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Membres de la Région Arabe et d'Afrique du nord | Solidarité avec la Palestine | Terre, eau et territoires

Partie 7 | Une délégation de La Via Campesina a visité la Palestine en décembre 2024 : Notes de leurs carnets de bord quotidiens

31 mars 202528 avril 2025

Du 8 au 18 décembre 2024, une délégation de neuf paysan·nes s’est rendue en Cisjordanie, en Palestine. Leurs organisations font toutes partie du mouvement paysan international La Via Campesina, qui compte parmi ses membres l’Union des comités de travail agricole (UAWC), organisation palestinienne.Depuis de nombreuses années, La Via Campesina se tient aux côtés des paysannes et des paysans palestiniens face à la colonisation, aux accaparements de terre et d’eau, et aux multiples violations des droits humains dont ils sont victimes. Mais depuis 2023, l’ampleur des massacres à Gaza et l’intention génocidaire non-dissimulée du gouvernement d’extrême-droite israélien ont amené La Via Campesina à renforcer son travail de solidarité avec les paysans palestiniens. Organiser la visite d’une délégation en Cisjordanie s’est donc peu à peu imposée comme une évidence.

Au vu des obstacles posés par l’État Israélien pour accéder aux territoires palestiniens, tous les délégués étaient européens, venus du Pays Basque, de Galice, d’Italie, du Portugal, d’Irlande et de France.Nous, Fanny et Morgan, sommes toutes deux paysannes, en Ardèche et en Bretagne, et membres de la Confédération Paysanne. Les textes qui suivent sont notre carnet de bord pendant ces dix jours .


Jour 8 – Hébron

Morgan

Après le petit déjeuner, nous allons visiter la « salle des trésors » : la banque de semences de l’UAWC. Dans la plupart des pays, l’État est chargé de collecter et de s’assurer de la préservation du patrimoine semencier. Comme l’autorité palestinienne n’en a pas les moyens, en Palestine, c’est l’UAWC qui remplit cette mission essentielle pour l’agriculture. 76 variétés végétales sont gardées ici, pour la plupart des semences de légumes. Nous sommes impressionnés par le sérieux et la technicité des pratiques de conservation. Des tests de germination sont réalisés régulièrement sur tous les lots. Différentes salles à des températures et des niveaux d’humidité différents sont utilisées pour les stades de la conservation. De gros congélateurs complètent le dispositif. Kelo, qui est lui-même producteur de semences au Pays Basque, est très impressionné.

Nous découvrons des machines très spécifiques : des trieurs, des séchoirs, des germinateurs, etc. L’équipe de la banque de semences nous explique que le plus important ne se trouve pas ici, mais bien dans les champs des paysans palestiniens qui utilisent ces semences, assurent leur reproduction et les sélectionnent pour permettre une adaptation constante des graines aux différents terroirs et aux évolutions du climat. Un réseau de plus de mille paysannes et paysans participe à ce travail. Fuad nous explique que l’UAWC tente de faire expédier des semences à Gaza, car il est essentiel que les paysans de l’enclave puissent faire redémarrer la production agricole pour produire la nourriture qui manque tant à l’heure actuelle. La menace d’un raid de l’armée israélienne sur le bâtiment où se trouve la banque des semences les inquiète aussi beaucoup, c’est pourquoi ils ont décidé de mettre à l’abri des semences dans différents lieux en Palestine, mais aussi dans la réserve mondiale de semences de Svalbard au Spitzberg.

Dans la banque de semences de l'UAWC ©La Via Campesina
Dans la banque de semences de l'UAWC ©La Via Campesina
Dans la banque de semences de l'UAWC ©La Via Campesina

Notre petite délégation se dirige ensuite vers les bureaux du gouvernorat d’Hébron, où le gouverneur, Khalid Doudin, nous reçoit. Il nous explique la spécificité de la ville d’Hébron : depuis 1997, la ville est séparée en deux zones, H1 et H2, H1 sous administration palestinienne, H2 sous administration israélienne. Une colonie israélienne d’un peu moins de 1000 habitants est installée au cœur de la cité, qui compte 225000 habitants. Les Palestiniens qui vivent en zone H2 sont soumis à un harcèlement quotidien de la part des soldats et des colons israéliens. Cette situation s’est aggravée après le 7 octobre 2023 : les Palestiniens de la zone H2 n’ont plus le droit de sortir librement de leur maison, ils sont comme en confinement, autorisés à prendre l’air seulement quelques heures par jour. Le gouverneur décrit les conséquences terribles pour l’économie de la ville : Hébron était autrefois un centre économique dynamique ainsi qu’un lieu de tourisme prisé. Aujourd’hui, une grande partie de la population est au chômage. Khalid Doudin nous donne l’exemple d’un projet de centre de traitement des eaux usées. Ils avaient obtenu l’autorisation de l’administration israélienne, les travaux ont été réalisés, et puis lorsque le projet est arrivé à son terme, les Israéliens ont finalement décidé que c’était illégal, ils l’ont détruit et ont installé une base militaire à la place.  Le gouvernorat fait face à cette même stratégie malhonnête pour installer des zones industrielles.

