunes – VII Conférence internationale Via Campesina
(Paris, 28 Juillet 2017 ) Les délégations venues de 47 pays ont adopté une déclaration rejetant clairement le capitalisme qui exploite l’homme et de la nature comme le patriarcat.
(Derio, 25 Juillet 2017)
Nous, jeunesse de La Via Campesina, unie à l’occasion de notre IVe Assemblée internationale des jeunes, nous sommes rassemblé dans le Pays basque – Euskal Herria pour renforcer notre mouvement pour la souveraineté alimentaire. Nous sommes paysan-nes, pêcheurs-ses, peuples autochtones originaires d’Afrique, des Amériques, d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient et représentons des organisations venues de 47 pays. Nous avons convergé pour échanger des idées, développer des stratégies et faire entendre la voix de la jeunesse.
Les luttes de la jeunesse sont le reflet du contexte politique global dans lequel nous sommes particulièrement affecté-e-s. La crise mondiale présente des dimensions économique, sociale, politique et culturelle. Nous assistons à une attaque de plus en plus forte de la démocratie par le capitalisme. Nous éprouvons une violence structurelle et la criminalisation de nos luttes et mouvements sociaux. Un nombre de plus en plus important de militant-e-s paysan-ne-s ou environnementaux-les est ciblé et assassiné. Nous subissons des migrations forcées dues aux guerres, au changement climatique et aux conditions économiques et sociales oppressantes. Nos ressources (terre et territoires, semences, ressources marines, ressources en eau, etc.) sont accaparées par les industries extractives, y compris l’agribusiness, les activités minières et même le secteur des énergies renouvelables (centrales hydro-electriques, fermes solaires, etc.). Le travail de la jeunesse et des migrant-e-s est sous-évalué et brutalement exploité.
Le patriarcat et la discrimination fondée sur l’âge freinent la visibilité et la participation des jeunes aux processus décisionnels. Les médias capitalistes dominants continuent de propager le postulat erroné selon lequel l’agriculture n’a pas d’avenir et que seul l’emploi urbain dans le secteur formel peut être source de prospérité.
La terre et les territoires sont maintenant perçus comme des marchandises, exploitées via des investissements spéculatifs et via l’accaparement des terres. Ceci a pour résultat des coûts élevés et une disponibilité limitée de la terre. Cela restreint la possibilité pour les jeunes, notamment les jeunes femmes, d’accéder à la terre. Au même moment, les dures réalités et la faible rentabilité de l’agriculture fait qu’il est difficile pour les jeunes de prospérer grâce à la terre. L’accaparement des terres par le capital transnational pour les investissements industriels, la production d’énergie, l’extractivisme et le développement sont des phénomènes répandus. La situation est encore aggravée par les conséquences graves et différenciées du changement climatique.
Ensemble, ces processus forcent les jeunes à migrer à quitter les zones rurales. Les jeunes sont privé-e-s de toute opportunité et de leur responsabilité à jouer un rôle significatif dans l’action de nourrir les peuples et la Terre Mère. Les campagnes voient leur population vieillir et cela a un impact direct et des conséquences immédiates sur le présent et l’avenir de l’Humanité.
Nous luttons pour la démocratisation de nos sociétés et pour la participation pleine et entière de la jeunesse aux processus décisionnels. Nous devons nous assurer qu’au sein de nos propres organisations, les jeunes sont capables de développer des compétences de leadership. Nous devons promouvoir des politiques publiques fortes et notamment une réforme agraire intégrale et populaire afin de garantir aux jeunes leur droit de rester sur la terre.
Nous exhortons les Nations unies à adopter la Déclaration des droits paysans qui affirme notre droit universel, en tant que jeunes, à la terre, à l’autodétermination et la souveraineté alimentaire.
Nous condamnons les assassinats, les injustices et les massacres du capitalisme patriarcal. Nous nous déclarons solidaires de tous les peuples opprimés se battant pour la paix et la dignité.
En nous appuyant sur notre expérience, nous rejetons les allégations selon lesquelles le libre-échange accroît le bien-être de notre société. Nous exigeons que l’agriculture soit exclue des accords commerciaux et que la voix des jeunes paysan-ne-s soit reconnue dans les processus décisionnels.
L’agroécologie paysanne est notre chemin vers la souveraineté alimentaire et la solution à la crise mondiale pluridimensionnelle. L’agroécologie est une vision politique et d’un mode de vie qui nous a été légué par nos ancêtres, nous rejetons toute cooptation de ce terme par l’agri-business. Les processus et les écoles d’agroécologie que nous avons créé au sein de notre mouvement se développent à travers le monde en engendrent une multitude d’expériences couronnées de succès. Nous réaffirmons que les formations en agroécologie se doivent d’être intégrales, globales et de réunir des aspects aussi bien techniques que politiques et idéologiques, y compris des compétences essentielles en communication et des outils méthodologiques. La méthodologique de « paysan à paysan » que nous appliquons dans nos écoles d’agroécologie est un instrument important et probant d’échange d’information et de renforcement des processus de communication et de formation au sein de notre mouvement. Nous constatons que cette méthode respecte les traditionnels de nos territoires et de nos peuples, de manière à ce que nous puissions transmettre ce savoir entre les générations. Nous proposons d’étendre et de défendre notre méthode de formation en agroécologie et de la rendre accessible partout dans notre mouvement et à travers le monde.
Nous travaillons à combler le fossé entre la jeunesse urbaine et rurale. Malgré les apparences, les combats auxquels nous faisons face sont le résultat des mêmes forces oppressives du capital et du pouvoir mondiaux. Nous devons inclure dans notre mouvement tous les jeunes qui pratiquement l’agriculture urbaine, qui tentent de retourner à la terre, qui construisent la souveraineté alimentaire au niveau des communautés ou qui travaillent pour la justice sociale, à quelque titre que ce soit.
Il n’y aura pas de souveraineté alimentaire ou de justice sans féminisme ou sans égalité entre toutes et tous. Nous reconnaissons et respectons la diversité sous toutes ces formes, y compris la diversité raciale, de genre, de sexualité ou de classe. Nous allons éradiquer le patriarcat et les discriminations où qu’elles aient lieu. Nous nous engageons à mener le travail difficile d’identifier nos propres biais et les façons dont nous pouvons nous-même relayer le patriarcat malgré de bonnes intentions.
La lutte de la jeunesse mondiale n’est pas seulement la nôtre. Nous devons continuer à construire des solidarités et des convergences entre nos luttes via le partage d’informations et la création collective de savoirs.
Nous, jeunesse de La Via Campesina, devons exploiter la richesse de notre diversité culturelle, géographique, identitaire et linguistique pour continuer à renforcer notre mouvement grâce à une lutte permanente et une mobilisation active.
Nous réaffirmons notre lutte pour la terre, les territoires et nos droits collectifs sur les ressources nécessaires à pratiquer l’agroécologie paysanne comme mode de vie. Nous réaffirmons notre droit, notre capacité et notre engagement à remplir notre rôle dans la construction de la souveraineté alimentaire. Les semences que nous semons aujourd’hui nous nourriront dans le futur. La terre est prête et fertile.
Nous investissons dans la jeunesse paysanne, semer aujourd’hui pour récolter demain.
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PAR JEAN-MARC B