Roumanie : le soutien des paysan·ne·s est une priorité dans le contexte de Covid19 (lettre ouverte)

Une série de mesures proposées au gouvernement et au Parlement de la Roumanie par des organisations de petits producteurs, des organisations de la société civile et des chercheurs dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation

Si nous sommes actuellement confrontés à une crise sanitaire, la réalité qui nous entoure montre qu’il existe un risque de faire face à une crise alimentaire. Les paysannes et paysans, petits et moyens producteurs locaux, exploitations familiales en Roumanie et dans le monde continuent de fournir la nourriture tant dans leurs villages, à leurs familles que dans les villes de proximité. Les courtes chaînes alimentaires et l’économie locale fournissent non seulement des aliments frais et sains, mais elles représentent la solution à cette crise, qui serait probablement prolongée. De plus, leur soutien est une importante opportunité de développement local à long terme et un filet de sécurité dans d’autres situations de crise potentielles.

Nous considérons qu’il est particulièrement important que les pouvoirs publics maintiennent le fonctionnement des marchés paysans, adaptés en toute sécurité à la pandémie. Nous avons besoin du soutien continu des autorités, afin que les producteurs puissent continuer à venir sur les marchés et à vendre dans des conditions hygiéniques et sûres, à la fois pour eux-mêmes et pour les consommateurs. Les marchés publics paysans sont le principal moyen de vendre directement les produits des petits producteurs. Ils sont importants car ils fournissent de la nourriture à des prix équitables pour les producteurs ainsi que les consommateurs, y compris les personnes des groupes vulnérables et les personnes âgées bénéficiant de pensions réduites. En outre, les nombreuses initiatives alternatives de livraison directe de producteur à consommateur, ainsi que les projets alimentaires locaux et régionaux, démontrent la pertinence et la durabilité des circuits courts.

Compte tenu de la capacité indéniable des paysan·ne·s et des petits producteurs à nourrir les consommateurs, mais aussi des risques liés à la pandémie du coronavirus, les politiques publiques doivent désormais se concentrer sur leur soutien ainsi que sur le soutien des consommateurs pauvres et âgés pour lutter contre les conséquences de la crise. À cet égard, les signataires de cette lettre ouverte proposent au gouvernement et aux autorités compétentes des mesures concrètes pouvant être mises en œuvre au cours de la prochaine période.

Nos propositions sont structurées en 3 parties :

I. Accès aux marchés et activité agricole des petits producteurs:

1. Le maintien des points de vente directe ouverts, en priorité des marchés de producteurs locaux dans les villes ou villages, ainsi que des magasins agricoles, dans toute la Roumanie, pendant toute la période de crise de Covid-19. Prioriser les petits producteurs (au lieu d’intermédiaires) sur les marchés paysans, tant publics que gérés par des administrateurs privés. Nous proposons également que des fonds soient alloués au niveau local et national par les maires, les conseils locaux, les administrations des marchés privés et le gouvernement – à l’hygiène et à la sécurité des producteurs, y compris les équipements de protection (masques, gants, combinaisons, désinfectants, etc.). Enfin et surtout, il est nécessaire de promouvoir les marchés dans l’environnement public, en tant qu’alternative d’approvisionnement viable et sûre pour les consommateurs (et) pendant la crise.

2. Le soutien et la promotion des chaînes d’approvisionnement courtes (locales), telles que les initiatives de vente de produits alimentaires dans les foyers individuels et de groupe :

a) en permettant l’auto-organisation des points de distribution fixes et mobiles, en respectant les normes de prévention contre la propagation de Covid-19;

b) en mettant à la disposition des autorités locales des espaces adéquats et en couvrant par le gouvernement et / ou les autorités locales les coûts de leur fonctionnement pendant les restrictions liées à Covid 19 et au moins 3 mois après.

3. Le soutien des producteurs pastoraux, qui sont particulièrement affectés par les restrictions liées au Covid-19, respectivement des petits éleveurs (ovins et caprins) et des apiculteurs afin de mener à bien leurs activités de transhumance et de pastoralisme et d’accès aux marchés.

4. Le maintien du calendrier de versement de subventions dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) et l’assistance les bénéficiaires hors ligne et en ligne dans le processus d’obtention des subventions ; et la réduction de la TVA et d’autres taxes qui pèsent sur les petits et moyens producteurs.

5. La réglementation et le plafonnement des bénéfices commerciaux sur les denrées alimentaires de base, afin d’éviter la spéculation et l’aggravation de la crise alimentaire. Dans le même temps, garantir des prix juste pour les producteurs par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural et par les institutions habilitées par la subordination directe du ministère et après consultation des associations de producteurs.

6. La réalisation d’investissements publics par le Ministère de l’agriculture, avec des contributions au niveau des comtés et des autorités locales, pour le développement des infrastructures de stockage et de transformation des petits producteurs. Cet investissement est d’une importance cruciale et a un rôle stratégique à moyen et long terme pour le développement et la résilience des chaînes alimentaires nationales. Cette infrastructure devrait permettre le stockage et la transformation des légumes, fruits, céréales, produits laitiers et autres, à un plus grand nombre de petits producteurs, augmentant ainsi leur accès au marché, ainsi que l’accès à des aliments sains, frais et locaux pour les consommateurs.