A la fin de la visite, nous recevons en cadeau des foulards traditionnels, noir avec des tissages colorés pour les femmes, noir et blanc avec les portraits de Yasser Arafat et Mahmoud Abbas pour les hommes.

La délégation avec le gouverneur d'Hébron © la Via campesina

Fanny

Nous quittons Hébron pour le village d’Altwaneh, commune rurale où les familles sont majoritairement des éleveurs. Les écoles ici sont clairement ciblées. On nous a montré un petit documentaire il y a quelques jours, tourné dans le coin où sont filmés des colons qui s’attaquent aux écoles, aux élèves et aux enseignants… Tout est fait pour que les enfants palestiniens ne puissent pas apprendre à écrire et à lire, ne puissent pas avoir accès à l’éducation, ne puissent pas s’émanciper.

Pour soutenir les familles de cette région, les camarades de l’UAWC ont prévu de remettre à chaque enfant un cartable, des fournitures scolaires et un manteau. Ils profitent de notre venue pour le faire.

Sur la route, nous observons de nombreuses colonies, implantées non loin de la route. Elles ont accaparé toutes les bonnes terres labourables pour y faire pousser du blé, des lentilles… On longe aussi plusieurs de leurs fermes-usines avec de l’élevage hors sol de vaches laitières. On voit des prim’holstein confinées sous des hangars couverts de panneaux photovoltaïques. Il s’agit de « fermes » qui sont, comme les colonies, entourées de hautes grilles, de barbelés, de fils électriques. Modèle de rêve…

On arrive dans le village sur les hauteurs, le bus se gare dans la cour de l’école. Une multitude d’enfants accourent pour nous saluer. Il y a de l’euphorie dans l’air, nous sommes accueillis par des sourires immenses et de grands yeux rieurs de toutes les couleurs.

Je suis surprise par tous les yeux clairs, gris, verts et bleus, que je croise. Tamam, avec ses yeux bleus, me dit en riant « Je pensais être une exception en Palestine, c’est raté ! »

On monte dans une classe pour la remise des sacs et blousons. Il y a des enseignants, des délégués du village et des parents d’élèves. Un responsable de l’éducation nous rejoint. On voit défiler des dizaines d’enfants de tous les âges. C’est joyeux et les plus hardis, comme les plus timides, nous font bien marrer.

Puis, des adultes témoignent. Ils racontent que le bus scolaire et les enfants se font caillasser en venant à l’école. Que les enfants qui vivent dans les villages de l’autre côté des colonies, ne peuvent plus venir à l’école. Que les enseignants sont souvent empêchés d’arriver, les colons les bloquent sur la route. Un des prof témoigne qu’il vient régulièrement à dos d’âne, seul moyen pour rejoindre l’école. « Le droit à l’éducation et le droit au travail sont bafoués presque quotidiennement ». Cri du cœur du responsable de l’éducation. « Nulle part ailleurs dans le monde le droit à l’éducation n’est supprimé aussi facilement, les écoles sont ici démolies. Où est la communauté internationale ? »

A la fin de la remise des sacs, il y a une remise de prix à tous les enseignants, et Morgan, en tant que représentante de la Via Campesina se retrouve à nouveau à la table des « officiels ». J’aimerais pas être à sa place mais je vois comme elle assume avec simplicité et dignité ses responsabilités. Pendant ce temps-là, j’échange avec un des 3 volontaires internationaux qu’on vient juste de rencontrer. Aurélien, le jeune français, est en Palestine depuis 3 mois, il me raconte un peu leur quotidien, entre leur mission de « boucliers humains » pour permettre aux paysans d’aller aux champs, aux enfants d’aller à l’école et les coups de main qu’ils donnent aux familles, dans les champs, dans le village. On se dit qu’il faut vraiment qu’ils puissent partager leurs expériences pour motiver de futurs volontaires alors on imagine des rencontres avec le groupe « jeunes » de la Confédération paysanne et celui de la Via Campesina Europe. On échange nos contacts, rendez-vous pris.

