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Pour les paysannes et les paysans, l’eau est une richesse indispensable

Discours de Jean-François PERIGNE pendant le Forum mondial alternatif de l’eau – FAMA 2018 au Brésil du 17 au 22 mars

Bonjour tout le monde,

Depuis 5 jours que j’écoute ce qui se dit ici, j’ai un peu honte d’être français. En effet, je sais bien comment s’appellent les principales entreprises multinationales qui volent votre eau en Amérique latine : Il y a « Engie » qui doit partir d’ici ! Il y a « Suez » qui doit partir d’ici ! Il y a « Vinci » qui doit partir d’ici ! Il y a « Veolia » aussi qui doit partir d’ici ! Donc, du fond du cœur, pardon.

Je suis secrétaire national de la confédération paysanne. Je vais parler au nom de la France, de l’Europe et de toute la Via Campesina internationale.

Pour les paysannes et les paysans, l’eau est une richesse indispensable. Mais les logiques productivistes ont détruit le bon sens paysan. En France, à cause de l’industrialisation de l’agriculture, les monocultures qui réclament beaucoup d’eau, comme le maïs par exemple, connaissent un développement important avec des conséquences sur les nappes phréatiques et également les rivières. Le maïs, qui était la déesse de la fertilité pour les peuples indigènes d’ici, devient la déesse de la stérilité de la terre de mon pays. Dans le même temps, l’utilisation des pesticides et intrants chimiques se systématisent avec des conséquences néfastes sur la qualité de l’eau douce, la biodiversité, la santé des hommes et celle des océans aussi.

Les paysans sont les premières victimes de ces pesticides !

Le dérèglement climatique prévoit plus de périodes sèches, une augmentation de 50% de l’évapotranspiration, et des tempêtes plus fortes et plus fréquentes.

Je suis producteur de moules dans une île française. Je sais bien qu’au fond de l’océan la vie peut naître sans oxygène et sans la lumière du soleil… mais pas sans eau !

L’agriculture à l’échelle mondiale utilise 70% de la ressource en eau. Nos principales revendications peuvent se résumer à notre projet d’agriculture paysanne. Nous avons 4 revendications principales qui ne sont pas négociables :

1. Ecrire que le droit de l’eau passe avant le droit à l’accès à l’eau pour l’irrigation. Nous devons respecter le cycle complet de l’eau jusqu’à la mer ! Une goutte d’eau qui va à la rivière n’est pas perdue ! Elle est le sang de la mer qui permet la naissance du phytoplancton, première biomasse végétale de la planète, qui produit les 2/3 de l’oxygène de l’atmosphère et qui est aussi la nourriture principale des coquillages. Vous savez que pour fabriquer leurs coquilles, ils fixent le carbone pour des temps géologiques. C’est le cercle vertueux pour le climat.

2. Respecter les priorités dans l’utilisation de l’eau :

– Garantir la bonne santé de la nature
– Garantir l’accès à l’eau potable à tous
– Quand tout cela est garanti, on peut utiliser l’eau pour l’agriculture avec comme première priorité l’élevage des animaux qui doivent boire, comme nous. En second les productions alimentaires de première nécessité, et au final si les ressources naturelles sont garanties l’irrigation peut être envisagée.

3. C’est l’agriculture qui doit s’adapter aux ressources disponibles et non l’inverse. Pour avoir la possibilité d’irriguer, les paysans doivent aller vers la transition agricole. Nous avons des solutions :

– La rotation des cultures
– Les alternatives aux pesticides
– La sélection de semences population, moins gourmandes en eau
– La relocalisation de l’alimentation
– Le travail du sol
– L’agroécologie et l’agroforesterie

4. Sortir du droit de propriété pour l’accès à l’eau et reconnaître le droit d’usage qui peut sécuriser une distribution égalitaire, une gestion durable et transparente accessible à toutes les communautés.

L’irrigation doit être une solution pour garantir la production, pour la création d’emplois paysans et de revenu… mais pas pour accumuler des richesses incontrôlées.

Les projets à l’échelle des petites fermes pour l’autonomie sont possibles, mais pas les projets gigantesques qui se développent aujourd’hui un peu partout en Europe. A la fin de l’été dernier, dans ma région, il y avait 1500 km de rivière à sec. En Espagne, le Tage un des plus importants fleuves du pays était également à sec sur plusieurs centaines de km !

L’eau pour l’irrigation ne devrait pas être subventionnée comme aujourd’hui. Les aides devraient être attribuées à la personne et non à la surface. Les systèmes traditionnels d’irrigation permettent de préserver les ressources naturelles d’eau. L’agriculture paysanne peut atténuer le dérèglement climatique.

Nous tous réunis, allons globaliser la lutte pour la préservation de l’eau… et nous allons envoyer le capitalisme dans l’univers à la recherche d’eau sur une autre planète !

La terre est à nous !

L’eau est à nous !

Merci de votre attention