7. L’actualisation et l’amélioration de la réglementation des marchés publics, afin de faciliter l’approvisionnement aux filières courtes à usage institutionnel (hôpitaux, cantines institutionnelles, asiles, etc.), avec l’extension de ce système aux écoles, jardins d’enfants, crèches et autres institutions publiques.

8. La réintroduction (et la surveillance) de l’obligation d’approvisionnement à partir de chaînes alimentaires courtes aux les grands magasins d’alimentation.

II. Le problème des travailleurs agricoles:

9. Le gouvernement roumain est appelé à assumer sa responsabilité quant à la sécurité des travailleurs migrants saisonniers travaillant dans les secteurs de l’agriculture et l’alimentation, en garantissant la mise en œuvre de toutes les mesures de prévention contre le COVID-19 par le gouvernement de la Roumanie et les gouvernements des pays d’accueil tout au long de la crise ; le suivi de la mise en œuvre des mesures préventives contre le COVID-19 par toutes les institutions de l’État, les agences de recrutement et les entreprises ou exploitations agricoles impliquées dans le recrutement, dans l’exécution des contrats de travail ainsi dans le transport et l’exécution du travail dès le départ de Roumanie et jusqu’au retour au pays, y compris les aspects spécifiques suivantes:

a) La réglementation des vols charters pour le transport des travailleurs saisonniers afin que toutes les mesures de prévention COVID-19 soient mises en œuvre; cela implique la mise à disposition de personnel au niveau des aéroports nationaux pour assurer le maintien et le respect des mesures de prévention du COVID-19 par les citoyens devant partir pour un travail saisonnier dans d’autres pays;

b) L’obligation des agences de recrutement et des employeurs à la recherche d’une main-d’œuvre saisonnière d’informer et de fournir les moyens nécessaires aux travailleurs saisonniers migrants concernant les mesures de prévention du COVID-19 pendant le processus d’emploi, de voyage et pendant la période de travail effective et rester à disposition des travailleurs dans les pays d’accueil;

c) L’engagement public et ferme au niveau bilatéral entre la Roumanie et les pays d’accueil des travailleurs saisonniers que les mesures de prévention du COVID-19 soient respectées (par exemple, contrôles au niveau des employeurs et dans fermes par les autorités habilitées des pays d’accueil);

d) La mise en place de numéros verts où les travailleurs saisonniers peuvent signaler les violations des mesures de prévention du COVID-19 par les employeurs des pays d’accueil.

10. Le renforcement des efforts pour le rapatriement des citoyens roumains – migrants saisonniers travaillant dans l’agriculture, l’alimentation et autres services essentiels et des citoyens coincés dans les pays d’accueil, qui se retrouvent dans des situations difficiles ou qui ont perdu leur emploi et ont signalé la nécessité d’une assistance au rapatriement.

11. La protection des travailleurs agricoles en maintenant les emplois et les revenus associés, de manière à assurer la poursuite de leur activité dans la situation d’urgence, et ce afin de garantir la santé et la sécurité alimentaire de tous les citoyens.

III. Améliorer la transparence du processus décisionnel et associer les petits producteurs et la société civile à la prise de décisions à court terme :

12. Inclusion d’associations de petits producteurs, de la société civile, d’organisations et d’instituts de recherche actifs dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation dans les structures de dialogue et de travail au niveau du ministère de l’agriculture, ainsi que d’autres autorités compétentes aux niveaux régional et local, pour de meilleures décisions concernant la sécurité et la sûreté alimentaires dans le contexte de la crise de Covid-19, mais aussi pour le développement à long terme de ce secteur.


Il est plus que jamais temps pour le gouvernement et le Parlement roumains de comprendre que les aliments locaux, sains et nutritifs obtenus par les petits producteurs et les paysans, ainsi que l’accès de la population à la nourriture à des prix abordables, signifient une économie locale forte et une sécurité alimentaire durable.

Lettre ouverte rédigée et envoyée par :

Association Eco Ruralis – en soutien aux agriculteurs biologiques et traditionnels (www.ecoruralis.ro)

Asociația Eco Ruralis – în sprijinul fermierilor ecologici și tradiționali (www.ecoruralis.ro)

Federaţia asociaţiilor apicole din România – ROMAPIS (www.romapis.ro)

Asociația pentru Susținerea Agriculturii Țărănești – ASAT (www.asatromania.ro)

Asociația Ființa Rurală – inițiativa Cutia Țăranului (www.cutiataranului.ro)

WWF România (www.wwf.ro)

Asociația Hosman Durabil (www.moara-veche.ro)

Slow Food Cluj Transilvania

Rural Development Research Platform (www.rdrp.ro)

Proiectul de cooperare Just Food

Fundația ADEPT (www.fundatia-adept.org)