Morgan

Dans le trajet de retour vers Hébron, j’exprime à Fuad ma surprise : depuis le début de notre séjour en Palestine, nous n’avons pas l’impression que la place de l’islam dans le quotidien soit très importante. Lors de la visite à l’école et de la cérémonie de remise des prix aux professeurs, on aurait pu imaginer une prière ou bien des références à Dieu Tout Puissant. Rien de tout cela. Pendant nos nombreuses rencontres, que ce soit avec des paysans ou bien avec des officiels, à aucun moment nous n’avons été interrompus pour que nos hôtes puissent aller prier. Je connais bien l’Indonésie, et en comparaison, la religion et l’islam en particulier y tiennent une place bien plus importante : par exemple, une des premières questions qu’on nous pose lorsqu’on rencontre une nouvelle personne est « quelle est ta religion ? ». En Palestine, pas du tout. A vrai dire, nous ignorons même si Sana, Taman et Aghsan sont croyantes et si oui, de quelle religion. Fuad m’explique que chacun est libre de pratiquer ou non la religion de son choix, mais que les relations entre les personnes ne dépendent pas de ce critère. Il me raconte qu’il a de bons amis dont il ignore s’ils sont musulmans ou chrétiens, et que cela n’a pas d’importance. C’est tellement éloigné de ce qu’on nous fait croire en France où on nous présente les Palestiniens comme de dangereux islamistes…

Le minibus entre dans la ville d’Hébron, traverse des ruelles étroites, longe de vieilles bâtisses en pierre et se gare. Dès que nous sortons, des gamins nous interpellent et tentent de nous vendre de petits objets. D’autres enfants font la manche. Nous sommes surpris : jusqu’ici nous n’avions rencontré aucun mendiant. Nous entrons dans le marché couvert. Mais la quasi totalité des magasins sont fermés. Les quelques commerçants qui gardent boutique ouverte sont désœuvrés. Nous sommes les uniques visiteurs du jour. Les vendeurs se pressent autour de nous, chacun veut nous emmener dans son échoppe, nous sommes probablement l’unique opportunité de la journée de gagner un peu d’argent. Fuad leur explique que nous allons d’abord voir la mosquée et que nous reviendrons ensuite.

Tout comme une visite à l’église de la Nativité s’impose à quiconque visite Bethléem, à Hébron nos hôtes tiennent à nous faire visiter la Mosquée d’Abraham ou Tombeau des Patriarches. Il s’agit d’un lieu saint pour les trois religions du livre. Selon la tradition, c’est là que sont enterrés Abraham et sa femme Sarah, Jacob, Isaac et d’autres matriarches et patriarches. Le temple aurait été construit par Hérode au 1e siècle avant J.-C., transformé en église pendant l’empire byzantin aux 5e et 6e siècle, puis en mosquée après le 7e siècle. Les croisés s’emparent momentanément du site au 12e siècle et en refont une église. Dès la fin du 12e siècle, l’empire ottoman reprends le dessus et le lieu redevient une mosquée.

Cent mètres plus loin, l’entrée du lieu saint est barrée par un check-point. Fuad s’approche de la femme soldat et une discussion s’engage en hébreu. Nous sentons la tension, mais sans comprendre ce qui se dit. Plus tard, Tamam nous refait la scène.

La soldate : « De quelle nationalités sont-ils ? »

Fuad : « Italiens, Français, Portugais, Espagnols et Irlandais »

« Qu’avez-vous dans les sacs ? »

« Des habits, des portefeuilles, leurs affaires quoi, que voulez-vous qu’il y ait ? »

« Si tu dis un mot de plus, je te tire une balle dans la tête. »

« Quoi ? »

« Réponds à mes questions ! »

« Je réponds à vos questions. »

La soldate prend le téléphone et appelle une collègue dans le second check-point « Eux, je ne les sens pas, tu les fouilles à fond. »

Nous passons un à un dans le portique de sécurité, une structure imposante qui ressemble à une cage, similaire à celle que nous avons vue la veille à l’entrée du camp de réfugiés de Dheisheh. Il nous faut à présent passer le deuxième contrôle de sécurité. Fuad entre dans la guérite, puis nous fait passer un à un. Nous donnons notre nationalité, une autre femme soldat ouvre notre sac, puis nous ressortons par une autre porte. C’est le tour de Sana.

« Where do you come from ? » (« D’où venez-vous ? »)

« Palestine »

La soldate crie : « What ! Where do you come from ?! »

« I live here, I come from here. » (« Je suis d’ici, je viens d’ici »)

La soldate hurle : « Where do you come from ? »

« I come from Ramallah » (« Je viens de Ramallah »)

La soldate vide le sac de Sana. Le foulard palestinien donné le matin même par le gouverneur s’y trouve. La soldate est furieuse. Elle secoue le foulard « Ici c’est Israël, tu n’as pas le droit d’avoir ça ! ». Elle confisque le foulard et entreprend de vérifier sur son ordinateur les antécédents judiciaires de Sana. Heureusement, Sana n’a jamais fait l’objet de poursuites. Après de longues minutes, elle peut enfin sortir.

Sana est sonnée. Elle nous dit « Quand on me demande ma nationalité, qu’est-ce que je suis censée répondre ? Ma réponse n’était pas une provocation. Qu’est-ce que j’étais censée répondre ? Je suis Palestinienne, j’ai un passeport palestinien. Ici, les étrangers ont le droit de venir visiter la mosquée, mais nous qui vivons ici, regardez comment ils nous traitent. Nous n’avons pas le droit d’exister ! »

Tamam, Aghsan et Fuad ont assisté à la scène. Tous sont sous le choc. Fuad soupire que sans la présence d’Européens, ils n’auraient jamais pu passer. Le gardien de la mosquée nous presse d’entrer car la prière va bientôt commencer et il faut que les non-musulmans soient sortis avant. Nous n’avons pas le temps de réfléchir aux évènements, nous nous engouffrons dans le bâtiment sacré. Nous enlevons nos chaussures et les femmes, nous enfilons une cape bleue avec une capuche. La Mosquée est presque vide, ce qui ne nous étonne guère vu les difficultés pour y accéder. Tamam fond en larmes. Fuad nous explique qu’ici-même, en 1994, en plein ramadan, un fanatique juif est entré et a mitraillé la foule en train de prier. 29 personnes ont été tuées et plus d’une centaine blessées. Suite à ce massacre, des émeutes ont éclaté à Hébron et dans toute la Cisjordanie. C’est cet évènement que l’État israélien a pris comme prétexte pour couper le bâtiment en deux : une partie en synagogue et l’autre en mosquée. Et c’est aussi suite à cela que Hébron a été divisée en deux zones et que les Israéliens ont pris le contrôle de la partie Est de la cité, H2. Fuad nous montre les tombes d’Abraham et de Sarah, au centre d’un mausolée ouvert par deux fenêtres vitrées qui se font face, une pour les musulmans, une pour les juifs. De l’autre côté, à travers ce jeu de vitres, nous pouvons apercevoir des personnes dans la partie synagogue. Un peu plus loin, Fuad nous indique une niche dans la roche avec la trace d’un pied : c’est une relique du « pied de Mahomet ». La cloison qui sépare la mosquée de la synagogue est là. Nous entendons les gens prier de l’autre côté.

Nous sortons de la mosquée et repassons les portiques de sécurité. Nous sommes tous silencieux et tristes. A nouveau les vendeurs du souk nous assaillent. Fuad nous explique qu’il ne faut pas leur en vouloir, parce qu’ils vivent une situation économique effroyable depuis plusieurs années, et encore pire depuis octobre 2023. Nous décidons de faire quelques emplettes ici : de l’encens, un porte-monnaie, une housse de coussin tissée, un joli foulard. Puis nous avançons dans les allées couvertes du vieux marché. Sur les 800 commerces que comptent le souk, moins de 50 sont encore ouverts. Les ruelles sont étroites et sombres, fermées par une sorte de toit et des grillages à un mètre ou deux au-dessus de nos têtes. Tout le côté gauche du marché est surplombé par les maisons des colons, avec de nombreux drapeaux israéliens. Les marchands nous racontent que, depuis leurs fenêtres, les colons leur lancent des pierres, des poubelles, de la merde,… La municipalité palestinienne a dû mettre en place ces structures pour protéger les vendeurs et leurs clients.

Sur une petite place, Tamam nous montre un des plus vieux cafés d’Hébron, habituellement un lieu bondé et joyeux. Il est presque vide. C’est là, que nous nous rendons compte que Malu n’est plus avec nous. Tamam nous explique qu’elle s’est sentie mal après la visite à la mosquée et que Sana l’a raccompagnée au minibus, avant de revenir avec nous. La délégation avance dans la vieille ville, puis nous débouchons sur un espace plus ouvert. Carlos, avec sa bonne humeur habituelle, discute avec les commerçants et se fait offrir un petit café à la cardamome. Il n’a pas vu le grand bâtiment paré de drapeaux israéliens et le mirador. Sana est inquiète. « Le soldat, là-haut, il nous regarde. » Elle retourne chercher Carlos : « Vite, viens, il ne faut pas rester ici ! » Il tourne la tête et prend soudain conscience de la situation. Un mur coupe l’accès à une rue perpendiculaire. A chaque porte de maison, un drapeau israélien. C’est le cœur de la colonie, en plein centre d’Hébron, une enclave hautement militarisée. Il y aurait plus de 2000 soldats stationnés ici pour défendre 700, peut-être 800 Israéliens.

Un marché de légumes et d’autres aliments frais occupe la rue suivante. Sans transition, nous sommes à nouveau dans une atmosphère conviviale et animée. Notre minibus est garé là. Nous retrouvons Malu. Fuad achète des biscuits et des pains au sésame. Nous avons bien besoin de cette collation sucrée pour nous remettre du spectacle terrible de l’oppression vécue au quotidien par les habitants d’Hébron.

Fanny

Après avoir traversé les rues dramatiquement désertes de la vieille ville, après avoir vu le désespoir des commerçants et ressenti l’oppression face aux soldats, nous basculons sans transition dans un quartier palestinien plein de vie. Les rues sont bordées de stands, les commerces sont ouverts, les gens sont souriants. Combien de « welcome » avons-nous entendu depuis que nous sommes à Hébron ? On nous salue chaleureusement et on nous répète que nous sommes les bienvenus.

Je me suis rarement autant sentie accueillie en voyage. Est-ce parce que la situation est tellement tendue quand on repère la présence de colons ou de soldats qu’on relâche la pression et qu’on se sent en sécurité dès qu’on en sort ?

Peut-être un peu mais pas seulement. J’imagine à quel point il doit être douloureux pour les Palestiniens et Palestiniennes de voir les médias israéliens et occidentaux les décrire comme de dangereux terroristes. J’imagine également la nécessité qu’ils ressentent à montrer qui ils sont, montrer la générosité et l’accueil qui les caractérisent.

On quitte le centre-ville. Fuad nous emmène dans la plus vieille et la dernière fabrique de keffieh du pays, ce foulard emblématique de la lutte du peuple Palestinien. Dans l’atelier, plusieurs métiers à tisser sont en marche, les navettes font leurs va-et-vient avec rapidité, les fils de couleurs s’entremêlent avec ingéniosité. Le bruit est assez assourdissant mais il m’est familier. Dans la région stéphanoise où j’ai grandi, le textile, particulièrement la fabrication de rubans, est au cœur des histoires familiales.

Dans la boutique attenante, on fouille partout, on compare les couleurs, les motifs et on est pris d’une frénésie d’acheter. Fuad, au nom de l’UAWC, nous offre à chacun le keffieh original noir et blanc. On est touchés et on se dit qu’il va falloir bien le cacher pour passer la frontière. Ça me rappelle que des amis ont été interpellés et réprimés par la police française pour avoir porté un keffieh dans les rues de Paris quelques semaines après le 7 octobre. Le keffieh passible d’amende, ça montre à quel point le gouvernement français a choisi son camp.

Il est tard dans l’après-midi et nous n’avons toujours pas mangé.

Fuad nous emmène dans une sorte de fast-food qui ne paie pas de mine, mais pourtant on y déguste le meilleur des shawarmas ! On en profite pour faire un tour de table des impressions de chacune et chacun, et on ne réalise vraiment qu’à ce moment-là ce qui s’est réellement passé à la mosquée.

Tamam, Sana et Aghsan, qui n’étaient pas venues dans la vieille ville d’Hébron depuis 2 ans ont les larmes aux yeux, même Fuad est choqué de ce qu’il a vu aujourd’hui. C’est allé tellement vite. L’ambiance est lourde et triste. Mais à ce moment-là, Carlos se lève, nous coupe dans les échanges, il vient de voir un billet de banque sur le sol. 3 jours plus tôt, il avait déjà trouvé 300 shekels dans la rue et on avait blagué pendant des heures à ce sujet. Et là, rebelote !??

Mustapha filme la scène et, à son rire, on comprend qu’il vient de piéger Carlos. Alors on explose tous de rire. Encore une fois, on passe des larmes à la joie.

Cette publication est également disponible en English.

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  1. Partie 9 | Une délégation de La Via Campesina a visité la Palestine en décembre 2024 : Notes de leurs carnets de bord quotidiens
  2. Partie 6 | Une délégation de La Via Campesina a visité la Palestine en décembre 2024 : Notes de leurs carnets de bord quotidiens
  3. Une délégation de La Via Campesina a visité la Palestine en décembre 2024 : Notes de leurs carnets de bord quotidiens [Partie 1]
Étiquettes de la publication : #Arna#Carnets de bord de la Palestine#mission de solidarité#Palestine#UAWC

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